Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 400727, lecture du 22 septembre 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:400727.20170922

Décision n° 400727
22 septembre 2017
Conseil d'État

N° 400727
ECLI:FR:CECHR:2017:400727.20170922
Inédit au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
Mme Marie-Anne Lévêque, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET, avocats


Lecture du vendredi 22 septembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner solidairement la commune de La Seyne-sur-Mer, le département du Var et l'Etat à leur verser la somme de 3 000 euros en réparation du trouble de jouissance résultant de l'impossibilité d'accéder avec leur véhicule à leur propriété depuis la survenance de dommages affectant le chemin qui la dessert et la somme de 3 500 euros en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi. Par un jugement n° 1200391 du 11 avril 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes.

Par une ordonnance n° 14MA02280 du 13 juin 2016, enregistrée le 16 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 26 mai 2014 au greffe de cette cour, présenté par M. et MmeB.... Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 5 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs demandes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Seyne-sur-Mer, du département du Var et de l'Etat, solidairement ou séparément, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Anne Lévêque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. et Mme B...et à la SCP Zribi et Texier, avocat de la commune de La Seyne-sur-Mer et du département du Var ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B...sont propriétaires d'un bien immobilier situé sur le territoire de la commune de La Seyne-sur-Mer, cadastré section BN22 au lieu-dit quartier de l'Oïde ; que le seul accès à leur propriété depuis le " chemin des Galets " consiste en un chemin contigu aux propriétés riveraines de la plage de la Verne, le long du rivage, qui se termine par une plateforme, consolidée par un muret de soutènement, au droit de leur portail ; qu'à la suite des intempéries survenues en décembre 2009, cette partie du chemin s'est effondrée ; qu'après avoir sollicité de la commune et de l'Etat que des travaux confortatifs soient réalisés, les époux B...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulon de prescrire une expertise en vue de décrire les désordres et les difficultés d'accès affectant leur propriété ; que l'expert désigné par le tribunal a rendu son rapport le 30 mai 2011 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté les demandes de M. et Mme B...tendant à obtenir la condamnation de la commune de La Seyne-sur-Mer, du département du Var et de l'Etat à les indemniser du préjudice lié à l'impossibilité d'accéder à leur propriété en véhicule ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Toulon ne s'est pas fondé, pour juger que le chemin litigieux appartenait au domaine public naturel, sur le rapport remis le 30 mai 2011 par l'expert désigné par le juge des référés du même tribunal, mais s'est borné à relever que ce rapport faisait état de la circonstance, non contestée, que les dégradations affectant la plate-forme au droit du portail des requérants avaient été causées par les flux et reflux de la mer ; que, par suite, M. et Mme B...ne peuvent en tout état de cause soutenir utilement que le tribunal aurait omis de répondre à leur demande que ce rapport soit écarté des débats et commis une erreur de droit en se fondant sur un rapport incomplet et établi de façon irrégulière ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général des propriétés des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) " ;

4. Considérant que, pour rejeter les conclusions de M. et Mme B...tendant à obtenir réparation du trouble de jouissance dont ils se prévalaient pour défaut d'entretien normal du chemin desservant leur propriété, le tribunal administratif de Toulon a relevé, au terme d'une appréciation souveraine qui est exempte de toute dénaturation, que la partie du chemin située au droit de leur propriété était régulièrement submergée par les plus hauts flots en l'absence même de toute perturbation météorologique exceptionnelle et constituait, par suite, une dépendance du domaine public maritime ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la question de savoir si le chemin en cause appartenait au domaine public artificiel routier de la commune ou du département ou bien au domaine public maritime naturel n'était pas sans incidence pour déterminer la personne publique dont la responsabilité pouvait être recherchée ; que, par suite, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en se prononçant sur la nature de la dépendance en cause et en déduisant de son appartenance au domaine public naturel de l'Etat que la responsabilité de la commune ou du département pour défaut d'entretien normal ne pouvait être recherchée ;

5. Considérant, en dernier lieu, que si M. et Mme B...soutiennent que l'incorporation du chemin litigieux dans le domaine public maritime est elle-même la conséquence de ce que la commune n'a pas procédé à l'entretien normal qui lui incombait, ce moyen est en tout état de cause nouveau en cassation ; que, par suite, ils ne peuvent utilement soutenir que le tribunal administratif de Toulon aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si la submersion de la partie du chemin située au droit de leur propriété résultait du défaut d'entretien normal d'une voie publique protégée de l'action des flots ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;


D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme B...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B..., à la commune de La Seyne-sur-Mer, au département du Var et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Voir aussi