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Ariane Web: Conseil d'État 400571, lecture du 5 juillet 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:400571.20170705

Décision n° 400571
5 juillet 2017
Conseil d'État

N° 400571
ECLI:FR:CECHR:2017:400571.20170705
Inédit au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Marc Firoud, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP BOULLOCHE ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du mercredi 5 juillet 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

La communauté d'agglomération Valence agglo sud Rhône-Alpes a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Degrémont France, solidairement avec M. B...A...et les sociétés Socotec, Veolia Eau et IRH Environnement, à lui verser la somme de 10 634 809, 28 euros TTC en réparation des désordres affectant la station d'épuration de Valence. Par un jugement n° 1002586 du 27 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la société Degrémont France à payer à la communauté d'agglomération une somme de 2 645 000 euros et l'a condamnée solidairement avec le groupement IPL-A... à payer à cette même communauté des sommes de 800 000 euros et de 4 546 760 euros, assorties des intérêts de retard et de leur capitalisation.

Par un arrêt n° 14LY00421 du 31 mars 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la société Degrémont France, annulé ce jugement et condamné cette société et la société IPL Environnement durable, venant aux droits de la société IRH Environnement, à payer solidairement à la communauté d'agglomération Valence agglo sud Rhône-Alpes, devenue la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes, une somme totale de 8 234 112 euros TTC, assortie des intérêts de retard et de leur capitalisation.

Par un arrêt n° 16LY01950 du 27 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté le recours en rectification d'erreur matérielle formé contre l'arrêt du 31 mars 2016 par la société Degrémont France.



Procédures devant le Conseil d'Etat

1° Sous le n° 400571, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin et 8 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Degrémont France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 14LY00421 du 31 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant en tant qu'il a majoré du montant de la TVA les sommes qu'il l'a condamnée à payer ;

2°) réglant l'affaire au fond, de fixer à 6 861 760 euros HT le montant de la réparation au bénéfice de la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes, à 6 077 570 euros HT le montant de sa garantie au profit de la société IPL Environnement durable et à 784 190 euros HT le montant de la garantie de cette dernière à son profit ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le n° 406600, par un pourvoi enregistré le 4 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Degrémont France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 16LY01950 du 27 octobre 2016 de la cour administrative d'appel de Lyon ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son recours en rectification d'erreur matérielle ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de la société Degrémont France, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhone-Alpes, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société IPL Environnement durable.


1. Considérant que le pourvoi n° 400571 de la société Degrémont France est dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 31 mars 2016 ; que, par son pourvoi enregistré sous le n° 406600, la société Degrémont France demande l'annulation de l'arrêt du 27 octobre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté le recours en rectification d'erreur matérielle qu'elle a formé contre ce même arrêt ; que ces pourvois ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Valence, avec l'assistance du groupement de maîtrise d'oeuvre constitué par M. A..., architecte, et la société IRH Environnement, aux droits de laquelle est venue la société IPL Environnement durable, a conclu un marché de travaux avec la société Degrémont France prévoyant notamment la mise aux normes et l'extension de l'usine de dépollution des eaux usées de cette ville ; qu'après la réception des travaux et une première période d'exploitation par la société Degrémont France, des désordres ont conduit à ce qu'une expertise soit ordonnée ; qu'à la suite de deux missions d'expertise, le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 27 novembre 2013, condamné la société Degrémont France à payer à la communauté d'agglomération Valence agglo Sud Rhône-Alpes, qui s'est substituée à la commune de Valence pour l'exercice de la compétence relative à l'assainissement, une somme de 2 645 000 euros en réparation de certains désordres, l'a condamnée solidairement avec le groupement IPL-A... à payer à cette même collectivité des sommes de 800 000 euros et de 4 546 760 euros au titre d'autres désordres, et a déclaré que la société Degrémont France garantirait pour partie ce groupement des condamnations mises à sa charge à ce titre et réciproquement ; que, par un arrêt du 31 mars 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et, statuant après évocation, condamné les sociétés Degrémont France et IPL Environnement durable à payer solidairement à la communauté d'agglomération Valence agglo Sud Rhône-Alpes, devenue la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes, une somme totale de 8 234 112 euros TTC ; que la cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 27 octobre 2016, rejeté le recours en rectification d'erreur matérielle de la société Degrémont France contre l'arrêt du 31 mars 2016 ; que celle-ci se pourvoit en cassation, d'une part, contre l'arrêt du 31 mars 2016 en tant qu'il a majoré du montant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) les sommes qu'il l'a condamnée à payer et, d'autre part, contre l'arrêt du 27 octobre 2016 ; que les pourvois incidents et provoqués de la société IPL Environnement durable tendent aux mêmes fins ;

