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Ariane Web: Conseil d'État 410437, lecture du 26 juin 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:410437.20170626

Décision n° 410437
26 juin 2017
Conseil d'État

N° 410437
ECLI:FR:CECHR:2017:410437.20170626
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public


Lecture du lundi 26 juin 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société PalmElit, à l'appui de sa demande tendant au remboursement d'un crédit d'impôt en faveur de la recherche au titre de l'année 2014, a produit un mémoire, enregistré le 6 avril 2017 au greffe du tribunal administratif de Montpellier, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 49ème alinéa du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.

Par une ordonnance n° 1602346 QPC du 9 mai 2017, enregistrée le 10 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 49ème alinéa du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du I de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / (...) ". Aux termes du 49ème alinéa du II du même article : " Pour être éligibles au crédit d'impôt mentionné au premier alinéa du I, les dépenses prévues aux a à k doivent être des dépenses retenues pour la détermination du résultat imposable à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun et, à l'exception des dépenses prévues aux e, e bis, j et des frais mentionnés aux 4° et 5° du k, correspondre à des opérations localisées au sein de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. ".

3. La société soutient que les dispositions du 49ème alinéa du II de l'article 244 quater B du code général des impôts citées au point 2 ci-dessus méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques qui résultent des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en tant qu'elles prévoient que les dépenses correspondant à des opérations de recherche localisées en dehors du territoire de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ne sont pas éligibles au crédit d'impôt en faveur de la recherche.

4. Les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ne s'opposent ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Par ailleurs, cette appréciation ne doit pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

5. La société soutient que le dispositif prévu au I de l'article 244 quater B du code général des impôts est ouvert aux entreprises industrielles et commerciales ou agricoles dès lors que les dépenses qu'elles engagent pour leurs opérations de recherche sont prises en compte pour la détermination de leur résultat soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés. Elle fait valoir que la condition de territorialité prévue au 49ème alinéa du II de cet article instaure, au préjudice des entreprises qui doivent localiser tout ou partie de leurs opérations de recherche sur le territoire d'un Etat situé en dehors du territoire de l'Union européenne ou des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, une différence de traitement qui méconnaît les principes d'égalité et d'égalité devant les charges publiques.

6. Il résulte des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts citées au point 2 ci-dessus que le législateur avait initialement entendu, par le dispositif du crédit d'impôt en faveur de la recherche, inciter les entreprises à localiser, maintenir et développer leurs opérations de recherche sur le territoire national. Afin d'assurer que cette mesure, qui poursuit un objectif d'intérêt général, soit mise en oeuvre dans le respect du droit de l'Union européenne, la loi en a, en 2004, étendu le bénéfice du crédit d'impôt aux entreprises, soumises à l'impôt national, qui localisent leurs activités effectives de recherche sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou, sous conditions, sur le territoire des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen. Il existe, au regard de l'objet de la loi, une différence de situation entre les entreprises qui localisent leurs opérations de recherche sur le territoire des Etats visés au 49ème alinéa du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et celles qui les localisent sur le territoire d'un Etat tiers. La différence de traitement établie par les dispositions contestées, qui repose sur des critères objectifs et rationnels au regard de l'objectif d'intérêt général que constituent le développement et le maintien des activités de recherche privée sur le territoire défini par la loi ainsi qu'il a été dit, est en rapport direct avec l'objet de la loi.

7. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société PalmElit.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société PalmElit, au ministre de l'économie et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


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