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Ariane Web: Conseil d'État 412132, lecture du 22 septembre 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:412132.20170922

Décision n° 412132
22 septembre 2017
Conseil d'État

N° 412132
ECLI:FR:CECHR:2017:412132.20170922
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Paul-François Schira, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public


Lecture du vendredi 22 septembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B..., à l'appui de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014, ont produit un mémoire, enregistré le 5 mai 2017 au greffe du tribunal administratif de Rennes, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-167 du 7 novembre 1958, par lequel ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1702125 du 9 juin 2017, enregistrée le 5 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Rennes, avant qu'il soit statué sur la demande de M. et MmeB..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 199 septvicies du code général des impôts.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts, et notamment son article 199 septvicies ;
- le code monétaire et financier ;
- la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul-François Schira, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;




Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article 199 septvicies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans. [...] IV. - La réduction d'impôt est calculée sur le prix de revient du logement retenu pour sa fraction inférieure à 300 000 ?. Le taux de la réduction d'impôt est de 25 % pour les logements acquis ou construits en 2009 et en 2010, et de 20 % pour les logements acquis ou construits à compter de l'année 2011. / Lorsque le logement est détenu en indivision, chaque indivisaire bénéficie de la réduction d'impôt dans la limite de la quote-part du prix de revient correspondant à ses droits dans l'indivision. / Lorsque le logement est la propriété d'une société non soumise à l'impôt sur les sociétés autre qu'une société civile de placement immobilier, le contribuable bénéficie de la réduction d'impôt dans la limite de la quote-part du prix de revient correspondant à ses droits sur le logement concerné. / Au titre d'une même année d'imposition, le contribuable ne peut bénéficier de la réduction d'impôt qu'à raison de l'acquisition, de la construction ou de la transformation d'un seul logement. / La réduction d'impôt est répartie sur neuf années. Elle est accordée au titre de l'année d'achèvement du logement ou de son acquisition si elle est postérieure et imputée sur l'impôt dû au titre de cette même année puis sur l'impôt dû au titre de chacune des huit années suivantes à raison d'un neuvième de son montant total au titre de chacune de ces années. / Lorsque la fraction de la réduction d'impôt imputable au titre d'une année d'imposition excède l'impôt dû par le contribuable au titre de cette même année, le solde peut être imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. [...] VIII. - La réduction d'impôt est applicable, dans les mêmes conditions, à l'associé d'une société civile de placement immobilier régie par les articles L. 214-50 et suivants du code monétaire et financier dont la quote-part de revenu est, en application de l'article 8 du présent code, soumise en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers. / Le taux de la réduction d'impôt est de 25 % pour les souscriptions réalisées en 2009 et en 2010, et de 20 % pour les souscriptions réalisées à compter de l'année 2011. / La réduction d'impôt, qui n'est pas applicable aux titres dont le droit de propriété est démembré, est subordonnée à la condition que 95 % de la souscription serve exclusivement à financer un investissement pour lequel les conditions d'application du présent article sont réunies. En outre, la société doit prendre l'engagement de louer le logement dans les conditions prévues au présent article. L'associé doit s'engager à conserver la totalité de ses titres jusqu'au terme de l'engagement de location souscrit par la société. Le produit de la souscription doit être intégralement investi dans les dix-huit mois qui suivent la clôture de celle-ci. / Au titre d'une année d'imposition, le montant de la souscription ouvrant droit à la réduction d'impôt ne peut pas excéder, pour un même contribuable, la somme de 300 000 ?. / La réduction d'impôt est répartie sur neuf années. Elle est accordée au titre de l'année de la souscription et imputée sur l'impôt dû au titre de cette même année puis sur l'impôt dû au titre de chacune des huit années suivantes à raison d'un neuvième de son montant total au titre de chacune de ces années. / Lorsque la fraction de la réduction d'impôt imputable au titre d'une année d'imposition excède l'impôt dû par le contribuable au titre de cette même année, le solde peut être imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. / L'application de la présente réduction d'impôt est, au titre d'une même souscription de parts, exclusive de la déduction au titre de l'amortissement prévue à l'article 31 bis. / IX. - Le montant total des dépenses retenu pour l'application du présent article au titre, d'une part, de l'acquisition, de la construction ou de la transformation d'un logement et, d'autre part, de souscriptions de titres, ne peut excéder globalement 300 000 ? par contribuable et pour une même année d'imposition. [...] "

3. Ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008 dont elles sont issues, ont introduit une réduction d'impôt ayant pour objet de favoriser l'investissement locatif sans pour autant inciter à la construction de logements de petite surface correspondant davantage à un impératif de rentabilité financière qu'aux besoins réels du marché. L'article 199 septvicies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, permet au contribuable ayant acquis, construit ou transformé un logement, directement ou par le truchement d'une société civile non soumise à l'impôt sur les sociétés autre qu'une société civile de placement immobilier, de bénéficier d'une réduction d'impôt calculée sur le prix de revient du logement retenu pour sa fraction inférieure à 300 000 euros à condition, notamment, qu'il s'engage à louer le logement acquis pendant une période minimale de 9 ans. L'alinéa 4 du paragraphe IV de l'article 199 septvicies du même code limite cependant cet avantage au titre d'une même année d'imposition à raison de l'acquisition, de la construction ou de la transformation d'un seul logement, afin que le mécanisme ainsi introduit ne génère pas d'effets secondaires sur la taille des logements construits. Par ailleurs, le paragraphe VIII de l'article 199 septvicies du même code permet au contribuable ayant souscrit des parts en numéraire au capital d'une société civile de placement immobilier de bénéficier de la même réduction d'impôt calculée sur le montant de la souscription qui ne peut excéder 300 000 euros, à la double condition, notamment, que la société civile de placement immobilier investisse le produit de la souscription dans les dix-huit mois suivant la clôture de la souscription, et qu'elle s'engage à louer le ou les logements qu'elle a acquis, construits ou transformés pendant une période minimale de neuf ans. Le IX de l'article 199 septvicies, enfin, permet aux contribuables de bénéficier de la réduction d'impôt au titre des deux types d'investissements, dans la limite d'un plafond global de 300 000 euros par contribuable et pour une même année d'imposition.

4. Les requérants soutiennent que l'article 199 septvicies du code général des impôts est contraire à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Selon eux, cette disposition porte atteinte au principe d'égalité devant l'impôt dès lors qu'en ne soumettant pas le bénéfice de la réduction d'impôt qu'elle prévoit à la condition limitative de l'acquisition d'un seul logement par an lorsque l'investissement prend la forme d'une souscription de parts de sociétés civiles de placement immobilier, elle conduit à traiter différemment les contribuables selon les modalités de leur investissement, sans qu'une raison d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi puisse justifier cette différence de traitement.

5. Toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. En soumettant le bénéfice de la réduction d'impôt qu'il institue à des conditions spécifiques différentes selon que le contribuable choisit d'acquérir directement un immeuble ou de souscrire au capital d'une société civile de placement immobilier, et, notamment, en ne soumettant pas l'investissement du produit de la souscription des parts au capital de la société civile de placement immobilier à l'acquisition, la transformation ou la construction d'un seul logement au titre d'une même année, le législateur a pris en compte les caractéristiques de cet investissement qui ne conduit pas le souscripteur de parts à acquérir un droit de propriété sur un immeuble. Par suite, le moyen tiré de ce que la différence de traitement instituée par les dispositions contestées, qui repose sur une différence de situation, ne serait pas en rapport direct avec l'objet de la loi, n'est pas sérieux.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée.



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeB....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B... et au directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille et Vilaine
Copie en sera adressée au Premier ministre, au ministre de l'action et des comptes publics ainsi qu'au tribunal administratif de Rennes.
Copie en sera adressée pour information au Conseil constitutionnel.


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