Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 403391, lecture du 25 octobre 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:403391.20171025

Décision n° 403391
25 octobre 2017
Conseil d'État

N° 403391
ECLI:FR:CECHR:2017:403391.20171025
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 4ème chambres réunies
Mme Catherine Bobo, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET, avocats


Lecture du mercredi 25 octobre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu 1°, sous le n° 403391, la procédure suivante :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de mettre à la charge de l'Etat la somme de 215 420 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des dommages causés aux bois par la tempête Klaus survenue le 24 janvier 2009. Par un jugement n° 1302151 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15BX01109 du 30 juin 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que la responsabilité de l'Etat était engagée et ordonné une expertise afin de déterminer le préjudice indemnisable.

Par un pourvoi enregistré le 9 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.


Vu 2°, sous le n° 403405, la procédure suivante :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de mettre à la charge de l'Etat la somme de 239 898 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait des dommages causés aux bois par la tempête Klaus survenue le 24 janvier 2009. Par un jugement n° 1302144 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15BX01112 du 30 juin 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que la responsabilité de l'Etat était engagée et ordonné une expertise afin de déterminer le préjudice indemnisable.

Par un pourvoi enregistré le 9 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demandent au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.


....................................................................................

Vu 3°, sous le n° 403407, la procédure suivante :

Mme E...F...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de mettre à la charge de l'Etat la somme de 110 179 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des dommages causés aux bois par la tempête Klaus survenue le 24 janvier 2009. Par un jugement n° 1302165 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15BX01137 du 30 juin 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que la responsabilité de l'Etat était engagée et ordonné une expertise afin de déterminer le préjudice indemnisable.

Par un pourvoi enregistré le 9 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demandent au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.



....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Bobo, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M.B..., de M. A...et de MmeF....



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, du 24 janvier au 27 janvier 2009, une tempête dénommée " Klaus " a touché le sud-ouest de la France ; que, par un arrêté interministériel du 28 janvier 2009, l'état de catastrophe naturelle a été constaté dans les départements sinistrés " pour les dommages causés par les événements d'intensité anormale non assurables (inondations et coulées de boue, inondations et chocs mécaniques liés à l'action des vagues) qui ne relèvent pas de la garantie tempête, ouragans, cyclones prévue par l'article L. 122-7 (1er alinéa) du code des assurances " ; que le Premier ministre a rejeté implicitement la demande du 5 janvier 2012 du syndicat des sylviculteurs du sud-ouest et des sylviculteurs des départements de la Gironde et des Landes, à laquelle était annexée la liste des sylviculteurs intéressés, tendant à l'indemnisation par l'Etat des préjudices que ces derniers avaient subis en raison de la tempête Klaus sur les bois dont ils sont propriétaires ; que, par trois jugements du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les demandes de M.B..., M. A...et Mme F...tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils avaient personnellement subis ; que, par trois arrêts avant dire-droit du 30 juin 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que la responsabilité de l'Etat était engagée et ordonné une expertise afin de déterminer les préjudices subis par les demandeurs ; que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation se pourvoit en cassation contre ces trois arrêts ; que ses trois pourvois présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable aux litiges portés devant les juges du fond : " Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l'objet de tels contrats. / En outre, si l'assuré est couvert contre les pertes d'exploitation, cette garantie est étendue aux effets des catastrophes naturelles, dans les conditions prévues au contrat correspondant. / Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prise. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-7 du code des assurances, dans sa rédaction applicable : " Les contrats d'assurance garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets du vent dû aux tempêtes, ouragans et cyclones, sur les biens faisant l'objet de tels contrats, sauf en ce qui concerne les effets du vent dû à un événement cyclonique pour lequel les vents maximaux de surface enregistrés ou estimés sur la zone sinistrée ont atteint ou dépassé 145 km/ h en moyenne sur dix minutes ou 215 km/ h en rafales, qui relèvent des dispositions des articles L. 125-1 et suivants du présent code. / Sont exclus les contrats garantissant les dommages d'incendie causés aux récoltes non engrangées, aux cultures et au cheptel vif hors bâtiments. / Sont également exclus les contrats garantissant les dommages d'incendie causés aux bois sur pied. / En outre, si l'assuré est couvert contre les pertes d'exploitation, cette garantie est étendue aux effets des tempêtes, ouragans ou cyclones, dans les conditions du contrat correspondant " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 122-7 du code des assurances que les contrats d'assurance garantissant des dommages aux biens emportent garantie contre les effets des tempêtes, ouragans et cyclones dont l'intensité n'atteint pas un certain seuil, au-dessus duquel les dommages sont pris en charge au titre de la garantie contre les effets des catastrophes naturelles prévue à l'article L. 125-1 du même code ; qu'il résulte toutefois des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 122-7 que les contrats garantissant les dommages d'incendie causés aux récoltes non engrangées, aux cultures et au cheptel vif hors bâtiments et aux bois sur pied n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du premier alinéa ; que la réparation des dommages causés par une tempête, un ouragan ou un cyclone à des biens couverts par de tels contrats n'incombe donc pas à l'assureur au titre de la garantie instituée par l'article L. 122-7 ; que, par ailleurs, ces dommages ne sont pris en charge au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles que si les conditions prévues à l'article L. 125-1 sont remplies et, notamment, si les dommages ont pour cause l'intensité anormale d'un agent naturel et ne sont pas assurables ; que, d'une part, pour apprécier la condition relative à l'intensité anormale d'un agent naturel, il n'y a pas lieu de se référer aux seuils de vitesse du vent mentionnés au premier alinéa de l'article L. 122-7, qui n'est pas applicable ; que, d'autre part, la circonstance que les contrats d'assurance contre les dommages d'incendie visés aux deuxième et troisième alinéas de cet article n'emportent pas de plein droit garantie contre les effets des tempêtes ne fait pas obstacle à ce qu'un assureur propose des contrats couvrant ces effets et n'implique donc pas, par elle-même, que les dommages causés par une tempête aux biens concernés sont non assurables au sens de l'article L. 125-1 ; que le caractère non assurable d'un dommage au sens de ces dispositions résulte du constat que sa couverture n'est pas proposée par les assureurs ;

