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Ariane Web: Conseil d'État 396905, lecture du 28 avril 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:396905.20170428

Décision n° 396905
28 avril 2017
Conseil d'État

N° 396905
ECLI:FR:CECHS:2017:396905.20170428
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
M. Jean-Marc Anton, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
DELAMARRE, avocats


Lecture du vendredi 28 avril 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société BBC Ltd au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2001 et du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, ainsi que des pénalités correspondantes, du paiement desquels il a été déclaré solidairement responsable et, subsidiairement, de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales. Par un jugement n° 08119656 du 18 décembre 2012, ce tribunal a constaté qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur la demande tendant au bénéfice du sursis de paiement, prononcé la décharge des sommes correspondant à la fraction excédant le taux de 100 % de la majoration pour opposition à contrôle fiscal dont ont été assortis les rappels et rejeté le surplus de la demande.

Par un arrêt n° 13VE00372 du 17 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de M.B..., constaté un non lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance, accordé la décharge des impositions demeurant.en litige et annulé l'article 3 de ce jugement

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 février et 20 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 et 3 de cet arrêt.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Delamarre, avocat de M. A...B.en litige et annulé l'article 3 de ce jugement




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société BBC Ltd a fait l'objet, au titre de son établissement en France, d'une vérification ponctuelle en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des rappels, selon la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal, assortis d'une majoration de 150 %. M. B..., représentant en France de la société BBC Ltd, a été condamné par jugement du 13 novembre 2006 du tribunal de grande instance d'Evry au paiement solidaire des sommes dont celle-ci était redevable. Par un jugement en date du 18 décembre 2012, le tribunal administratif de Versailles a notamment rejeté la demande, introduite par M.B..., tendant à la décharge de ces rappels. Sur appel de ce dernier, par un arrêt du 17 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a accordé la décharge des impositions demeurant.en litige et annulé l'article 3 de ce jugement Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il lui est défavorable.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a envoyé le 15 juin 2004 un avis de vérification de comptabilité à la société BBC Ltd prévoyant un premier rendez-vous sur place le 5 juillet 2004, auquel aucun représentant légal ou personne mandatée pour les opérations de vérification ne s'est présenté. Le vérificateur a adressé le 8 juillet 2004 à la société et à M. B...un courrier proposant un deuxième rendez-vous le 20 juillet 2004 et informant la société des conséquences de la mise en oeuvre de la procédure d'opposition à contrôle fiscal en cas d'absence totale d'interlocuteur dans le cadre du contrôle. L'administration a reçu le 19 juillet 2004 un courrier indiquant que M. B... était indisponible mais qu'un nouveau rendez-vous pouvait être fixé fin août 2004. Le vérificateur a maintenu le rendez-vous prévu le lendemain 20 juillet 2004, auquel aucun représentant de la société ne s'est présenté, puis a adressé le même jour un courrier à la société BBC Ltd, par lequel il a fixé un troisième rendez-vous le 29 juillet 2004 et rappelé la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Constatant l'absence de tout représentant de la société à ce rendez-vous, le vérificateur a, par procès-verbal en date du 29 juillet 2004, constaté l'opposition à contrôle fiscal. Cependant, le vérificateur a proposé, par un courrier daté du 26 août 2004 demeuré sans réponse, un quatrième rendez-vous le 9 septembre 2004, auquel aucun représentant de la société ne s'est présenté. Par un courrier en date du 14 septembre 2004, l'administration a informé la société que, du fait des absences répétées aux différents rendez-vous proposés, la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal allait être mise en oeuvre. La cour administrative d'appel a déduit de ces faits que, compte tenu notamment de la succession rapprochée et de la date des rendez-vous des 5, 20 et 29 juillet 2004, fixés pendant une période au cours de laquelle le représentant de la société aurait été indisponible, l'administration, qui a dressé dès le 29 juillet 2004 un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal, n'établissait pas qu'elle aurait entrepris les diligences normales pour exercer son contrôle et que l'attitude de la société l'aurait rendu pratiquement impossible. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'activité de la société n'était pas interrompue au mois de juillet et que, d'autre part, ce n'est que le 14 septembre 2004, soit près de trois mois après l'envoi de l'avis de vérification, que le vérificateur, après avoir fixé un quatrième rendez-vous prévu le 9 septembre mais non honoré par le représentant de la société, a informé celle-ci de la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscale, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, les articles 2 et 3 de son arrêt doivent être annulés.

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 17 décembre 2015 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. A... B.en litige et annulé l'article 3 de ce jugement