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Ariane Web: Conseil d'État 408132, lecture du 10 mai 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:408132.20170510

Décision n° 408132
10 mai 2017
Conseil d'État

N° 408132
ECLI:FR:CECHS:2017:408132.20170510
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
M. Etienne de Lageneste, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public


Lecture du mercredi 10 mai 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe n° 110 de l'instruction publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-CF-INF-40-10-10-20 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales : " Sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales. / La commission examine les affaires qui lui sont soumises par le ministre chargé du budget. Le contribuable est avisé de la saisine de la commission qui l'invite à lui communiquer, dans un délai de trente jours, les informations qu'il jugerait nécessaires (...) / Le ministre est lié par les avis de la commission (...) ".

2. M. A...demande l'annulation pour excès de pouvoir du paragraphe n° 110 de l'instruction BOI-CF-INF-40-10-10-20 publiée le 12 septembre 2012, par laquelle l'administration a fait connaître son interprétation de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne la procédure suivie devant la commission des infractions fiscales lorsque le contribuable est avisé qu'elle a été saisie. Au soutien de sa requête, M. A...soulève un moyen unique, présenté dans un mémoire distinct, tiré de ce que le deuxième alinéa de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales qu'il conteste est contraire aux droits de la défense et au principe du caractère contradictoire de la procédure garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789, en tant qu'il ne permet pas au contribuable de prendre connaissance du dossier de saisine de la commission des infractions fiscales et ne lui permet pas de présenter des observations orales devant cette commission.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

Sur l'intervention de M.B... :

4. M. B...a présenté devant le tribunal administratif de Paris, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus de la commission des infractions fiscales de lui communiquer la saisine de l'administration, une question prioritaire de constitutionnalité mettant également en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des mêmes dispositions de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales. Le tribunal a différé sa décision en application des dispositions de l'article R. 771-6 du code de justice administrative, selon lesquelles une juridiction peut procéder ainsi, lorsqu'elle est saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil d'Etat est déjà saisi, jusqu'à ce qu'elle soit informée de la décision du Conseil d'Etat ou, le cas échéant, du Conseil constitutionnel. Dès lors, M. B...justifie d'un intérêt le rendant recevable à intervenir devant le Conseil d'Etat, au soutien de la demande de renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par M.A....

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

5. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ".

6. Les droits de la défense, dont le principe du caractère contradictoire de la procédure est le corollaire, garanti par cette disposition lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition, ne trouvent pas à s'appliquer devant la commission des infractions fiscales, dont l'avis sur l'opportunité des poursuites n'a d'autre objet que de limiter le pouvoir discrétionnaire du ministre compétent, le prévenu conservant la possibilité de connaître et de discuter ultérieurement les charges devant un tribunal si celui-ci est saisi de la poursuite pour fraude fiscale.

7. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

8. La requête de M.A..., qui ne comporte pas d'autre moyen, doit, dès lors, être rejetée.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de M. B...au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...est admise.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A....

Article 3 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. D...A..., à M.C... B... et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au tribunal administratif de Paris.