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Ariane Web: Conseil d'État 406402, lecture du 28 septembre 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:406402.20170928

Décision n° 406402
28 septembre 2017
Conseil d'État

N° 406402
ECLI:FR:CECHR:2017:406402.20170928
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Pierre Lombard, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats


Lecture du jeudi 28 septembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1609687 du 16 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M.L..., M.D..., M.J..., M. B..., M.C..., MmeQ..., M. H...et M. N...de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 7 décembre 2016 par laquelle le maire de Vars a refusé de convoquer un conseil municipal sur l'ordre du jour qu'ils lui avaient soumis, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision, et d'enjoindre au maire de Vars, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, de convoquer le conseil municipal sur l'ordre du jour qu'ils lui avaient soumis.

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 29 décembre 2016 et le 8 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. L...et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vars la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Lombard, auditeur,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M.L..., de M.D..., de M.J..., de M.B..., de M.C..., de MmeQ..., de M. H...et de M. N...et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune de Vars ;



Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la démission de six élus sur quinze du conseil municipal de la commune de Vars, des élections partielles ont eu lieu les 30 octobre et 6 novembre 2016 pour reconstituer l'assemblée délibérante. La liste conduite par M. I... L...a remporté la totalité des six sièges remis au suffrage. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une lettre recommandée du 10 novembre 2016, reçue le 15 novembre suivant, M. L... et sept autres membres du conseil municipal de la commune ont demandé au maire de convoquer le conseil sur le fondement de l'article L. 2121-9 du code général des collectivités territoriales sur un ordre du jour qu'ils précisaient. Le 7 décembre 2016, le maire a décidé de convoquer le conseil municipal, pour le 13 décembre suivant, sur un tout autre ordre du jour que celui qu'ils lui avaient soumis. M. L...et ces élus municipaux ont alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 7 décembre 2016. Par une ordonnance du 16 décembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. M. L...et autres demandent l'annulation de cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 2121-9 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut réunir le conseil municipal chaque fois qu'il le juge utile. / Il est tenu de le convoquer dans un délai maximal de trente jours quand la demande motivée lui en est faite par le représentant de l'État dans le département ou par le tiers au moins des membres du conseil municipal en exercice dans les communes de 3 500 habitants et plus et par la majorité des membres du conseil municipal dans les communes de moins de 3 500 habitants ". Aux termes de l'article L. 2121-10 du même code : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour ". Aux termes de l'article L. 2121-13 de ce code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Aux termes de l'article L. 2121-19 de ce code : " Les conseillers municipaux ont le droit d'exposer en séance du conseil des questions orales ayant trait aux affaires de la commune ".

3. Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu, lorsque la demande motivée lui en est faite par la majorité des membres du conseil municipal dans les communes de moins de 3 500, de convoquer le conseil municipal dans un délai maximum de trente jours pour délibérer et que, si la demande précise les questions à inscrire à l'ordre du jour, il ne peut refuser, en tout ou partie, de les inscrire que s'il estime, sous le contrôle du juge, qu'elles ne sont pas d'intérêt communal ou que la demande présente un caractère manifestement abusif. Le droit ouvert aux conseillers municipaux d'obtenir la réunion du conseil municipal sur l'ordre du jour qu'ils ont proposé est distinct du droit dont ils disposent, à titre individuel, en application des dispositions précitées de l'article L. 2121-19 du code général des collectivités territoriales.

4. Il suit de là que le maire d'une commune de moins de 3 500 habitants qui, à la suite de la demande de la majorité des membres du conseil municipal de convoquer le conseil sur des sujets d'intérêt communal, sans que cette démarche ne présente de caractère abusif, répond à cette demande en convoquant le conseil municipal sans porter ces questions à l'ordre du jour, doit être regardé comme ayant refusé de le convoquer.

5. Dès lors, M. E...et autres sont fondés à soutenir qu'en jugeant que la décision de refus attaquée n'avait pas porté atteinte aux droits que les requérants tiennent de l'article L. 2121-9 du code général des collectivités territoriales et qu'ainsi ils n'étaient pas fondés à soutenir que le moyen qu'ils soulevaient sur ce point était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. Cette ordonnance doit par suite être annulée.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

7. Il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence d'éléments suffisamment précis dont se prévaudraient sur ce point les requérants, que l'urgence justifierait que l'exécution de la décision du maire de Vars du 7 décembre 2016 soit suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa légalité. Dès lors, la demande de M. E...et autres tendant à la suspension de cette décision et à ce qu'il soit enjoint au maire de Vars, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, de convoquer le conseil municipal sur l'ordre du jour qu'ils lui avaient soumis, ne peut qu'être rejetée.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 16 décembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. L...et autres devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille et leurs conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Vars devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. I...L..., à M. P...D..., à M. G... J..., à M. M...B..., à M. K...C..., à Mme O...Q..., à M. A...H..., à M. F...N...et à la commune de Vars.
Copie en sera adressée pour information au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


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