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Ariane Web: Conseil d'État 399405, lecture du 10 mai 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:399405.20170510

Décision n° 399405
10 mai 2017
Conseil d'État

N° 399405
ECLI:FR:CECHR:2017:399405.20170510
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 6ème chambres réunies
M. Marc Thoumelou, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP DIDIER, PINET, avocats


Lecture du mercredi 10 mai 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. H...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir :
- l'arrêté du 1er août 2006 par lequel le maire de Saint-Georges-du-Bois (Sarthe) a accordé à M. et Mme F...et Nadia A...un permis de construire pour la restauration d'une habitation ;
- l'arrêté du 26 mai 2009 par lequel le permis de construire délivré le 1er août 2006 a été transféré à la société civile immobilière (SCI) La Bruyère, représentée par M. E... G...;
- l'arrêté du 24 septembre 2011 par lequel le maire de Saint-Georges-du-Bois a accordé à la SCI La Bruyère un permis de construire modificatif ;
- l'arrêté du 29 décembre 2011 par lequel le permis délivré le 1er août 2006 a été transféré à M. B...D....

Par un jugement n° 1201884 du 8 août 2014, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 29 décembre 2011 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 14NT02566 du 1er mars 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la SCI La Bruyère et M. G...contre ce jugement en ce qu'il annulait l'arrêté du 29 décembre 2011.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 2 août 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI La Bruyère et M. G...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er mars 2016 en tant que, par son article 1er, il a rejeté leur appel ;

2°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 ;
- le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Thoumelou, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la SCI La Bruyère et de M.G..., et à la SCP Didier, Pinet, avocat de M.C....



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 1er août 2006, le maire de Saint-Georges-du-Bois a délivré à M. et Mme A...un permis de construire pour la restauration d'une habitation située au lieu-dit " Hameau de la Bruyère ". Par un arrêté du 26 mai 2009, ce permis a été transféré à la SCI La Bruyère, représentée par M. G..., puis il a donné lieu à un permis de construire modificatif délivré le 24 septembre 2011 avant d'être, de nouveau, transféré à M.D..., par un arrêté du 29 décembre 2011. Par un jugement rendu le 8 août 2014, à la demande de M.C..., propriétaire d'une parcelle voisine, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 29 décembre 2011, mais rejeté les conclusions dirigées contre les arrêtés des 1er août 2006, 26 mai 2009 et 24 septembre 2011. La SCI La Bruyère et M. G...demandent l'annulation de l'article 1er de l'arrêt du 1er mars 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leurs conclusions dirigées contre le jugement du tribunal administratif en tant qu'il annulait l'arrêté du 29 décembre 2011.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de délivrance du permis de construire initial le 1er août 2006 : " Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année ".

3. Aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, applicable aux permis de construire en cours de validité à la date de son entrée en vigueur, le 1er octobre 2007 : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année (...) ". L'article 1er du décret du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable a, pour les permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, du reste ultérieurement allongé de façon pérenne. En vertu de l'article 2 de ce même décret, cette modification s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication, soit le 20 décembre 2008.

4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que l'interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si sa durée excède un délai d'un an, commençant à courir après l'expiration du délai de deux ans, porté à trois ans par le décret du 19 décembre 2008, imparti par le premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.

5. En l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les travaux autorisés par le permis de construire délivré le 1er août 2006 ont débuté le 15 septembre suivant et que, ces travaux n'ayant pas été interrompus pendant un délai supérieur à une année à la date du 1er octobre 2007, le permis de construire litigieux était en cours de validité tant à cette date, à laquelle est entré en vigueur le décret du 5 janvier 2007, qu'à celle du 20 décembre 2008. Par suite, les dispositions combinées de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et de l'article 1er du décret du 19 décembre 2008 lui sont applicables et, contrairement à ce que soutient M. C..., celles de l'ancien article R. 421-32 du code de l'urbanisme, alors même qu'elles étaient encore en vigueur à la date de sa délivrance, ne sauraient leur être substituées pour apprécier la validité de ce permis, à la date de son transfert, le 29 décembre 2011.

6. Pour annuler l'arrêté du 29 décembre 2011 transférant le permis de construire litigieux à M.D..., la cour administrative d'appel de Nantes a jugé, en se fondant sur un courrier du 17 juin 2008 dans lequel les titulaires de ce permis affirmaient être dans l'incapacité de poursuivre des travaux, que cette interruption avait, en application des dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, conduit à la caducité du permis au plus tard le 17 juin 2009. Toutefois, à cette date, le délai de trois ans résultant de la combinaison du premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et de l'article 1er du décret du 19 décembre 2008 n'était pas arrivé à son terme. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en déduisant de la durée d'interruption des travaux que le permis de construire délivré le 1er août 2006 était périmé à compter du 17 juin 2009.

7. Le motif de l'arrêt attaqué tiré de ce que le permis litigieux s'est trouvé périmé " au plus tard à compter du 17 juin 2009 " ne saurait être regardé comme surabondant dans le raisonnement de la cour, dès lors que celle-ci n'a pas recherché si une interruption de plus d'un an des travaux pouvait être décomptée après l'expiration du délai de trois ans prévu par les dispositions combinées du premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et de l'article 1er du décret du 19 décembre 2008. Enfin, il ne peut être fait droit à la demande de substitution de motifs présentée par M.C..., invoquant l'interruption des travaux entre le 5 juillet 2009 et le 27 juillet 2011, qui suppose de se prononcer sur l'état d'avancement du chantier à la date du 27 juillet 2011 et requiert ainsi une appréciation des faits à laquelle il n'appartient pas au juge de cassation de se livrer.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur pourvoi, que la SCI La Bruyère et M. G...sont fondés à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'ils attaquent.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme de 1 000 euros tant à la SCI La Bruyère qu'à M. G...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SCI La Bruyère et de M.G..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er mars 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes dans la mesure de la cassation prononcée.
Article 3 : M. C...versera une somme de 1 000 euros tant à la SCI La Bruyère qu'à M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. C...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SCI La Bruyère, à M. E...G...et à M. H... C....
Copie en sera adressée à la commune de Saint-Georges-du-Bois.


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