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Ariane Web: Conseil d'État 410740, lecture du 12 juillet 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:410740.20170712

Décision n° 410740
12 juillet 2017
Conseil d'État

N° 410740
ECLI:FR:CECHS:2017:410740.20170712
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
Mme Emmanuelle Petitdemange, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public


Lecture du mercredi 12 juillet 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les commentaires administratifs publiés le 18 juin 2015 au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) sous la référence BOI-CF-INF-40-10-10-10 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Le premier alinéa de l'article 1741 du code général des impôts prévoit qu'est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement le fait de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts, notamment par l'omission volontaire de faire sa déclaration dans les délais prescrits.

2. M. B...demande l'annulation pour excès de pouvoir des commentaires administratifs, publiés le 18 juin 2015 au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) sous la référence BOI-CF-INF-40-10-10-10, par lesquels l'administration a fait connaître son interprétation de l'article 1741 du code général des impôts en ce qui concerne les éléments constitutifs du délit général de fraude fiscale.

3. Au soutien de sa requête, M. B...soulève un unique moyen, présenté dans un mémoire distinct, tiré de ce que les dispositions de l'article 1741 du code général des impôts, en tant qu'elles mentionnent l'omission volontaire de faire une déclaration dans les délais prescrits, méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au motif que le principe de nécessité des délits et des peines impose que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux cas les plus graves d'omission de souscription de déclaration et que la loi ne définit pas les critères permettant d'identifier ces cas les plus graves.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

5. Il ne résulte ni des termes de l'article 1741 du code général des impôts, ni des réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel au sujet du cumul des sanctions que prévoit cet article avec celles de l'article 1729 du code général des impôts que ces dispositions, qui sont relatives au délit général de fraude fiscale et punissent notamment quiconque s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts en omettant de souscrire sa déclaration dans les délais prescrits, ne pourraient s'appliquer qu'aux omissions les plus graves. Par suite, ne peut être regardé comme sérieux le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles ne définissent pas les critères permettant d'identifier les cas d'omissions déclaratives les plus graves.

6. Il résulte de ce qui précède que la question, telle qu'elle est soulevée par M. B..., qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

7. La requête de M.B..., qui ne comporte pas d'autre moyen, doit, dès lors, être rejetée.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.