Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 398684, lecture du 11 octobre 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:398684.20171011

Décision n° 398684
11 octobre 2017
Conseil d'État

N° 398684
ECLI:FR:CECHR:2017:398684.20171011
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Christian Fournier, rapporteur
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mercredi 11 octobre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Montreuil la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1304492 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur ses conclusions à concurrence du dégrèvement prononcé à hauteur de 47 021 euros, a, d'une part, réduit la base imposable des impositions en litige de la somme de 80 000 euros et l'a déchargé en conséquence de la fraction de sa cotisation d'impôt sur le revenu, des contributions sociales et des pénalités correspondantes et, d'autre part, a rejeté le surplus de sa demande. Par un arrêt n° 15VE00356 du 11 février 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a constaté qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur ses conclusions d'appel de M. C... à concurrence du dégrèvement prononcé à hauteur de 148 920 euros et a rejeté le surplus des conclusions d'appel de M. D... C....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 avril et 11 juillet 2016 et 3 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il statue sur le bien fondé de l'imposition, comme revenu d'origine indéterminée, des sommes de 201 000 euros, 80 000 euros et 30 000 euros inscrites les 29 mai 2007, 14 juin et 20 juin 2007 au crédit de son compte bancaire et sur les pénalités qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. C...;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D... C...a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur l'année 2007. A l'issue de ce contrôle, il a été taxé d'office, en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, sur la base du solde créditeur d'une balance de trésorerie. Par un jugement du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur les conclusions de M. D... C...tendant à la décharge des impositions mises à sa charge à concurrence du dégrèvement prononcé par l'administration à hauteur d'un montant de 47 021 euros, a, d'une part, réduit la base imposable des impositions en litige de la somme de 80 000 euros et l'a déchargé de la fraction de sa cotisation d'impôt sur le revenu, des contributions sociales et des pénalités correspondantes et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. Par un arrêt du 11 février 2016, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions d'appel à concurrence du dégrèvement prononcé par l'administration à hauteur de 148 920 euros en droits et 64 104 euros en pénalités au titre l'impôt sur le revenu et des contributions sociales, a rejeté le surplus de ses conclusions d'appel. M. D... C...se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il statue sur le bien fondé de l'imposition, comme revenu d'origine indéterminée, des sommes de 201 000 euros, 80 000 euros et 30 000 euros inscrites au crédit de son compte bancaire les 29 mai 2007, 14 juin et 20 juin 2007 et sur les pénalités qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

2. Il appartient à l'administration fiscale, lorsqu'elle entend remettre en cause, même par voie d'imposition d'office, le caractère non imposable de sommes perçues par un contribuable, dont il est établi qu'elles lui ont été versées par l'un de ses parents et alors qu'elle ne se prévaut pas de l'existence entre eux d'une relation d'affaires, de justifier que les sommes en cause ne revêtent pas le caractère d'un prêt familial, notamment en démontrant l'existence d'une disproportion entre les sommes versées et les ressources financières de l'auteur du versement.

3. Pour juger que M. D... C...ne pouvait justifier que les sommes de 201 000 euros, 80 000 euros et 30 000 euros en litige revêtaient le caractère d'un prêt familial, la cour administrative d'appel, après avoir admis que ces sommes avaient été créditées sur son compte bancaire par trois virements des 29 mai 2007, le 14 et 20 juin 2007 émanant de M. B... C..., son frère, et de M. A... C..., son père, s'est bornée à relever que les sommes en cause étaient disproportionnées par rapport aux revenus déclarés par les donateurs allégués. En statuant ainsi sans rechercher si les éléments apportés par M. C... pour démontrer que l'existence de revenus non déclarés par MM B...et A...C..., tirés de l'exercice d'une activité d'achat et de revente de véhicules automobiles, étaient suffisants pour considérer que la présomption d'entraide familiale devait trouver à s'appliquer, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, M. D... C...est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'il attaque.