5. Considérant que, pour juger que l'arrêté interministériel du 28 janvier 2009 était illégal en tant qu'il exceptait de la déclaration de catastrophe naturelle les dommages causés par la tempête aux bois sur pied et que la responsabilité pour faute de l'Etat était par suite engagée à l'égard des sylviculteurs requérants qui, titulaires de contrats d'assurance couvrant les dommages causés à leurs bois, n'avaient pu bénéficier d'une indemnisation par leurs assureurs au titre de la garantie contre les effets des catastrophes naturelles, la cour a estimé que les conditions de cette garantie, définies par les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances, étaient remplies dès lors, d'une part, que l'intensité du vent avait en l'espèce revêtu un caractère anormal, compte tenu notamment de rafales d'une vitesse supérieure à 150 km/h, et, d'autre part, qu'il résultait des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 122-7 du code des assurances que les dommages causés par le vent aux bois sur pieds ne sont pas assurables ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'agriculture, la cour, qui a relevé que les contrats en cause étaient des contrats garantissant les dommages d'incendie causés aux bois sur pied, visés au troisième alinéa de l'article L. 122-7, n'a pas commis d'erreur de droit en n'appréciant pas le caractère anormal de l'intensité du vent au regard des vitesses mentionnées au premier alinéa du même article, qui n'était pas applicable ; qu'en revanche, elle a commis une erreur de droit en déduisant des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 122-7 que les dommages causés aux bois sur pied ne sont pas assurables, alors que le caractère assurable de ces dommages devait être apprécié comme indiqué au point 4, en fonction de l'existence ou non d'une offre de couverture ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen des pourvois, ses arrêts doivent être annulés ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
--------------

Article 1er : Les arrêts n° 15BX01109, n°15BX01112 et n°15BX01137 du 30 juin 2016 de la cour administrative d'appel de Bordeaux sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Les conclusions de M. D...B..., de M. C...A...et de Mme F... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera au notifiée au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à M. D...B..., à M. C...A...et à MmeF....


Voir aussi