Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 403815, lecture du 16 octobre 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:403815.20171016

Décision n° 403815
16 octobre 2017
Conseil d'État

N° 403815
ECLI:FR:CECHR:2017:403815.20171016
Inédit au recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
M. Cyrille Beaufils, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du lundi 16 octobre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 403815, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 septembre et 20 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E...K...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie et des finances et du garde des sceaux, ministre de la justice, du 16 septembre 2016 pris pour l'application de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, et au ministre de l'économie et des finances de prendre un nouvel arrêté conforme à la loi du 6 août 2015 susvisée, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.



2° Sous le n° 404721, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 octobre 2016 et 21 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil supérieur du notariat demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie et des finances et du garde des sceaux, ministre de la justice, du 16 septembre 2016 pris pour l'application de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................


3° Sous le n° 405126, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 novembre 2016, 10 février et 19 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre des notaires des Hauts-de-Seine, Me A...F..., Me B...C...et Me J...N...demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie et des finances et du garde des sceaux, ministre de la justice, du 16 septembre 2016 pris pour l'application de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.


....................................................................................


4° Sous le n° 405147, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 novembre 2016, 20 février et 17 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre interdépartementale des notaires de Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie et des finances et du garde des sceaux, ministre de la justice, du 16 septembre 2016 pris pour l'application de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il délimite les zones d'installation et fixe les objectifs de création d'offices de notaires et de nouveaux professionnels pour les zones de Roissy-Sud Picardie, Paris, Créteil, Orly et Marne-la-Vallée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................


5° Sous le n° 405186, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 novembre 2016 et 28 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCP GPN office notarial du Perreux sur Marne, Mmes H...G...et I...L...et M. M...D...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'économie et des finances et du garde des sceaux, ministre de la justice, du 16 septembre 2016 pris pour l'application de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code de commerce ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 ;
- le décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 ;
- le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 ;
- le décret n° 2016-216 du 26 février 2016 ;
- le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 ;
- le décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 ;
- l'arrêté du garde des sceaux du 24 janvier 2017 fixant les modalités des opérations de tirages au sort prévues à l'article 53 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la chambre des notaires des Hauts-de-Seine, et autres et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la chambre interdépartementale des notaires de Paris.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 septembre 2017 sous le n° 405147, présentée par la chambre interdépartementale des notaires de Paris ;



1. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " Les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent librement s'installer dans les zones où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services. / Ces zones sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l'économie, sur proposition de l'Autorité de la concurrence en application de l'article L. 462-4-1 du code de commerce. Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, parmi lesquels une analyse démographique de l'évolution prévisible du nombre de professionnels installés. / A cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l'offre de services, la création de nouveaux offices de notaire, d'huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire apparaît utile. / Afin de garantir une augmentation progressive du nombre d'offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants, cette carte est assortie de recommandations sur le rythme d'installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée. / Cette carte est rendue publique et révisée tous les deux ans " ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 462-4-1 inséré dans le code de commerce par ce même article : " L'Autorité de la concurrence rend au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d'installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires. / Elle fait toutes recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices publics ou ministériels dans la perspective de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d'augmenter de façon progressive le nombre d'offices sur le territoire. Elle établit également un bilan en matière d'accès des femmes et des hommes aux offices publics ou ministériels, sur la base de données présentées par sexe et d'une analyse de l'évolution démographique des femmes et des jeunes au sein des professions concernées. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans. Elles sont assorties de la carte mentionnée au I de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. / L'ouverture d'une procédure visant à l'élaboration de la carte mentionnée au deuxième alinéa du présent article est rendue publique, dans un délai de cinq jours à compter de la date de cette ouverture, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, aux instances ordinales des professions concernées, ainsi qu'à toute personne remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommée par le ministre de la justice en qualité de notaire, d'huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire, d'adresser à l'Autorité de la concurrence leurs observations. / Lorsque l'Autorité de la concurrence délibère en application du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. " ; que le I de l'article 1er du décret du 26 février 2016 relatif à l'établissement de la carte instituée par ces dispositions dispose que : " Pour chacune des professions de notaire, d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, l'Autorité de la concurrence propose au ministre de la justice et au ministre chargé de l'économie une carte identifiant les zones, mentionnées au I de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 susvisée, où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de service de ces professions, au regard des critères suivants : / 1° Critères permettant d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de l'offre de service : / - nombre et localisation des offices installés ; / - chiffre d'affaires global de ces offices et celui réalisé par chacun d'entre eux sur les cinq dernières années, en distinguant les montants respectifs des émoluments et des honoraires ; / - nombre de professionnels nommés dans ces offices (titulaires, associés, salariés) ; / - nombre et localisation des offices vacants ; / - âge des professionnels en exercice ; / 2° Critères permettant d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de la demande : / - caractéristiques démographiques et tendance de leur évolution ; / - évolutions significatives de la situation économique ayant une incidence directe sur l'activité des professionnels, dont l'évolution : / - s'agissant des notaires : des marchés immobiliers et fonciers, et du nombre de mariages et de décès ; / - s'agissant des huissiers de justice : de l'activité des juridictions civiles et pénales, et du marché immobilier locatif ; / - s'agissant des commissaires-priseurs judiciaires : de l'activité des juridictions commerciales en matière de redressement et de liquidation judicaires. " ; qu'aux termes du II de ce même article : " Les zones mentionnées au I doivent être délimitées en tenant compte de la localisation géographique des usagers auxquels les professionnels fournissent habituellement des prestations et du lieu d'exécution de la prestation. " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'Autorité de la concurrence émet une recommandation de carte identifiant les zones où l'implantation d'offices de notaires apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de service, à partir de laquelle les ministres chargés de la justice et de l'économie arrêtent la carte prévue au I de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 ;

