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Ariane Web: Conseil d'État 408115, lecture du 6 octobre 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:408115.20171006

Décision n° 408115
6 octobre 2017
Conseil d'État

N° 408115
ECLI:FR:CECHS:2017:408115.20171006
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats


Lecture du vendredi 6 octobre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La SAS Astrazeneca a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation minimale de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009, d'autre part, la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010. Par un jugement nos 1309982, 1400223 du 17 novembre 2014 et un jugement n° 1410263 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Par un arrêt nos 15VE00119, 16VE00989 du 16 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté les appels formés par la SAS Astrazeneca contre ces jugements.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 février et 17 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS Astrazeneca demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses requêtes d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Astrazeneca ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 septembre 2017, présentée par la SAS Astrazeneca ;



Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au cours des années 2007, 2008 et 2009 : " I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au titre de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II. (...) / II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; (...) / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. (...) ".

3. En vertu du I de l'article 1586 sexies du même code, dans sa rédaction applicable en 2010 : " Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : / 1. Le chiffre d'affaires est égal à la somme : / - des ventes de produits fabriqués, prestations de services et marchandises ; / - des redevances pour concessions, brevets, licences, marques, procédés, logiciels, droits et valeurs similaires ; / - des plus-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante ; / - des refacturations de frais inscrites au compte de transfert de charges. / 2. Le chiffre d'affaires des titulaires de bénéfices non commerciaux qui n'exercent pas l'option mentionnée à l'article 93 A s'entend du montant hors taxes des honoraires ou recettes encaissés en leur nom, diminué des rétrocessions, ainsi que des gains divers. / 3. Le chiffre d'affaires des personnes dont les revenus imposables à l'impôt sur le revenu relèvent de la catégorie des revenus fonciers définie à l'article 14 comprend les recettes brutes au sens de l'article 29. / 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : / - des autres produits de gestion courante (...) ; / - de la production immobilisée, à hauteur des seules charges qui ont concouru à sa formation et qui figurent parmi les charges déductibles de la valeur ajoutée ; (...) / - des subventions d'exploitation et des abandons de créances à caractère financier (...) ; / - de la variation positive des stocks ; / - des transferts de charges déductibles de la valeur ajoutée, autres que ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires ; / b) Et, d'autre part : / - les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; / - diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ; / - la variation négative des stocks ; / - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus (...) ; / - les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ; - les autres charges de gestion courante (...) / 5. La valeur ajoutée des contribuables mentionnés au 2 est constituée par l'excédent du chiffre d'affaires défini au 2 sur les dépenses de même nature que les charges admises en déduction de la valeur ajoutée en application du 4, à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ou décaissée. / 6. La valeur ajoutée des contribuables mentionnés au 3 est égale à l'excédent du chiffre d'affaires défini au 3 diminué des charges de la propriété énumérées à l'article 31, à l'exception des charges énumérées aux c et d du 1° du I du même article 31. "

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale que les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables peuvent s'engager à faire bénéficier l'assurance maladie de remises sur tout ou partie du chiffre d'affaires de ces spécialités réalisé en France. En particulier, ces entreprises peuvent conclure une convention avec le comité économique des produits de santé, qui comporte notamment des engagements portant sur leur chiffre d'affaires et dont le non-respect peut entraîner le versement de telles remises. Un tel conventionnement leur permet de ne pas être redevables de la contribution prévue par l'article L. 138-10 du même code lorsque leur chiffre d'affaires de l'année civile s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Dans ces conditions, ces remises, qui sont directement versées à l'assurance maladie, ne constituent pas des avantages tarifaires consentis par les entreprises pour fidéliser leur clientèle, mais un mécanisme visant à réduire les dépenses d'assurance maladie. Par suite, elles ne sauraient venir en diminution des produits comptabilisés pour la détermination de la valeur ajoutée définie par les articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts, interprétés à la lumière du compte 709 " rabais, remises, ristournes " du plan comptable général.

5. La SAS Astrazeneca soutient que les 1 et 2 du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ainsi que les 1 à 6 du I de l'article 1586 sexies du même code méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dans la mesure où ces dispositions permettent que la valeur ajoutée prise en compte pour le plafonnement de la taxe professionnelle et le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises inclue les remises conventionnelles versées à l'assurance maladie, alors que les contribuables ne disposent pas de ces sommes. Toutefois, les remises conventionnelles constituent, non pas, comme le soutient la société, un revenu soumis à l'imposition alors que le contribuable n'en avait pas la disposition, mais des charges que doivent acquitter les contribuables concernés et dont le législateur a décidé qu'elles ne seraient pas déductibles de la valeur ajoutée. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

6. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les 1 et 2 du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ainsi que les 1 à 6 du I de l'article 1586 sexies du même code portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux.

Sur les autres moyens :

7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

8. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la SAS Astrazeneca soutient que la cour administrative d'appel de Versailles a insuffisamment motivé son arrêt, méconnu les articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts et inexactement qualifié les faits en jugeant que les contributions prévues par les articles L. 138-1 et L. 245-6 du code de la sécurité sociale, la taxe prévue par l'article L. 5121-17 du code de la santé publique et les remises conventionnelles prévues par l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale ne sont pas déductibles du calcul de la valeur ajoutée prise en compte pour le plafonnement de la taxe professionnelle et le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

9. Aucun de ces moyens n'est de nature à justifier l'admission du pourvoi.






D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SAS Astrazeneca.
Article 2 : Le pourvoi de la SAS Astrazeneca n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS Astrazeneca, au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.