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Ariane Web: Conseil d'État 401168, lecture du 26 avril 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:401168.20170426

Décision n° 401168
26 avril 2017
Conseil d'État

N° 401168
ECLI:FR:CECHR:2017:401168.20170426
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public


Lecture du mercredi 26 avril 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le préfet de Mayotte a demandé au tribunal administratif de Mayotte, d'une part, d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 25 mars 2016 en vue de la désignation du président et des vice-présidents de la nouvelle communauté de communes du Sud transcrites par les délibérations 02/2016 et 04/2016 du conseil communautaire, d'autre part, d'annuler les délibérations 01/2016 et 03/2016 du même conseil communautaire relatives à son installation et à la fixation du nombre de vice-présidents.

Par un jugement n° 1600293 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Mayotte a, d'une part, annulé ces opérations électorales, d'autre part, annulé les délibérations 01/2016 et 03/2016 du conseil communautaire de la communauté de communes du Sud.

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme N...A...-C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de déclarer nulles et de nul effet les délibérations adoptées le 25 mars 2016 par le conseil communautaire de la communauté de communes du sud.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code électoral ;
- le code de justice administrative.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mars 2017, et la note en délibéré, enregistrée le 28 mars 2017, présentées par Mme A...-C... ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, lors de sa séance du 25 mars 2016, le conseil communautaire de la communauté de communes du Sud (Mayotte) a, en premier lieu, procédé à son installation par une délibération n° 01/2016 et fixé à neuf le nombre des vice-présidents par une délibération n° 03/2016, en second lieu, procédé à l'élection de son président et de ses neuf vice-présidents, ces élections ayant donné lieu respectivement aux délibérations n° 02/2016 et n° 04/2016. Par une demande enregistrée le 12 avril 2016, le préfet de Mayotte a demandé au tribunal administratif de Mayotte, d'une part, d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 25 mars 2016, d'autre part, d'annuler les délibérations n° 01/2016 et n° 03/2016. Par un mémoire produit en réponse à la communication de cette demande, enregistré le 10 mai 2016, Mme A...-C... a demandé au tribunal de déclarer nulles et de nul effet les quatre délibérations adoptées le 25 mars 2016. Elle relève appel du jugement du 26 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a annulé les opérations électorales ainsi que les délibérations n° 01/2016 et n° 03/2016 en tant que le tribunal n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à ce que ces délibérations soient déclarées nulles et de nul effet. A la suite de la communication qui lui a été faite de la requête de Mme A...C..., M. K...a présenté des conclusions incidentes tendant à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des conclusions du préfet de Mayotte.

2. Les conclusions dirigées contre la délibération procédant à l'installation du conseil communautaire et contre la délibération fixant le nombre des vice-présidents présentent un lien de connexité avec les conclusions relatives à l'élection du président et des vice-présidents de ce conseil communautaire. Par suite, il appartient au Conseil d'Etat d'en connaître en appel.

3. Aux termes de l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives aux maires et adjoints sont applicables au président et aux membres du bureau de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre ". Aux termes de l'article L. 2122-13 du même code : " L'élection du maire et des adjoints peut être arguée de nullité dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre les élections du conseil municipal ". Aux termes de l'article D. 2122-2 du même code : " Le délai de cinq jours dans lequel, conformément à l'article L. 2122-13, l'élection du maire et des adjoints peut être arguée de nullité court à partir de vingt-quatre heures après l'élection. " Aux termes de l'article L. 248 du code électoral : " Tout électeur et tout éligible a le droit d'arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif. / Le préfet, s'il estime que les conditions et les formes légalement prescrites n'ont pas été remplies, peut également déférer les opérations électorales au tribunal administratif. ". Enfin, aux termes de l'article R. 119 du même code : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai. / Le recours formé par le préfet en application de l'article L. 248 doit être exercé dans le délai de quinzaine à dater de la réception du procès-verbal. " Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de dispositions contraires, les protestations dirigées contre les opérations électorales par lesquelles un conseil communautaire désigne le président et les vice-présidents d'un établissement public de coopération intercommunale doivent être formées et instruites dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre les élections du conseil municipal et qu'il en va de même pour l'appel d'un jugement statuant sur de telles protestations.

Sur la requête de Mme A...C... :

4. Aux termes de l'article L. 2121-17 du code général des collectivités territoriales, applicable à l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5211-1 du même code : " Le conseil municipal ne délibère valablement que lorsque la majorité de ses membres en exercice est présente. / Si, après une première convocation régulièrement faite selon les dispositions des articles L. 2121-10 à L. 2121-12, ce quorum n'est pas atteint, le conseil municipal est à nouveau convoqué à trois jours au moins d'intervalle. Il délibère alors valablement sans condition de quorum. " Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de dispositions contraires, l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale ne peut valablement délibérer que lorsque la majorité de ses membres en exercice est présente. Si le quorum n'est pas atteint lors de cette réunion, l'organe délibérant est à nouveau convoqué et délibère alors valablement sans condition de quorum. Ces dispositions sont applicables à la première réunion de l'organe délibérant qui suit la création de l'établissement public de coopération intercommunale.

5. Il résulte de l'instruction que parmi les trente conseillers communautaires en exercice, seuls quinze étaient présents lors de la séance du 25 mars 2016 au cours de laquelle les quatre délibérations litigieuses ont été adoptées, un seizième conseiller ayant en outre donné mandat à l'un des présents. Par suite, ces délibérations ont été adoptées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-17 du code général des collectivités territoriales citées au point 4 ci-dessus.

6. Si Mme A...-C... demandait devant le tribunal administratif de Mayotte que les délibérations adoptées le 25 mars 2016 soient déclarées nulles et de nul effet, le tribunal administratif a fait droit à ses conclusions en prononçant l'annulation de ces délibérations. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme A...-C... doit être rejetée.

Sur l'appel incident formé par M.K... :

7. En premier lieu, les conclusions de M. K...contestant l'annulation des opérations électorales, qui n'ont pas été formulées dans le délai d'appel et alors que le recours incident n'est pas ouvert en matière électorale, sont tardives et, par suite, irrecevables.

8. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, les délibérations n° 01/2016 et n° 03/2016 adoptées le 25 mars 2016 par le conseil communautaire de la communauté des communes du Sud ont été adoptées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-17 du code général des collectivités territoriales. Il suit de là que M. K... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a annulé ces délibérations.



D E C I D E :
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Article 1 : La requête de Mme A...-C... et les conclusions de M. K... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme N...A...-C..., à M. H..., à M.L..., à M. P...F...-I..., à Mme O... -F..., à MmeM..., à MmeJ..., à M. F...B..., à M. Q...I..., à Mme D...G..., à M. E... K...et au préfet de Mayotte.
Copie en sera adressée pour information à la communauté de communes du Sud et au ministre de l'intérieur.