Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 407297, lecture du 6 octobre 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:407297.20171006

Décision n° 407297
6 octobre 2017
Conseil d'État

N° 407297
ECLI:FR:CECHR:2017:407297.20171006
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Thomas Odinot, rapporteur
M. Olivier Henrard, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du vendredi 6 octobre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...A...-B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2015 par lequel le ministre des finances et des comptes publics lui a concédé sa pension unique, en tant que celle-ci ne prend en compte ni ses services d'agent non titulaire, ni les services accomplis après le 6 mai 2011, et en tant qu'elle n'intègre pas l'indemnité temporaire de retraite, et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de procéder à une nouvelle liquidation de sa pension.

Par un jugement n° 1600035 du 28 novembre 2016, le tribunal administratif de Mayotte a, par ses articles 1er à 4, annulé l'arrêté du 13 juillet 2015 en tant qu'il ne prend pas en compte les services d'agent non titulaire accomplis lors des périodes du 12 mars 1980 au 28 février 1982 et du 17 janvier 1994 au 1er mai 2002, annulé la décision du ministre refusant d'accorder l'indemnité temporaire de retraite à Mme A...-B..., et enjoint à l'administration de régulariser sa situation.

Procédures devant le Conseil d'Etat :

1° Sous le n° 407297, par un pourvoi enregistré le 30 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 4 de ce jugement.

2° Sous le n° 407390, par une requête enregistrée le 31 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat de prononcer le sursis à exécution du jugement du 28 novembre 2016 du tribunal administratif de Mayotte.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 ;
- la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 ;
- la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 ;
- la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;
- le décret n° 2009-114 du 30 janvier 2009 ;
- le décret n° 2012-1256 du 13 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Odinot, auditeur,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A...-B.assujettis pour les risques sociaux autres que la vieillesse et l'invalidité aux régimes de sécurité sociale auxquels ils sont affiliés à la date de publication de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 précitée


1. Considérant que le pourvoi et la requête aux fins de sursis à exécution du ministre de l'économie et des finances sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'une pension de retraite a été concédée à Mme A...-B... par deux arrêtés des 19 janvier et 13 juillet 2015, au titre du régime de la pension unique institué par le VII de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, issu de la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique ; que, par un jugement du 28 novembre 2016, contre lequel le ministre de l'économie et des finances se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Mayotte a, sur la demande de l'intéressée, annulé l'arrêté du 13 juillet 2015 en tant qu'il ne prend pas en compte les services accomplis par l'intéressée en qualité d'agent non titulaire entre le 12 mars 1980 et le 28 février 1982 et entre le 17 janvier 1994 et le 1er mai 2002, annulé la décision du ministre refusant d'accorder l'indemnité temporaire de retraite à Mme A...-B... et enjoint à l'administration de régulariser sa situation ;

Sur le pourvoi dirigé contre le jugement attaqué :

En ce qui concerne le droit à pension unique :

