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Ariane Web: Conseil d'État 405989, lecture du 17 mai 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:405989.20170517

Décision n° 405989
17 mai 2017
Conseil d'État

N° 405989
ECLI:FR:CECHR:2017:405989.20170517
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Luc Briand, rapporteur
Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mercredi 17 mai 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 décembre 2016 et le 27 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Société Aéroport du Golfe de Saint-Tropez demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision, révélée par la liste publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 29 octobre 2016, ayant exclu l'aérodrome de La Môle - Saint-Tropez de la liste des points de passage frontaliers visés à l'article 2, paragraphe 8, du règlement UE n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;

2°) d'enjoindre au Gouvernement, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, de notifier à la Commission européenne, dans les sept jours et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, une nouvelle liste en application de l'article 5, paragraphe 1, du règlement précité, rétablissant l'aérodrome de La Môle au nombre des points de passage frontaliers ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention de Chicago du 7 décembre 1944 sur l'aviation civile internationale ;
- le règlement UE n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- l'arrêté du 20 avril 1998 portant ouverture des aérodromes au trafic aérien international ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société Aéroport du Golfe de Saint-Tropez ;





1. Considérant que les conclusions de la requête doivent être regardées comme dirigées contre la décision, révélée par la liste publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 29 octobre 2016, de prévoir que l'aéroport de l'aérodrome de La Môle - Saint-Tropez ne sera plus un point de passage frontalier où s'exercent les contrôles prévus aux frontières extérieures de l'Union ; que cette décision, ayant pour objet l'organisation d'un service public, revêt donc un caractère réglementaire ; que, par suite, le Conseil d'Etat est compétent pour en connaître en premier ressort ;

2. Considérant que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur justifie, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présente instance au soutien de la requête formée par la société Aéroport du golfe de Saint-Tropez ; que son intervention est, par suite, recevable ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. Les frontières extérieures ne peuvent être franchies qu'aux points de passage frontaliers et durant les heures d'ouverture fixées. Les heures d'ouverture sont indiquées clairement aux points de passage frontaliers qui ne sont pas ouverts 24 heures sur 24. Les États membres notifient la liste de leurs points de passage frontaliers à la Commission conformément à l'article 39 (...) " ; que les points de passage frontaliers sont définis à l'article 2 du règlement comme les points de passage autorisés par les autorités compétentes pour le franchissement des frontières extérieures ; qu'aux termes de l'article 39 du règlement : " 1. Les États membres communiquent à la Commission : (...) b) la liste de leurs points de passage frontaliers (...). 2. La Commission rend les informations notifiées conformément au paragraphe 1 accessibles aux États membres et au public par le biais d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne, série C, et par tout autre moyen approprié " ; qu'il résulte clairement de ces dispositions qu'il appartient aux autorités compétentes de chaque Etat membre de fixer la liste des points de passage frontaliers sur leur territoire et de notifier cette liste à la Commission ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6212-2 du code des transports : " l'aéronef qui effectue un vol international est tenu d'utiliser au départ et à l'arrivée un aéroport international " ; que l'article D. 221-5 du code de l'aviation civile prévoit que la liste des aérodromes internationaux " désignés (...) comme aérodromes d'admission et de congé pour le trafic aérien international où s'accomplissent les formalités afférentes aux douanes, à la police des frontières, à la santé publique, à la quarantaine agricole et aux autres procédures du même ordre est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de l'aviation civile, du ministre de l'intérieur, du ministre de l'économie et des finances, du ministre des affaires sociales et du ministre de l'agriculture " ; que ces dispositions, en l'absence d'autre texte régissant spécialement l'édiction de la liste des points de passage frontaliers pour l'application sur le territoire français du règlement du 9 mars 2016, sont applicables à la détermination des aérodromes français servant de points de passage frontaliers pour l'application de ce règlement ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'aérodrome de La Môle, classé par l'arrêté interministériel du 20 avril 1998 pris sur le fondement de l'article D. 221-5 du code de l'aviation civile dans la liste des aérodromes ouverts au trafic aérien international, figurait sur la liste des points de passage frontaliers publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 30 juin 2016 mais a cessé de figurer sur la liste publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 29 octobre 2016 ; que cette modification résulte d'une décision des autorités françaises notifiée à la Commission européenne ; que, toutefois, il ne ressort d'aucun élément versé au dossier que cette décision aurait pris la forme d'une décision conjointe du ministre chargé de l'aviation civile, du ministre de l'intérieur, du ministre de l'économie et des finances, du ministre des affaires sociales et du ministre de l'agriculture exigée par l'article D. 221-5 du code de l'aviation civile ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, laquelle n'a pas perdu son objet du fait de la publication le 13 avril 2017 au Journal officiel du rétablissement de l'aérodrome de La Môle - Saint-Tropez sur la liste pour la seule période courant du 15 juin au 30 septembre 2017, la société Aéroport du Golfe de Saint-Tropez est fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision révélée par la liste publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 29 octobre 2016 de retirer l'aérodrome de La Môle - Saint-Tropez de la liste des points de passage frontaliers pour l'application du règlement UE n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;

7. Considérant que l'exécution de la présente décision implique que les autorités compétentes transmettent à la Commission européenne une liste rectifiée des points de passage frontaliers ajoutant l'aérodrome de La Môle - Saint-Tropez, sauf à ce que les ministres compétents prennent conjointement la décision d'exclure l'aérodrome de la liste de ces points, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Aéroport du Golfe de Saint-Tropez, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est admise.

Article 2 : La décision, révélée par la liste publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 29 octobre 2016, de retirer l'aérodrome de La Môle - Saint-Tropez de la liste des points de passage frontaliers est annulée.

Article 3 : Il est enjoint aux autorités compétentes de transmettre à la Commission européenne une liste rectifiée des points de passage frontaliers ajoutant l'aérodrome de La Môle - Saint-Tropez sauf à ce que les ministres compétents prennent conjointement la décision d'exclure l'aérodrome de la liste de ces points, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la société Aéroport du Golfe de Saint-Tropez une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Aéroport du Golfe de Saint-Tropez, à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, au ministre de l'intérieur, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des négociations internationales sur le climat.
Copie sera transmise au ministre de l'économie et des finances et au Premier ministre.



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