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Ariane Web: Conseil d'État 396453, lecture du 22 mai 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:396453.20170522

Décision n° 396453
22 mai 2017
Conseil d'État

N° 396453
ECLI:FR:CECHR:2017:396453.20170522
Publié au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Christian Fournier, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du lundi 22 mai 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 mars 2013 par laquelle le maire de Sète (Hérault) lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 22 avril 2013 contre cette décision. Par un jugement n° 1303981 du 10 juillet 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14MA03966 du 27 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement ainsi que les décisions litigieuses.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 janvier et 27 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Sète demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune de Sète et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. B...A....


Considérant ce qui suit :

1. M. B... A...a été recruté en 2003, en qualité d'agent non titulaire, pour exercer des fonctions de formation en boucherie au sein du centre de formation des apprentis " Nicolas Albano " relevant de la commune de Sète (Hérault). A la rentrée scolaire de septembre 2012, M. A... ainsi que d'autres enseignants ont participé à un mouvement de grève qui a duré plusieurs semaines. M. A... a sollicité du maire de Sète le bénéfice de la protection fonctionnelle, prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, afin d'intenter devant l'autorité judiciaire une action en diffamation contre une organisation patronale à l'origine de la publication, le 11 septembre 2012, d'un article de presse relatant le conflit social en cours. Par une décision du 29 mars 2013, le maire de Sète a refusé d'accorder la protection fonctionnelle à M. A... au titre de la période au cours de laquelle ce dernier était en grève. Par un jugement du 10 juillet 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision de refus et de la décision rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision. La commune de Sète se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 novembre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant droit à l'appel de M. A..., a annulé ce jugement ainsi que les décisions litigieuses.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 :

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable à la date du refus attaqué : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires ". Ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un agent public demande à bénéficier de la protection qu'elles prévoient pour des faits survenus à une date à laquelle il participait à un mouvement de cessation collective et concertée du travail. Il appartient alors à cet agent d'établir que les faits dont il a été victime sont en lien avec l'exercice de ses fonctions, au sens de ces mêmes dispositions.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Sète a refusé à M. A... le bénéfice de la protection fonctionnelle en se fondant sur le seul motif tiré de ce que les faits au titre desquels cette protection était sollicitée s'étaient produits alors que M. A... était en grève et que cette circonstance avait momentanément rompu le lien unissant l'intéressé au service. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en jugeant que la circonstance qu'à la date de la publication de l'article au titre duquel la protection était demandée M. A... était gréviste n'était pas, par elle même, de nature à exclure l'existence d'un lien entre les faits invoqués et les fonctions de M. A... et donc à l'écarter de plein droit du bénéfice de la protection fonctionnelle, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur les autres moyens du pourvoi :

4. D'une part, si la commune de Sète a indiqué, dans son mémoire en défense devant la cour administrative d'appel, que l'article de presse en cause ne critiquait pas le statut du corps enseignant et ne visait pas individuellement M. A... dans ses fonctions d'enseignant, elle n'a toutefois ni fait valoir devant les juges du fond que sa décision de refuser la protection fonctionnelle à M. A... était légalement justifiée par ce motif, ni demandé que ce motif soit substitué à celui qui fondait la décision du maire de Sète du 29 mars 2013. Il suit de là que la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation en annulant, par le motif mentionné au point 3 ci-dessus, le jugement frappé d'appel et les décisions attaquées.

5. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 3, la décision refusant à M. A...le bénéfice de la protection fonctionnelle était fondée sur le seul motif tiré de ce que l'intéressé était gréviste lors de la publication de l'article litigieux et cette circonstance le privait de plein droit d'une telle protection. Par suite, les juges d'appel n'ont pas méconnu leur office faute de rechercher si cette publication était ou non en lien avec l'exercice des fonctions de M. A..., au sens du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.

6. Il résulte de ce tout qui précède que le pourvoi de la commune de Sète doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sète le versement à M. A... d'une somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Sète est rejeté.
Article 2 : La commune de Sète versera la somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Sète et à M. B... A....


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