Sur le pourvoi n° 406600 dirigé contre l'arrêt du 27 octobre 2016 et sur le pourvoi incident et provoqué de la société IPL Environnement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel (...) est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification. (...) " ; que l'exercice d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat contre une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort ne rend pas irrecevable le recours en rectification d'erreur matérielle de la même décision formé, dans le délai de recours, devant la juridiction qui l'a rendue, dès lors que le juge de cassation n'a pas encore statué sur le recours dont il était saisi ;

4. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt du 27 octobre 2016 de la cour administrative d'appel de Lyon, qui comporte les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative, que la société Degrémont France a demandé à cette cour de rectifier les articles 2, 4 et 5 de son arrêt du 31 mars 2016 afin d'exclure le montant de la TVA des sommes qu'elle a condamné cette société à payer ; que la cour a estimé qu'en décidant d'inclure le montant de cette taxe dans le calcul de l'indemnité qu'elle a mise à la charge de la société, elle avait porté une appréciation d'ordre juridique insusceptible d'être remise en cause par la voie du recours en rectification d'erreur matérielle ; qu'en statuant ainsi, elle n'a pas commis d'erreur de droit ; que, par suite, ni la société Degrémont France, ni la société IPL Environnement durable ne sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt du 27 octobre 2016 qu'elles attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur le pourvoi n° 400571 dirigé contre l'arrêt du 31 mars 2016 et sur le pourvoi incident et provoqué de la société IPL Environnement durable :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 260 A du code général des impôts : " Les collectivités locales, leurs groupements (...) peuvent, sur leur demande, être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des opérations relatives aux services suivants : / (...) assainissement (...) " ;

6. Considérant que le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent, en règle générale, la TVA, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations ;

7. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Lyon a inclus la TVA dans le montant de l'indemnité que les sociétés Degrémont France et IPL Environnement durable ont été condamnées à verser à la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes, à raison des désordres affectant l'usine de dépollution des eaux usées dont elle celle-ci est propriétaire ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que cette communauté d'agglomération est, à sa demande, assujettie à la TVA au titre des opérations relatives à l'assainissement et qu'elle peut, par suite, procéder à la déduction du montant de cette taxe qui grève ses dépenses ; qu'il suit de là que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que le montant des indemnités dues par les sociétés Degrémont France et IPL Environnement durable à la communauté d'agglomération devait inclure le montant de la TVA ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, les articles 2 à 5 de l'arrêt du 31 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Lyon doivent être annulés ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, en statuant sur la demande présentée par les sociétés devant le tribunal administratif de Grenoble ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes a pu déduire la TVA des dépenses engagées pour réparer les désordres affectant l'usine de dépollution des eaux usées dont elle est propriétaire ; qu'il suit de là que les sociétés Degrémont France et IPL Environnement durable doivent être condamnées à payer solidairement la somme de 6 861 760 euros HT à la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes, que la première de ces sociétés devra garantir la seconde à hauteur de 6 077 570 euros HT et que la seconde devra garantir la première à hauteur de 784 190 euros HT ;

10. Considérant qu'en vertu de l'article 1153 du code civil, les intérêts au taux légal courront sur les sommes mentionnées ci-dessus à compter du 14 août 2006, date d'enregistrement de la requête en référé expertise au greffe du tribunal administratif de Grenoble, valant notification de la première demande de paiement ; qu'en vertu de l'article 1154 du même code, lesdits intérêts seront capitalisés au 14 août 2007 puis à chaque échéance anniversaire pour produire eux-mêmes intérêts ;

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés Degrémont France et IPL Environnement durable au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi présenté par la société Degrémont France ainsi que le pourvoi incident et provoqué de la société IPL Environnement durable présentés sous le n° 406600 sont rejetés.
Article 2 : Les articles 2 à 5 de l'arrêt du 31 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés.
Article 3 : La société Degrémont France et la société IPL Environnement durable sont condamnées à payer solidairement à la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes une somme totale de 6 861 760 euros HT.
Article 4 : Les condamnations prononcées à l'article 3 porteront intérêts au taux légal à compter du 14 août 2006, lesdits intérêts étant capitalisés au 14 août 2007 puis à chaque échéance annuelle.
Article 5 : La société Degrémont France garantira la société IPL Environnement durable à hauteur de 6 077 570 euros HT, plus les intérêts sur cette somme.
Article 6 : La société IPL Environnement durable garantira la société Degrémont France à hauteur de 784 190 euros HT, plus les intérêts sur cette somme.
Article 7 : Les conclusions des sociétés Degrémont France et IPL Environnement durable présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8: La présente décision sera notifiée aux sociétés Degrémont France, IPL Environnement durable, à la communauté d'agglomération Valence-Romans Sud Rhône-Alpes.
Copie en sera adressée aux sociétés Socotec et Véolia eau et à M. B...A....


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