3. Considérant qu'aux termes du II de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte " (...) Les agents titulaires, à la date de publication de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, d'un emploi de la collectivité départementale, d'une commune ou d'un établissement public administratif de Mayotte sont intégrés au plus tard le 31 décembre 2010 :/- soit dans les corps de la fonction publique de l'Etat ; /- soit dans les cadres d'emplois de la fonction publique territoriale ; /- soit dans les corps de la fonction publique hospitalière ; /- soit dans des corps ou cadres d'emplois de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière créés le cas échéant à cet effet, à titre transitoire, pour l'administration de Mayotte. Ces corps et cadres d'emplois sont classés hors catégorie pour la fixation de leurs indices de traitement. Des décrets en Conseil d'Etat fixent les dispositions statutaires qui leur sont applicables " ; qu'aux termes du III du même article : Les agents non titulaires occupant, à la date de publication de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 précitée, un emploi permanent de la collectivité départementale, d'une commune ou d'un établissement public administratif de Mayotte ont vocation à être titularisés, sur leur demande, au plus tard le 31 décembre 2010 dans un des corps ou cadres d'emplois mentionnés au II, sous réserve :/1° D'être en fonction à la date mentionnée ci-dessus ou de bénéficier à cette date d'un congé régulièrement accordé en application de la réglementation en vigueur ; /2° D'avoir accompli, à la date du dépôt de leur candidature, des services effectifs d'une durée équivalente à deux ans au moins de services à temps complet dans un ou plusieurs des emplois susmentionnés ; /3° De remplir les conditions énumérées à l'article 5 du titre Ier du statut général des fonctionnaires. (...) " ; qu'aux termes du VII, introduit dans le même article par la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique : " Les agents mentionnés aux II et III qui sont intégrés ou titularisés dans un des corps ou cadres d'emplois mentionnés au II demeurent.assujettis pour les risques sociaux autres que la vieillesse et l'invalidité aux régimes de sécurité sociale auxquels ils sont affiliés à la date de publication de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 précitée / Ils sont affiliés, au jour de leur intégration ou de leur titularisation et au plus tôt à compter du premier jour du sixième mois qui suit la publication de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, au régime spécial de retraite correspondant au corps ou cadre d'emplois d'intégration ou de titularisation. / Les services effectués par ces agents sont pris en compte dans une pension unique liquidée comme suit : / - les services effectués antérieurement à l'affiliation au régime spécial précité sont pris en compte selon les règles applicables, au 1er janvier 2006, dans le régime de la caisse de retraite des fonctionnaires et agents des collectivités publiques de Mayotte en retenant les derniers émoluments soumis à retenue pour pension perçus par l'intéressé depuis six mois au moins avant l'affiliation au régime spécial de retraite / - les services effectués postérieurement à l'affiliation au régime spécial précité sont pris en compte selon les règles applicables dans ce régime. / L'ensemble des services effectués par ces agents sont pris en compte pour la constitution du droit à pension dans le régime de la caisse de retraite des fonctionnaires et agents des collectivités publiques de Mayotte et dans le régime spécial précité. / Ces agents conservent, à titre personnel, le bénéfice de l'âge auquel ils peuvent liquider leur pension et de la limite d'âge applicables antérieurement à leur affiliation au régime spécial précité sauf s'ils optent pour l'âge d'ouverture des droits et la limite d'âge de leurs corps d'intégration (.../... Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions " ; qu'en vertu, enfin, de l'article 2 du décret du 13 novembre 2012 relatif au règlement des droits à pension de retraite des agents publics de Mayotte intégrés ou titularisés dans des corps ou cadres d'emplois des fonctions publiques pris pour l'application de ces dispositions : " (...) L'ensemble des services effectués par les intéressés durant leur affiliation, d'une part, au régime de la Caisse de retraites des fonctionnaires et agents des collectivités publiques de Mayotte, d'autre part, au régime spécial de retraite attaché à la fonction publique dans laquelle ils ont été intégrés ou titularisés, est pris en compte pour la constitution de ce droit " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les agents titulaires et contractuels dans une collectivité territoriale ou dans un établissement public administratif de Mayotte, qui ont été intégrés ou titularisés dans une des trois fonctions publiques, sont affiliés, le jour de leur intégration ou de leur titularisation, au régime spécial de retraite correspondant au corps ou cadre d'emplois d'intégration ou de titularisation ; que les services qu'ils ont effectués antérieurement à cette affiliation ne sont pris en compte dans la liquidation de la pension unique que s'ils ont donné lieu à une affiliation à la caisse de retraite des fonctionnaires et des agents des collectivités publiques de Mayotte ; que, dans ce cas, ils sont pris en compte selon les règles applicables à ce régime au 1er janvier 2006, en retenant les derniers émoluments soumis à retenue pour pension perçus par l'intéressé depuis six mois au moins avant l'affiliation au régime spécial de retraite ; que, dans le cas inverse, ces services ne doivent être pris en compte, le cas échéant, que pour la liquidation d'autres pensions auprès des régimes auxquels l'intéressé était effectivement affilié ;

5. Considérant qu'il résulte des énonciations du jugement attaqué que Mme A... -B... a exercé à Mayotte des fonctions d'agent administratif contractuel en milieu hospitalier entre le 12 mars 1980 et le 28 février 1982, en étant alors affiliée à la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ; que, depuis le 17 janvier 1994 et jusqu'à son admission à la retraite le 31 janvier 2015, elle a exercé des fonctions administratives à la préfecture de Mayotte ; qu'ayant été initialement engagée en tant qu'agent contractuel de la collectivité départementale de Mayotte, relevant de la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), elle a accédé le 2 mai 2002 au statut d'agent titulaire de la fonction publique territoriale de Mayotte et a alors été affiliée à la caisse de retraite des fonctionnaires et agents des collectivités publiques de Mayotte (CRFM) ; qu'elle a enfin été intégrée, le 1er janvier 2009, dans la fonction publique de l'Etat, reclassée dans le corps des secrétaires administratifs des ministères de l'intérieur et de l'outre-mer ; qu'elle est demeurée en activité en cette qualité jusqu'au 31 janvier 2015 ; que, pour juger que l'intéressée était fondée à soutenir que devaient être pris en compte, pour la constitution de son droit à pension unique, les services accomplis en qualité d'agent non titulaire entre le 12 mars 1980 et le 28 février 1982 et entre le 17 janvier 1994 et le 1er mai 2002, le tribunal administratif de Mayotte a estimé que les agents publics concernés pouvaient prétendre à une pension unique prenant en compte l'ensemble des services publics qu'ils ont effectués à Mayotte ; qu'il a, ce faisant, pour les raisons exposées au point 4, entaché son jugement d'une erreur de droit ;