2. Considérant qu'en application de ces dispositions, le ministre de l'économie et des finances et le garde des sceaux, ministre de la justice, ont, sur la recommandation de l'Autorité de la concurrence rendue le 9 juin 2016, établi par l'arrêté du 16 septembre 2016 une carte déterminant deux cent quarante-sept zones, dites " d'installation libre ", où la création d'offices de notaires apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services, et fixé, pour chacune de ces zones, une recommandation sur le nombre de créations d'offices notariaux ainsi qu'un objectif de nomination de notaires titulaires ou associés pour deux années ; qu'ils ont également, par ce même arrêté, déterminé soixante zones dites " d'installation contrôlée ", dans lesquelles les demandes de créations d'office de notaires feront l'objet d'un contrôle du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis de l'Autorité de la concurrence ; que les requêtes visées demandent l'annulation de cet arrêté ; que, par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

Sur les interventions :

3. Considérant que la chambre interdépartementale des notaires de Paris, par ailleurs requérante sous le n° 405147, justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté attaqué ; que son intervention au soutien des requêtes nos 403815 et 404721 est donc recevable ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la recommandation de l'Autorité de la concurrence :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition ne fixe de durée minimale pour la consultation organisée par l'Autorité de la concurrence dans le cadre de l'élaboration de sa recommandation de carte des zones d'installation libre et contrôlée ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces des dossiers, eu égard notamment au nombre d'observations reçues et à la diversité des contributeurs, que le délai d'un mois ouvert pour cette consultation aurait été insuffisant ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les deux personnalités qualifiées qui complètent, en application du dernier alinéa de l'article L. 462-4-1 du code de commerce précité, le collège de l'Autorité de la concurrence lorsque celui-ci délibère sur un avis sur la liberté d'installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires ont été nommées par un décret du 1er juin 2016 ; qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que ces dernières auraient disposé d'un délai ou d'informations insuffisants pour participer utilement à la délibération du collège sur le projet relatif à la liberté d'installation des notaires ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que l'avis du 9 juin 2016 de l'Autorité de la concurrence aurait été rendu en méconnaissance des règles d'impartialité prévues à l'article L. 461-2 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur, ou de la règle de délibération à la majorité prévue à l'article L. 461-3 du même code ;

