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Ariane Web: Conseil d'État 396172, lecture du 28 avril 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:396172.20170428

Décision n° 396172
28 avril 2017
Conseil d'État

N° 396172
ECLI:FR:CECHR:2017:396172.20170428
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
M. Bruno Chavanat, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP ODENT, POULET ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du vendredi 28 avril 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme PatriceA...et autres ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 2 décembre 2013 par lequel le maire de Marseille a délivré un permis de construire à la SCI Marseille 10ème Chante-Perdrix II en vue de la réalisation d'un immeuble de 66 logements, d'autre part, la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre cet arrêté. Par un jugement n° 1403892 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 18 janvier et 18 avril 2016, M. et MmeA..., Mme R...S..., M. E...I..., Mme K...D..., Mme AnnieN..., M. et Mme B...P..., M. M...T..., Mlle G...T..., M. et Mme F...L..., M. H...U...et Mme Q...J...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Chavanat, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. et Mme A...et autres et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la SCI Marseille 10ème Chante-Perdrix II.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 2 décembre 2013, le maire de Marseille a délivré à la SCI Marseille 10ème Chante-Perdrix II un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble de soixante-six logements. Par un jugement du 19 novembre 2015, contre lequel M. et Mme A...et autres se pourvoient en cassation, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire.

2. L'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, prévoit, à son premier alinéa, que les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Son cinquième alinéa dispose que les coupes et abattages d'arbres dans ces espaces boisés classés sont soumis à l'obligation de déclaration préalable prévue par l'article L. 421-4 du même code, sauf dans certains cas limitativement énumérés. Il résulte de l'article R. 424-15 du même code que mention de cette déclaration préalable doit être affichée sur le terrain par les soins de son bénéficiaire, dès la date à laquelle la décision de non opposition à la déclaration préalable est acquise et pendant toute la durée du chantier et que, dans les huit jours de la délivrance expresse ou tacite de la décision de non-opposition à la déclaration préalable, un extrait de la déclaration est publié par voie d'affichage à la mairie pendant deux mois. Enfin, l'article L. 421-6 du même code dispose que le permis de construire ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, au nombre desquelles figurent les dispositions relatives aux espaces boisés classés.

3. Il se déduit de l'ensemble de ces dispositions que, eu égard à l'objet et aux modalités de publicité de la procédure de déclaration préalable, la délivrance du permis de construire est en principe subordonnée, lorsque les travaux qu'il prévoit nécessitent la coupe ou l'abattage d'arbres en secteur boisé classé, à une décision préalable de non-opposition à cette déclaration ; qu'un permis de construire ne peut valoir lui-même décision de non-opposition que si la déclaration préalable est jointe au dossier de demande du permis ;

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en jugeant que le permis de construire délivré à la SCI Marseille 10ème Chante-Perdrix II devait être regardé comme valant non-opposition à l'abattage des arbres implantés dans l'espace boisé classé où se trouvait le terrain d'assiette du projet en litige, sans rechercher si la déclaration préalable prévue par l'article L. 130-1 du code l'urbanisme alors en vigueur était jointe au dossier de demande de permis de construire, le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'une erreur de droit. M. et Mme A...et autres sont fondés, pour ce motif, à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.

5. Le moyen d'erreur de droit retenu suffisant à entraîner l'annulation du jugement, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Marseille le versement à M. et Mme A...et autres d'une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce que la somme que demande de la SCI Marseille 10ème Chante-Perdrix II soit mise à la charge de M. et Mme A...et autres, qui ne sont pas la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 19 novembre 2015 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : La commune de Marseille versera à M. et Mme PatriceA...et autres la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la SCI Marseille 10ème Chante-Perdrix II présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme PatriceA..., premiers requérants dénommés, à la commune de Marseille et à la SCI Marseille 10ème Chante-Perdrix II.
Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Waquet, Farge, Hazan, qui les représente dans la présente instance.



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