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant des revenus d'origine indéterminée :

5. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / L'administration peut (...) demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

6. L'administration fiscale a imposé les sommes de 201 000 euros, 80 000 euros et 30 000 euros inscrites respectivement au crédit du compte bancaire de M. D... C...le 29 mai 2007, le 14 juin 2007 et le 20 juin 2007 et demeurées inexpliquées en tant que discordance de trésorerie. Le ministre demande toutefois à ce que ces sommes soient imposées, non pas au titre du solde inexpliqué de la balance de trésorerie, mais sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales en tant que crédits bancaires demeurés injustifiés. Dès lors que les sommes restant en litige pouvaient légalement faire l'objet d'une taxation sur le fondement de ces articles au titre des crédits bancaires demeurés injustifiés et que le requérant n'a été privé, en l'espèce, d'aucune garantie de procédure, dans la mesure où ces sommes prises en compte par la balance de trésorerie ont été mentionnées par la demande de justification portant sur les crédits d'origine inexpliquée, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale du ministre.

7. Il résulte de l'instruction que M. D... C..., qui a établi que son père et que son frère ont viré sur son compte bancaire de la Société générale n°00050105858 les sommes de 201 000 euros, 80 000 euros et de 30 000 euros respectivement les 29 mai 2007, 14 juin 2007 et 20 juin 2007, soutient que ces sommes correspondent à une entraide familiale afin de lui permettre d'acquérir un bien immobilier sis 15 allée des Bosquets au Raincy par l'intermédiaire d'une société civile immobilière. Le ministre fait toutefois valoir que les sommes ainsi versées sont disproportionnées par rapport aux revenus déclarés par son père, qui n'a déclaré que 25 500 euros au titre de l'année 2007, et par son frère, qui n'a pas déclaré de revenus au titre de la même année. Si M. D... C...soutient que son père et son frère exerçaient une activité non déclarée d'achat et de revente de véhicules automobiles, il n'apporte pas d'élément permettant d'établir que cette activité était de nature à leur procurer des revenus leur permettant de consentir un prêt ou un don familial à hauteur des sommes en cause. Par suite, M. D... C...ne justifie pas du caractère non imposable des sommes concernées en se bornant à se prévaloir de leur origine familiale.

S'agissant du quotient familial :

8. Aux termes de l'article 193 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 196 B, le revenu imposable est, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, divisé en un certain nombre de parts, fixé conformément à l'article 194, d'après la situation et les charges de famille du contribuable (...) ". Aux termes de l'article 193 ter du même code : " A défaut de dispositions spécifiques, les enfants ou les personnes à charge s'entendent de ceux dont le contribuable assume la charge d'entretien à titre exclusif ou principal, nonobstant le versement ou la perception d'une pension alimentaire pour l'entretien desdits enfants ".

9. Il résulte de l'instruction que l'administration a admis, au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2007 de M. D... C..., un quotient familial de 1,5 correspondant à un enfant à charge. Si le requérant soutient être père de trois enfants, il ne justifie pas avoir assumé cette année là la charge d'entretien à titre exclusif ou principal de ces deux autres enfants, qu'il n'a d'ailleurs reconnu que postérieurement à l'établissement de l'impôt. Par suite, M. D... C...n'est pas fondé à demander l'attribution d'une part supplémentaire de quotient familial correspondant à deux enfants.

Sur le bien-fondé de la pénalité pour manquement délibéré :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

11. il résulte de l'instruction que pour justifier les pénalités appliquées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de la réintégration de revenus d'origine indéterminée, l'administration a relevé que M. D... C...ne pouvait ignorer que les membres de sa famille qui lui versaient d'importantes sommes n'en avaient pas la capacité financière et qu'il ne pouvait ainsi se prévaloir du caractère non imposable des sommes concernées. En l'absence, ainsi qu'il a été dit au point 7, de tout élément apporté par M C...permettant d'établir que les membres de sa famille avaient une activité susceptible de justifier un prêt ou un don familial à hauteur des sommes en cause, le requérant ne peut contester le bien fondé de la pénalité infligée au titre du caractère délibéré des manquements qui lui ont été reprochés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions restant en litige.

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. D... C...tant en appel que devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 11 février 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... C...devant la cour administrative d'appel de Versailles tendant à la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ainsi que celles présentées en appel et devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C...et au ministre de l'action et des comptes publics.