7. Considérant, en quatrième lieu qu'il ressort des pièces des dossiers que l'Autorité de la concurrence a, dans son avis du 9 juin 2016, proposé " la création d'un nombre d'offices permettant l'installation libérale de 1 650 notaires à l'horizon 2018 " ; que l'annexe 4 de cet avis recommande, pour chaque zone d'installation libre, " la création d'un nombre d'offices permettant l'installation libérale " d'un nombre donné de nouveaux notaires ; que la notice explicative jointe à cet avis précise que si, pour chacune des 247 zones d'installation libre, toutes les candidatures émanent de notaires individuels, cette recommandation correspond à la création 1 650 offices ; qu'en revanche, " chaque création d'office en société satisfait autant de recommandations d'installation de professionnels libéraux supplémentaires dans la zone considérée qu'il y aura d'associés en exercice dans la société " ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'Autorité de la concurrence se serait bornée à émettre une recommandation fondée sur l'installations de nouveaux professionnels sans se prononcer sur le nombre d'offices à créer, en méconnaissance des dispositions de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 précitée, et aurait ainsi méconnu sa compétence ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait irrégulier, dès lors qu'il aurait été édicté en l'absence d'avis de l'Autorité de la concurrence sur un nombre d'offices à créer, ne peut également qu'être écarté ;

8. Considérant enfin qu'il ressort des pièces des dossiers que l'avis de l'Autorité de la concurrence, après avoir identifié un " potentiel d'installations libérales " de nouveaux professionnels compris entre 3 500 et 4 000 jusqu'au 31 décembre 2024, recommande la création d'offices correspondant à l'installation de 1 650 notaires au cours des deux premières années ; qu'il est assorti d'une recommandation sur le rythme d'installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été édicté en l'absence d'avis sur ce point, en méconnaissance des dispositions de l'article 52 de la loi du 6 août 2015, doit donc être écarté ;

En ce qui concerne les autres moyens de légalité externe :

9. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'irrégularité, faute d'avoir été précédé d'une consultation des instances représentatives de la profession du notariat, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué, qui a un caractère réglementaire, n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

11. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers, et notamment pas de la circonstance que les ministres chargés de la justice et de l'économie aient choisi de suivre la recommandation de l'Autorité de la concurrence s'agissant de l'objectif de nomination de notaires pour chaque zone, qu'ils se soient cru liés par cette recommandation et aient ainsi méconnu l'étendue de leur compétence ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la délimitation des zones d'installation :

12. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que l'arrêté attaqué délimite trois cent sept zones d'installation qui correspondent, à l'exception des départements et collectivités d'outre-mer et des zones frontalières avec les départements d'Alsace-Moselle, aux " zones d'emploi " définies par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ;

13. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes du II l'article 52 de la loi du 6 août 2015 précitée : " Dans les zones mentionnées au I, (...) si l'appel à manifestation d'intérêt est infructueux, le ministre de la justice confie la fourniture des services d'intérêt général en cause, selon le cas, à la chambre départementale des notaires, à la chambre départementale des huissiers de justice ou à la chambre des commissaires-priseurs judiciaires concernée. Le ministre de la justice précise, en fonction de l'insuffisance identifiée, le contenu et les modalités des services rendus. A cet effet, une permanence est mise en place dans une maison de justice et du droit. La chambre concernée répartit, entre les officiers publics ou ministériels de son ressort, les charges et sujétions résultant du présent II. " ; que ces dispositions, qui ont pour seul objet de définir l'autorité compétente pour organiser, en cas de carence de l'offre de services notariaux par rapport aux recommandations de créations d'office, la fourniture des services d'intérêt général en cause, n'ont ni pour objet ni pour effet d'obliger à ce que les zones d'installation définies par la carte prévue au I de cet article soient incluses dans le ressort d'une seule chambre départementale des notaires ; que, par suite, le moyen tiré de ce l'arrêté attaqué aurait méconnu ces dispositions en fixant des zones d'installation correspondant aux " zones d'emploi " pouvant, pour certaines, dépasser le ressort d'une seule chambre départementale ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat : " Il y a, dans chaque département, une chambre des notaires, dans chaque cour d'appel un conseil régional des notaires, et auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, un conseil supérieur du notariat (...) " ; que l'article 2-6 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux créations, transferts et suppressions d'office de notaire, dans sa rédaction résultant du décret du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels, prévoit que le transfert d'un office, qui est le déplacement du siège de celui-ci au sein d'une même zone d'installation, fait l'objet, lorsque la zone concernée est une zone " d'installation libre ", d'une simple déclaration auprès de la chambre des notaires et du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'office a été transféré ainsi que, le cas échéant, de la chambre des notaires et du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle était initialement établi l'office, et, lorsque la zone concernée est une zone " d'installation réglementée ", d'une autorisation du ministre de la justice ; que ces dispositions prévoient ainsi expressément la possibilité que le transfert d'un office au sein d'une même zone fasse passer celui-ci du ressort d'une chambre départementale à une autre et imposent, lorsqu'il s'agit d'une zone d'installation libre, la déclaration du transfert aux deux chambres ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la délimitation, par l'arrêté attaqué, de zones d'installations inscrites dans le ressort de plusieurs chambres départementales méconnaîtrait ces dispositions et porterait atteinte aux compétences de ces instances ;

15. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions du II de l'article 1er du décret du 26 février 2016 citées au point 1 imposent que la délimitation, par la carte prévue à l'article 52 de la loi du 6 août 2015, des zones d'installation tienne compte de la localisation géographique des usagers auxquels les professionnels fournissent habituellement des prestations et du lieu d'exécution de la prestation ; qu'il ressort des pièces des dossiers que les zones d'emploi définies par l'INSEE correspondent à un espace géographique caractérisé par des flux, notamment en termes de déplacement des actifs entre leur domicile et leur lieu de travail, qui dépassent le seul accès aux équipements et services les plus courants, et que, sur le territoire métropolitain, ces zones ont un rayon médian de vingt kilomètres, du même ordre que celui de la zone de chalandise des offices de notaires telle qu'elle ressort de la consultation menée par l'Autorité de la concurrence ; que chacune de ces zones compte au moins un office de notaire ; que c'est, par suite, à bon droit et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que les ministres de la justice et de l'économie ont pu retenir les zones d'emploi comme référence pertinente pour délimiter les zones d'installation des offices de notaires ;

16. Considérant, en troisième lieu, que si la chambre interdépartementale des notaires de Paris soutient que les zones d'installation de Roissy-Sud Picardie, Paris, Créteil, Orly et Marne-la-Vallée incluent, au sein d'une même zone, des territoires hétérogènes en termes, notamment, de densité de population et d'activité économique, il ne ressort pas des pièces des dossiers que leur délimitation serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la localisation géographique des usagers auxquels les notaires fournissent habituellement des prestations et des lieux d'exécution de ces prestations ;

En ce qui concerne la définition des zones d'installation libre et contrôlée et la fixation des recommandations du nombre de créations d'offices et des objectifs de nomination en termes de professionnels dans les zones " d'installation libre " :

17. Considérant, en premier lieu, que le I de l'article 1er du décret du 26 février 2016, rappelé au point 1, liste des critères pertinents pour identifier les zones où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de service des notaires ; qu'il appartient à l'autorité administrative, sur ce fondement, de prendre en considérations ces critères seuls ou combinés, sans pouvoir en retenir d'autres, dès lors qu'ils lui permettent de satisfaire aux objectifs poursuivis par le dispositif prévu à l'article 52 de la loi du 6 août 2015 précitée ; qu'ainsi, elle n'est pas tenue de prendre en considération tous les critères prévus au I de l'article 1er du décret du 26 février 2016 si ceux retenus lui permettent de satisfaire à ces objectifs ; que, dès lors, afin de formuler des recommandations chiffrées en termes de nouveaux professionnels et d'offices à créer, l'arrêté attaqué a pu légalement se fonder sur un indicateur quantitatif fondé sur les critères du chiffre d'affaires par notaire et de l'évolution de la population qui lui a permis d'évaluer les perspectives d'évolution de l'offre et de la demande de services notariés, sans être tenu de prendre en compte tous les critères posés par le décret ; que l'arrêté a, ainsi, pu légalement ne pas prendre en compte le critère tiré du nombre de notaires salariés ;

18. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces des dossiers que la carte des zones d'installation libre et les recommandations de créations d'office sont fondées sur une estimation du potentiel d'installation de nouveaux notaires jusqu'en 2024 combinant une hypothèse de chiffre d'affaires futur par notaire libéral de 450 000 euros, au-delà duquel existe un potentiel de développement de l'activité, et sur une contrainte tenant à ce que l'installation de nouveaux professionnels n'entraîne pas une réduction du chiffre d'affaires moyen par office de plus de 35 % ; qu'eu égard, d'une part, à l'actuel chiffre d'affaires moyen par notaire libéral ainsi qu'aux seuils que les instances représentatives de la profession regardent comme devant alerter sur la viabilité d'un office ou au contraire encourager une association et, d'autre part, à la période sur laquelle la création d'offices est envisagée, ces chiffres ne sont pas entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ; que c'est également sans erreur manifeste d'appréciation ni méconnaissance de l'exigence de progressivité de l'augmentation du nombre de professionnels prévue par l'article 52 de la loi du 6 août 2015, que l'arrêté attaqué a pu fixer, sur le fondement de ces chiffres, des recommandations tendant à la création de 1 002 offices pour un objectif de 1 650 nouveaux professionnels pour une période de deux ans en considération du potentiel d'installation de 3 500 à 4 000 notaires identifié jusqu'en 2024 ;

19. Considérant, en troisième lieu, que la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date de son édiction ; que, par suite, la circonstance que le décret du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l'exercice de la profession de notaire a notamment permis aux sociétés civiles professionnelles de notaires d'être titulaires de plusieurs offices et donc de se porter candidates à la création d'un office est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 16 septembre 2016 attaqué ; que, au demeurant, l'article 4 de cet arrêté prévoit que " si, à l'issue d'un délai de douze mois suivant l'ouverture des candidatures, malgré la création d'un nombre d'offices conforme à la recommandation, le nombre de professionnels nommés est inférieur à l'objectif mentionné au troisième alinéa, le garde des sceaux, ministre de la justice, reprend (...) l'instruction des demandes (...) en vue d'atteindre cet objectif dans chaque zone où il n'est pas atteint " ; qu'il appartiendra aux ministres de la justice et de l'économie, à l'issue de la première série d'attribution des offices nouvellement créés et au vu notamment du nombre de nouveaux professionnels nommés en conséquence, de prendre, le cas échéant, sans attendre l'expiration du délai de deux ans fixé par la loi, un arrêté complémentaire permettant la création d'offices supplémentaires ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne prend pas en compte, dans la fixation des recommandations du nombre de création d'offices, la possibilité, pour un notaire associé dans un office existant, de se retirer de sa société et de se porter candidat à la création d'un office, et pour une société de notaires existante et déjà titulaire d'un office de s'y porter également candidate, ne peut qu'être écarté ;

20. Considérant enfin qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'arrêté attaqué détermine les modalités selon lesquelles est établi l'ordre d'examen des zones lors de l'attribution des créations d'offices ; qu'au demeurant, celles-ci sont prévues par l'arrêté du garde des sceaux du 24 janvier 2017 fixant les modalités des opérations de tirages au sort prévues à l'article 53 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. K...et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté qu'ils attaquent ; que leurs requêtes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les interventions de la chambre interdépartementale des notaires de Paris sous les nos 403815 et 404721 sont admises.
Article 2 : Les requêtes de M.K..., du conseil supérieur du notariat, de la chambre des notaires des Hauts-de-Seine et autres, de la chambre interdépartementale des notaires de Paris et de la SCP GPN office notarial du Perreux sur Marne et autres sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. E...K..., au conseil supérieur du notariat, à la chambre des notaires des Hauts-de-Seine, première dénommée, pour l'ensemble des requérants sous le n° 405126, à la chambre interdépartementale des notaires de Paris, à la SCP GPN office notarial du Perreux sur Marne, première dénommée, pour l'ensemble des requérants sous le n° 405186, et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Voir aussi