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Ariane Web: Conseil d'État 391379, lecture du 22 juin 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:391379.20170622

Décision n° 391379
22 juin 2017
Conseil d'État

N° 391379
ECLI:FR:CECHS:2017:391379.20170622
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
Mme Déborah Coricon, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du jeudi 22 juin 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nice la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 2001 à 2003 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0605838 du 20 janvier 2009, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 09MA01741 du 6 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a partiellement fait droit aux conclusions de son appel contre ce jugement.

Par une décision n° 365012 du 28 novembre 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 4 de l'arrêt n° 09MA01741 du 6 novembre 2012 de la cour administrative d'appel de Marseille rejetant le surplus de ses conclusions et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un nouvel arrêt n° 14MA05056 du 28 avril 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le surplus des conclusions d'appel de M. A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 29 septembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge du ministre de l'économie et des finances la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention fiscale signée le 11 août 1965 entre la France et le Burkina Faso ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Déborah Coricon, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de M. B...A...;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'un examen de la situation fiscale personnelle de M. A...au titre des années 2001, 2002 et 2003, l'administration fiscale a notamment imposé l'intéressé à l'impôt sur le revenu, selon la procédure de taxation d'office prévue au 1° de l'article L. 66 et à l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, sur la base de sommes figurant au crédit de comptes bancaires détenus en France. Par un jugement du 20 janvier 2009, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 2001 à 2003. Sur l'appel formé par M. A...contre ce jugement, la cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 6 novembre 2012, a partiellement fait droit aux conclusions du requérant mais, par l'article 4 de cet arrêt, a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de l'imposition des sommes mentionnées ci-dessus. M. A...s'est pourvu en cassation contre l'arrêt en tant qu'il lui était défavorable. Par une décision du 28 novembre 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 4 de cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour. Celle-ci a rendu un second arrêt en date du 28 avril 2015 par lequel elle a rejeté la requête de M.A.... Ce dernier se pourvoit en cassation contre ce second arrêt.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 16 décembre 2016, postérieure à l'introduction du pourvoi, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement total des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant en litige auxquelles le requérant a été assujetti au titre des années 2002 et 2003. Les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qui sont relatives à ces impositions sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établies au titre de l'année 2001 :

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; (...) / c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ". Pour l'application de ces dispositions, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, après avoir mentionné que M. A...exerçait au cours des années 2001 à 2003 au Burkina Faso ses activités professionnelles d'organisateur de courses cyclistes et de conseiller technique du ministre de la jeunesse et des sports de ce pays, où il disposait d'une résidence, la cour administrative d'appel, qui n'a pas recherché si le contribuable y habitait normalement, s'est fondée sur la seule circonstance que l'intéressé, dont elle a relevé qu'il était " célibataire depuis son divorce en 1992 ", était propriétaire en France, à Biot (Alpes-Maritimes) d'une maison qui était devenue le domicile de sa fille née en 1982 " au moins à compter de l'année 2002 " pour en déduire qu'il devait être regardé comme ayant eu son foyer en France au cours de l'année 2001. En statuant ainsi, la cour a entaché sa décision d'erreur de droit. Son arrêt doit donc être annulé.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond.

6. L'administration fiscale fait valoir, pour établir que M. A...avait en France son foyer en 2001, qu'il était propriétaire à Biot d'une maison dont des relevés de consommation, notamment d'eau et d'électricité, attestent d'une occupation continue. Elle ajoute qu'il était titulaire depuis 1984 d'abonnements téléphoniques et qu'il disposait en France d'un véhicule automobile et de comptes bancaires actifs. De son côté, M. A...soutient, sans être sérieusement contredit, que la maison de Biot était occupée en 2001 par un tiers et qu'en revanche il disposait à Ouagadougou, où il exerçait ses activités professionnelles, d'une résidence dont un relevé des factures de la Société Nationale d'Electricité du Burkina (Sonabel) atteste de son occupation régulière. Il ne résulte pas de l'instruction que, alors même que M. A... se serait rendu régulièrement en France en 2001, il avait en France cette année-là son foyer ou le lieu de son séjour principal au sens du a) du 1 de l'article 4 A du code général des impôts.

7. Aux termes de l'article 25 de la convention fiscale signée le 11 août 1965 entre la France et le Burkina Faso dont M.A..., résident du Burkina Faso en 2001, est en droit de se prévaloir pour contester l'imposition de sommes portées au crédit de ses comptes bancaires détenus en France et regardées par l'administration fiscale comme de source française : " Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat contractant du domicile du bénéficiaire à moins que ces revenus ne se rattachent à l'activité d'un établissement stable que ce bénéficiaire possèderait dans l'autre Etat contractant ". Les revenus d'origine indéterminée ne sont pas au nombre de ceux que mentionnent les " articles précédents " de la convention. Par suite, M. A...est en tout état de cause fondé à opposer ces stipulations à l'imposition en France à raison de tels revenus.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A...relatives aux suppléments d'imposition d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge au titre des années 2002 et 2003.

Article 2 : L'arrêt du 28 avril 2015 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 20 janvier 2009 du tribunal administratif de Nice sont annulés en tant qu'ils ont rejeté la demande, présentée par M.A..., tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2001 sur la base de sommes portées au crédit de ses comptes bancaires ouverts en France.

Article 3 : M. A...est déchargé des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge, sur la base des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires détenus en France, au titre de l'année 2001.

Article 4 : L'Etat versera à M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.


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