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Ariane Web: Conseil d'État 402263, lecture du 25 avril 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:402263.20170425

Décision n° 402263
25 avril 2017
Conseil d'État

N° 402263
ECLI:FR:CECHS:2017:402263.20170425
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
Mme Catherine Bobo, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public


Lecture du mardi 25 avril 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 août 2016, M. A...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-847 du 28 juin 2016 relatif aux zones à circulation restreinte.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de la route ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Bobo, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.



1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales, issu de l'article 48 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte : " I. - Pour lutter contre la pollution atmosphérique, des zones à circulation restreinte peuvent être créées dans les agglomérations et les zones pour lesquelles un plan de protection de l'atmosphère est adopté, en cours d'élaboration ou en cours de révision en application de l' article L. 222-4 du code de l'environnement (...)/ II. - Les zones à circulation restreinte sont délimitées par un arrêté qui fixe les mesures de restriction de circulation applicables et détermine les catégories de véhicules concernés. (...) Les véhicules circulant dans une zone à circulation restreinte font l'objet de l'identification fondée sur leur contribution à la limitation de la pollution atmosphérique prévue à l'article L. 318-1 du code de la route./ L'arrêté précise la durée pour laquelle les zones à circulation restreinte sont créées./ Les mesures de restriction fixées par l'arrêté sont cohérentes avec les objectifs de diminution des émissions fixés par le plan de protection de l'atmosphère défini à l'article L. 222-4 du code de l'environnement./ III. - Le projet d'arrêté, accompagné d'une étude présentant l'objet des mesures de restriction, justifiant leur nécessité et exposant les bénéfices environnementaux et sanitaires attendus de leur mise en oeuvre, notamment en termes d'amélioration de la qualité de l'air et de diminution de l'exposition de la population à la pollution atmosphérique, est soumis pour avis, par l'autorité compétente, aux autorités organisatrices de la mobilité dans les zones et dans leurs abords, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie, ainsi qu'aux chambres consulaires concernées. A l'expiration d'un délai fixé par le décret prévu au V du présent article, cet avis est réputé favorable./ Le projet d'arrêté, l'étude et les avis recueillis en application du premier alinéa du présent III sont mis à la disposition du public, dans les conditions prévues à l'article L. 122-8 du même code./ IV. - L'autorité compétente pour prendre l'arrêté en évalue de façon régulière, au moins tous les trois ans, l'efficacité au regard des bénéfices attendus et peut le modifier en suivant la procédure prévue au III du présent article./ V. - Après consultation des représentants des catégories professionnelles concernées, un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article, notamment les catégories de véhicules, y compris de transport collectif de personnes, dont la circulation dans une zone à circulation restreinte ne peut être interdite, ainsi que les modalités selon lesquelles des dérogations individuelles aux mesures de restriction peuvent être accordées " ; que le décret attaqué est intervenu en application du V de ces dispositions ;

2. Considérant que l'article 1er du décret attaqué insère au code général des collectivités territoriales un article R. 2213-1-0-1 dont les septième à seizième alinéas disposent que : " Les restrictions de circulation peuvent être différenciées en fonction de la nature et de l'usage des véhicules./ L'accès à la zone à circulation restreinte ne peut être interdit :/ 1° Aux véhicules d'intérêt général au sens de l'article R. 311-1 du code de la route ;/ 2° Aux véhicules du ministère de la défense ;/ 3° Aux véhicules portant une carte de stationnement pour personnes handicapées prévue par l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles ;/ 4° Aux véhicules de transport en commun de personnes à faibles émissions au sens de l'article L. 224-8 du code de l'environnement./ Les dérogations individuelles aux mesures de restriction prévues au V de l'article L. 2213-4-1 peuvent être accordées, sur demande motivée des intéressés, par le maire ou par le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre lorsque celui-ci dispose du pouvoir de police de la circulation. Cette autorité délivre un justificatif précisant les conditions de validité de la dérogation, le périmètre sur lequel elle s'applique et sa durée de validité, laquelle ne peut excéder trois ans./ L'arrêté créant la zone à circulation restreinte précise :/ 1° La procédure et les motifs de délivrance et de retrait des dérogations ;/ 2° Les conditions dans lesquelles le justificatif de la dérogation est rendu visible ou tenu à la disposition des agents chargés des contrôles " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales qu'il appartient à l'autorité investie localement du pouvoir de police de déterminer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, les catégories de véhicules concernées par les restrictions de circulation qu'elle édicte ainsi que l'étendue de ces restrictions ; que la circonstance que le décret attaqué ne contient pas de dispositions interdisant à l'autorité compétente de fonder une restriction de circulation uniquement sur l'âge des véhicules en cause, ou de se référer à certaines normes, ou de prévoir des restrictions limitées à la période diurne n'est, en tout état de cause, pas de nature à l'entacher d'illégalité ; que la critique des normes retenues par l'arrêté conjoint du préfet de police et du maire de Paris du 24 juin 2016 instaurant des restrictions de circulation pour certaines catégories de véhicules en fonction de leur niveau d'émission de polluants atmosphériques est inopérante pour apprécier la légalité du décret attaqué ; que ce décret ne comportant aucune disposition relative aux véhicules de collection, le moyen tiré de ce que ces véhicules seraient indûment avantagés ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si les dispositions précitées du décret attaqué font obstacle à ce que l'accès d'une zone à circulation restreinte soit interdit aux véhicules de transport en commun de personnes à faibles émissions, définis à l'article L. 224-8 du code de l'environnement, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'y prohiber la circulation des véhicules de transport en commun n'appartenant pas à cette catégorie ; que la circonstance que le décret d'application prévu à l'article L. 224-8 du code de l'environnement n'a pas été pris n'implique pas que le décret attaqué méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions du décret attaqué ne créent aucune inégalité entre les usagers de la route ; que la circonstance qu'elles ne prévoient pas des régimes différents pour les usagers en fonction de leur lieu de résidence n'est pas de nature à les faire regarder comme méconnaissant le principe d'égalité ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le fait qu'elles n'exemptent pas les véhicules de passage des mesures applicables dans les zones à circulation restreinte et ne prévoient pas en leur faveur de " mesures de compensation " n'implique pas qu'elles apportent à la liberté d'aller et de venir une restriction disproportionnée ; que les moyens tirés d'une atteinte illégale à la liberté de circulation résultant du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et au droit de propriété ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 213-4-1 du code général des collectivités territoriales prévoient des possibilités de dérogation individuelle aux restrictions de circulation ; que les dispositions du décret attaqué, qui se bornent à encadrer la procédure de délivrance de ces dérogations, ne portent, par elles-mêmes, aucune atteinte à la liberté d'aller et de venir non plus qu'à la protection de la vie privée ; que le bien-fondé de la création d'une zone à circulation restreinte et des mesures de restriction prises dans ce cadre ne peut s'apprécier que dans le cadre de l'examen de la légalité de l'acte qui crée cette zone et édicte ces mesures ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au Premier ministre, au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'intérieur.