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Ariane Web: Conseil d'État 405572, lecture du 20 octobre 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:405572.20171020

Décision n° 405572
20 octobre 2017
Conseil d'État

N° 405572
ECLI:FR:CECHR:2017:405572.20171020
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 6ème chambres réunies
M. Frédéric Pacoud, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du vendredi 20 octobre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...et Souad B...ont demandé au tribunal administratif de Marseille :
- d'annuler la décision du 3 février 2014 par laquelle le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a rejeté leur recours administratif portant sur la suspension du revenu de solidarité active à compter du mois de juin 2013 et la récupération d'un indu, à ce titre, d'un montant de 25 326,63 euros pour les mois de juin 2009 à mai 2013 ;
- d'annuler les décisions relatives à la suspension de l'aide personnalisée au logement et à la récupération d'un indu, à ce titre, d'un montant de 1 755,56 euros, ainsi qu'à la récupération d'indus au titre de la prime exceptionnelle de fin d'année versée en 2011 et 2012.

Par un jugement n°s 1402426, 1403000 du 2 juin 2016, le tribunal administratif de Marseille a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'aide personnalisée au logement et rejeté le surplus de leurs demandes.

Par un pourvoi, enregistré le 1er décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, leur avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2011-1868 du 13 décembre 2011 ;
- le décret n° 2012-1468 du 27 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et MmeB....



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle effectué le 28 mars 2013, la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône, par trois décisions du 12 août 2013 et par une décision du 15 août 2013, a mis fin au droit de M. B... au revenu de solidarité active, lui a réclamé un trop-perçu au titre du revenu de solidarité active qui lui avait été servi pour la période du 1er juin 2009 au 31 mai 2013 ainsi que le remboursement des aides exceptionnelles de fin d'année qui lui avaient été versées au titre des années 2011 et 2012. Par une décision du 3 février 2014, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône, rejetant le recours préalable obligatoire formé par M. B...contre les décisions du 12 août 2013 relatives au revenu de solidarité active, a confirmé à l'intéressé la fin de son droit à cette prestation à compter du 1er juin 2009 et un indu à ce titre. M. et Mme B...doivent être regardés comme demandant l'annulation de l'article 3 du jugement du 2 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la décision du président du conseil général des Bouches-du-Rhône du 3 février 2014 relative au revenu de solidarité active et des décisions de la caisse d'allocations familiales des 12 et 15 août 2013 relatives aux aides exceptionnelles de fin d'année.

2. Aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et de familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active (...) ". L'article R. 262-5 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 262-2, est considérée comme résidant en France la personne qui y réside de façon permanente ou qui accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n'excède pas trois mois. (...) / En cas de séjour hors de France de plus de trois mois, l'allocation n'est versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur le territoire ". Aux termes de l'article R. 262-37 du même code : " Le bénéficiaire de l'allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l'un ou l'autre de ces éléments ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour bénéficier de l'allocation de revenu de solidarité active, une personne doit remplir la condition de ressources qu'elles mentionnent et résider en France de manière stable et effective. Pour apprécier si cette seconde condition est remplie, il y a lieu de tenir compte de son logement, de ses activités, ainsi que de toutes les circonstances particulières relatives à sa situation, parmi lesquelles le nombre, les motifs et la durée d'éventuels séjours à l'étranger et ses liens personnels et familiaux. La personne qui remplit les conditions pour bénéficier de l'allocation de revenu de solidarité active a droit, lorsqu'elle accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n'excède pas trois mois, au versement sans interruption de cette allocation. En revanche, lorsque ses séjours à l'étranger excèdent cette durée de trois mois, le revenu de solidarité active ne lui est versé que pour les mois civils complets de présence en France. En toute hypothèse, le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l'organisme chargé du service de la prestation, outre l'ensemble des ressources dont il dispose, sa situation familiale et tout changement en la matière, toutes informations relatives au lieu de sa résidence, ainsi qu'aux dates et motifs de ses séjours à l'étranger lorsque leur durée cumulée excède trois mois.

4. Le tribunal administratif de Marseille, en se fondant sur les mentions portées sur les passeports algériens de M. et de MmeB..., a estimé que la preuve de leurs " nombreuses absences du territoire français " était apportée et que l'administration avait, dès lors, pu légitimement considérer que M. et Mme B...n'avaient pas " une présence stable et régulière sur le territoire français ". En se fondant ainsi exclusivement sur la fréquence des séjours des intéressés hors du territoire français pour juger qu'ils n'avaient pas droit au bénéfice du revenu de solidarité active depuis le 1er juin 2009, sans tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait résultant de l'instruction et, notamment du dossier qui lui avait été communiqué en application de l'article R. 772-8 du code de justice administrative, pour rechercher préalablement si M. et Mme B...justifiaient d'une résidence stable et effective en France, au sens de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, puis déterminer ensuite, le cas échéant, si la durée totale de ces séjours par année civile excédait trois mois et justifiait ainsi que l'allocation ne leur soit versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur le territoire, le tribunal a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. et MmeB..., que l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juin 2016 doit être annulé.

6. Le présent litige opposant principalement M. et Mme B...au département, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 juin 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, au tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme B...présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...et SouadB..., au département des Bouches-du-Rhône et à la ministre des solidarités et de la santé.


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