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Ariane Web: Conseil d'État 409064, lecture du 31 octobre 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:409064.20171031

Décision n° 409064
31 octobre 2017
Conseil d'État

N° 409064
ECLI:FR:CECHS:2017:409064.20171031
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Marc Firoud, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
LE PRADO ; SCP SEVAUX, MATHONNET, avocats


Lecture du mardi 31 octobre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Grenke Location a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner la collège Guillaume Budé de Paris à lui verser la somme de 24 725,89 euros à titre de provision à valoir sur le paiement des loyers d'un photocopieur exigibles jusqu'au terme du contrat. Par une ordonnance n° 1507018 du 30 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a condamné le collège Guillaume Budé à verser à la société Grenke Location une provision d'un montant de 24 725,89 euros correspondant aux loyers trimestriels impayés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par une ordonnance n° 16NC02791 du 3 mars 2017, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par le collège contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mars, 4 avril et 6 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le collège Guillaume Budé demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la société Grenke Location la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du collège Guillaume Budé et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la société Grenke location.


1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que la société Grenke Location et le collège Guillaume Budé ont conclu le 20 septembre 2007 un contrat de location de longue durée portant sur un photocopieur pour une durée ferme de 21 trimestres moyennant le règlement d'un loyer trimestriel de 2 248,48 euros ; qu'en raison de la cessation du paiement des loyers par l'établissement scolaire à compter du 1er avril 2009, la société Grenke a procédé, en application des stipulations de l'article 13 du contrat, à la résiliation de celui-ci le 20 octobre 2009 et mis en demeure l'établissement scolaire de lui régler les loyers impayés ainsi que l'indemnité de résiliation prévue à l'article 15 du contrat ; que par un jugement du 7 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par la société Grenke Location d'une demande tendant à la condamnation indemnitaire du collège Guillaume Budé des loyers échus impayés et de l'indemnité de résiliation, a condamné l'établissement scolaire à verser à la société Grenke Location une somme de 2 248,47 euros correspondant aux loyers impayés jusqu'à la date de résiliation du contrat et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société ; qu'à la suite d'une mise en demeure adressée en vain au collège, la société Grenke Location a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de l'établissement scolaire à lui verser une provision d'un montant de 24 725,89 euros correspondant aux loyers demeurés impayés du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 ; que par une ordonnance du 30 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à cette demande ; que par une ordonnance du 3 mars 2017 contre laquelle le collège se pourvoit en cassation, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par le collège contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;

2. Considérant que, par son jugement du 7 mai 2014 devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a relevé qu'en application du contrat, la société Grenke Location avait droit au paiement des loyers impayés jusqu'à la date de résiliation du contrat ; qu'il a, ce faisant, constaté que le contrat en cause avait été unilatéralement résilié par la société ; que s'il a également estimé, au point 4 de son jugement, que la clause de résiliation prévue au profit du bailleur par l'article 13 du contrat était illégale car contraire à l'ordre public, il s'est borné à écarter l'application de cette clause pour rejeter les conclusions tendant au versement d'une somme correspondant à l'indemnité de résiliation prévue par ses stipulations ; que le constat de l'illégalité de cette clause ne saurait, par lui-même, faire obstacle à ce que le contrat soit regardé comme résilié, dès lors que cette clause de résiliation n'a pas été contestée ; qu'ainsi, en estimant que le contrat s'était poursuivi entre les parties, faute pour la société Grenke Location, qui ne pouvait prendre l'initiative de rompre le contrat, d'avoir saisi le juge du contrat d'une demande en ce sens, et que, par suite, le moyen tiré de ce que les relations contractuelles entre le collège et la société Grenke location n'auraient pas perduré jusqu'au terme prévu du contrat, le 31 décembre 2012, devait être écarté, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que, par suite, son ordonnance doit être annulée ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur la circonstance que, par le jugement du 7 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a écarté la clause de résiliation unilatérale dont disposait le cocontractant de l'administration comme contraire à l'ordre public pour en conclure que les relations contractuelles entre le collège et la société Grenke location avaient perduré jusqu'au terme prévu du contrat ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Grenke Location devant le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg et celui de la cour administrative d'appel de Nancy ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 5, l'exécution du contrat entre les parties a cessé suite à la résiliation anticipée du contrat par la lettre du 20 octobre 2009 de la société Grenke Location ; que, dès lors, l'existence d'une obligation à la charge du collège correspondant aux loyers demeurés impayés du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, date du terme prévu du contrat, ne présente pas un caractère non sérieusement contestable ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le collège est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a mis à sa charge le versement à la société Grenke Location d'une provision de 24 725,89 euros correspondant aux loyers trimestriels impayés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du collège Guillaume Budé qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Grenke Location la somme de 4 000 euros à verser au collège ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 3 mars 2017 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy et l'ordonnance du 30 novembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg sont annulées.
Article 2 : La demande présentée par la société Grenke Location devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : La société Grenke Location versera au collège Guillaume Budé la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société Grenke Location présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au collège Guillaume Budé et à la société Grenke Location.


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