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Ariane Web: Conseil d'État 396934, lecture du 13 octobre 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:396934.20171013

Décision n° 396934
13 octobre 2017
Conseil d'État

N° 396934
ECLI:FR:CECHR:2017:396934.20171013
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 4ème chambres réunies
M. Olivier Rousselle, rapporteur
Mme Laurence Marion, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP RICHARD, avocats


Lecture du vendredi 13 octobre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Vire à lui verser la somme de 61 472,41 euros correspondant au paiement d'heures de garde effectuées entre 2008 et 2012. Par un jugement n°1300749 du 17 avril 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°14NT01615 du 10 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 11 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vire la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;

- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de Mme A...et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du centre hospitalier de Vire.



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la création, en 1997, d'un service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) au centre hospitalier de Vire a entraîné l'organisation d'astreintes de nuit au service d'anesthésie pour assurer la continuité de ce service d'urgence ; qu'aux termes d'un accord conclu le 17 juin 2005 entre le centre hospitalier et les infirmières anesthésistes de l'établissement, le temps de travail a été réparti, pour chaque période de 24 heures, entre un temps de travail effectif de 15 heures, pour les périodes comprises entre 8 heures et 23 heures et un temps d'astreinte de 9 heures, pour les périodes comprises entre 23 heures et 8 heures ; que, durant ce temps d'astreinte, les infirmières anesthésistes devaient être en mesure de rejoindre rapidement l'établissement et pouvaient soit résider à leur domicile, soit bénéficier d'un logement indépendant situé dans l'enceinte de l'établissement ; que MmeA..., infirmière anesthésiste diplômée d'Etat en fonction dans ce centre hospitalier, a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Vire à lui verser les sommes correspondant au paiement en tant que temps de travail effectif des heures d'astreinte qu'elle a effectuées au cours des années 2008 à 2012 ; que le tribunal a rejeté sa demande ; que Mme A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 décembre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel dirigé contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 4 janvier 2002 relatif à l'organisation et à la réduction du temps de travail dans les établissements publics de santé visé ci-dessus : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce décret : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, qui n'est pas sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement. La durée de chaque intervention, temps de trajet inclus, est considérée comme temps de travail effectif. (...) " ; qu'aux termes de son article 24 : " Les agents assurant leur service d'astreinte doivent pouvoir être joints par tous moyens appropriés, à la charge de l'établissement, pendant toute la durée de cette astreinte. Ils doivent pouvoir intervenir dans un délai qui ne peut être supérieur à celui qui leur est habituellement nécessaire pour se rendre sur le lieu d'intervention. (...) " qu'aux termes de son article 25 : " Le temps passé en astreinte donne lieu soit à compensation horaire, soit à indemnisation. / (...) " ;

3. Considérant que, pour déterminer la rémunération des heures de travail effectuées par les agents en fonction dans les établissements publics de santé, ces dispositions distinguent, d'une part, les périodes de travail effectif durant lesquelles les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles et, d'autre part, les périodes d'astreinte durant lesquelles les agents ont l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement ; que la circonstance que l'employeur mette à la disposition des agents, pour les périodes d'astreinte, un logement situé à proximité ou dans l'enceinte du lieu de travail, pour leur permettre de rejoindre le service dans les délais requis, n'implique pas que le temps durant lequel un agent bénéficie de cette convenance soit qualifié de temps de travail effectif, dès lors que cet agent n'est pas à la disposition permanente et immédiate de son employeur et peut, en dehors des temps d'intervention, vaquer librement à des occupations personnelles ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que les périodes d'astreinte effectuées par Mme A...dans le logement mis à disposition par le centre hospitalier de Vire dans l'enceinte de l'hôpital ne constituaient pas du temps de travail effectif, alors même que, compte tenu de la brièveté du temps d'intervention exigé d'elle en cas d'urgence, elle n'avait d'autre possibilité que d'effectuer ces périodes dans ce logement, la cour, qui a relevé que l'intéressée n'était pas à la disposition permanente et immédiate de son employeur et pouvait, en dehors des temps d'intervention, vaquer librement à des occupations personnelles, n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, par ailleurs, les termes utilisés dans la fiche de poste de Mme A... étaient dépourvus d'incidence sur la qualification de son temps de travail, à laquelle la cour devait procéder au regard des seules dispositions réglementaires citées ci-dessus ; que la cour pouvait enfin, contrairement à ce qui est soutenu, juger, sans erreur de droit, que les périodes d'astreinte litigieuses n'avaient pas à être requalifiées, du fait de la fréquence des interventions que Mme A...a été amenée à effectuer durant les heures comprises entre 23 heures et 8 heures, en temps de travail effectif ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 10 décembre 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Vire la somme que demande Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme que demande le centre hospitalier de Vire à ce titre ;


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Vire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au centre hospitalier de Vire.


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