En ce qui concerne le droit à l'indemnité temporaire de retraite :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " I. L'indemnité temporaire accordée aux fonctionnaires pensionnés relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite majore le montant en principal de la pension d'un pourcentage fixé par décret selon la collectivité dans laquelle ils résident. / L'indemnité temporaire est accordée aux pensionnés qui justifient d'une résidence effective dans les collectivités suivantes : (...) Mayotte (...) / II. - A compter du 1er janvier 2009, l'attribution de nouvelles indemnités temporaires est réservée aux pensionnés ayants droit remplissant, à la date d'effet de leur pension, en sus de l'effectivité de la résidence, les conditions suivantes : / 1° a) Justifier de quinze ans de services effectifs dans une ou plusieurs collectivités mentionnées au I (...) / b) Ou remplir, au regard de la collectivité dans laquelle l'intéressé justifie de sa résidence effective, les critères d'éligibilité retenus pour l'octroi des congés bonifiés à leur bénéficiaire principal (...) qu'aux termes de l'article 1er du décret du 30 janvier 2009 relatif à l'indemnité temporaire accordée aux personnels retraités relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite : " L'indemnité temporaire accordée aux pensionnés, fonctionnaires civils et militaires, titulaires de pensions concédées au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, prévue au I de l'article 137 de la loi de finances rectificative pour 2008, est égale à un pourcentage du montant en principal de la pension (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du VII de l'article 64-1 de la loi du 11 juillet 2001 que la pension unique se compose de deux parts, dont l'une rémunère les services effectués antérieurement à l'affiliation au régime spécial de retraite correspondant au corps ou cadre d'emplois d'intégration ou de titularisation ; que, pour les agents intégrés dans la fonction publique de l'Etat, la pension unique comprend ainsi une part qui ne relève pas du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce qui fait obstacle à ce qu'ils puissent être regardés comme relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite au sens de l'article 137 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2008 ; qu'en jugeant que le titulaire d'une pension unique pouvait, dès lors qu'une partie de cette pension relève du code des pensions civiles et militaires de retraite, prétendre au bénéfice de l'indemnité temporaire de retraite, le tribunal administratif de Mayotte a, par suite, commis une autre erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler les articles 1er à 4 du jugement du tribunal administratif de Mayotte ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que les services accomplis par Mme A...-B... en qualité d'agent non titulaire entre le 12 mars 1980 et le 28 février 1982 et entre le 17 janvier 1994 et le 1er mai 2002 ne peuvent être pris en compte pour la liquidation de sa pension unique ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que Mme A... -B... ne peut être regardée comme relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite au sens de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 ; que, par suite, elle ne peut prétendre au bénéfice de l'indemnité temporaire de retraite ;

12. Considérant, par suite, que les conclusions de Mme A...-B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2015 en tant qu'il ne prend pas en compte ses services accomplis en qualité d'agent non titulaire entre le 12 mars 1980 et le 28 février 1982 et entre le 17 janvier 1994 et le 1er mai 2002 et de la décision du ministre refusant de lui accorder l'indemnité temporaire de retraite doivent être rejetées ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées ;

Sur la requête aux fins de sursis à exécution :

13. Considérant que par la présente décision, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le pourvoi formé par le ministre de l'économie et des finances contre le jugement du 28 novembre 2016 du tribunal administratif de Mayotte ; que, par suite, les conclusions du ministre tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que demande à ce titre Mme A...-B... ;


D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er à 4 du jugement du tribunal administratif de Mayotte sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A...-B... devant le tribunal administratif de Mayotte tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2015 en tant qu'il ne prend pas en compte ses services accomplis en qualité d'agent non titulaire entre le 12 mars 1980 et le 28 février 1982 et entre le 17 janvier 1994 et le 1er mai 2002 et de la décision du ministre refusant de lui accorder l'indemnité temporaire de retraite sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 407390.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A...-B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à Mme C... A...-B.assujettis pour les risques sociaux autres que la vieillesse et l'invalidité aux régimes de sécurité sociale auxquels ils sont affiliés à la date de publication de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 précitée


Voir aussi