Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 402103, lecture du 8 novembre 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:402103.20171108

Décision n° 402103
8 novembre 2017
Conseil d'État

N° 402103
ECLI:FR:CECHR:2017:402103.20171108
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. François Weil, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
HAAS, avocats


Lecture du mercredi 8 novembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 11 juillet 2011 par laquelle La Poste l'a affecté dans un emploi de facteur colis au centre colis du bureau de poste d'Arles, d'autre part, qu'il soit enjoint à La Poste de le réintégrer sur son ancien poste de facteur au centre colis du bureau de poste de Martigues.

Par un jugement n° 1105777 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14MA04315 du 24 mai 2016, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de M.B..., a annulé ce jugement et la décision du 11 juillet 2011 et a enjoint à La Poste de réintégrer l'intéressé dans l'emploi qu'il occupait à la date du 11 juillet 2011, dans un délai de deux mois.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 25 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, La Poste demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B...;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Weil, conseiller d'État,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de La Poste ;




1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. B..., agent professionnel qualifié de 1er niveau, exerçait des fonctions de facteur au centre colis du bureau de poste de Martigues ; qu'il a fait l'objet, par une décision du 23 février 2011, d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, assortie d'un sursis de huit mois ; qu'il a été réintégré à compter du 8 juillet 2011 puis affecté dans l'intérêt du service, par une décision du 11 juillet 2011, en qualité de facteur colis au bureau de poste d'Arles ; que, par un jugement du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le recours pour excès de pouvoir qu'il a formé contre la décision du 11 juillet 2011 ; que, par un arrêt du 24 mai 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif, annulé la décision du 11 juillet 2011 et enjoint à La Poste de réintégrer l'intéressé dans un délai de deux mois sur le poste qu'il occupait à Martigues à la date du 11 juillet 2011 ; que La Poste se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant que si, en application de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, la mutation d'office d'un fonctionnaire dans l'intérêt du service doit être précédée de la consultation de la commission administrative paritaire compétente, l'existence de cette procédure ne se substitue pas à la garantie, distincte, prévue par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 aux termes duquel " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté " ;

3. Considérant qu'en vertu de ces dernières dispositions, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause ; que, dans le cas où l'agent public fait l'objet d'un déplacement d'office, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s'il a été préalablement informé de l'intention de l'administration de le muter dans l'intérêt du service, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué ;

4. Considérant que, pour annuler la décision du 11 juillet 2011 ayant décidé l'affectation d'office de M. B...au bureau de poste d'Arles, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur la circonstance que La Poste n'avait pas fait connaître à l'intéressé le lieu de sa nouvelle affectation, pour en déduire qu'il n'avait pas été mis à même de demander utilement la communication de son dossier et de faire connaître ses observations ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que l'intéressé avait été informé le 22 juin 2011 de ce qu'il serait réintégré pour ordre à compter du 8 juillet 2011 dans l'attente de la réunion de la commission administrative paritaire du 11 juillet et qu'il serait ultérieurement avisé de la décision fixant sa nouvelle affectation, laquelle serait prise après l'avis de la commission paritaire, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que La Poste est, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les conflits suscités par le comportement de M. B...au sein du bureau de poste de Martigues ont conduit à ce que lui soit infligée, par une décision du 23 février 2011, la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, dont huit mois avec sursis, à compter du 8 mars 2011 ; que cette sanction a été ultérieurement annulée par un jugement du 27 mars 2014 du tribunal administratif de Marseille, confirmé par un arrêt du 23 février 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'au terme de la période d'exclusion temporaire, l'intéressé a été réintégré le 8 juillet 2011 avant d'être affecté, dans l'intérêt du service, au bureau de poste d'Arles, par une décision du 11 juillet 2011 prise après avis de la commission administrative paritaire ; que cette nouvelle affectation a été décidée dans l'intérêt du service, pour prévenir les troubles susceptibles de résulter du retour de M. B...au bureau de poste de Martigues ; que cette décision, qui donne à l'intéressé des fonctions équivalentes à celles qu'il occupait précédemment, sans amoindrissement de ses tâches et de ses responsabilités, ne présente pas, dans les circonstances de l'espèce, le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ; que, par suite, et sans qu'y fasse obstacle l'autorité de chose jugée qui s'attache à la décision mentionnée ci-dessus de la cour administrative d'appel de Marseille, les moyens tirés de ce que M. B...aurait fait l'objet d'une sanction déguisée, qu'il n'aurait pas bénéficié des garanties de la procédure disciplinaire et qu'il aurait été sanctionné deux fois à raison des mêmes faits ne peuvent qu'être écartés ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 22 juin 2011, La Poste a informé M. B...que, dans l'attente de la réunion de la commission administrative paritaire du 11 juillet 2011, il serait réintégré pour ordre et rétabli dans ses fonctions à compter du 8 juillet 2011 et qu'il serait ultérieurement averti de la décision relative à son affectation dans un nouveau poste de travail, qui serait prise par La Poste après l'avis de la commission administrative paritaire ; qu'ainsi informé de l'intention de La Poste de lui donner une nouvelle affectation après sa réintégration dans l'intérêt du service, M. B...a été mis à même de demander la communication de son dossier et de faire connaître ses observations en temps utile avant l'intervention de la décision attaquée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par La Poste, tant devant la cour administrative d'appel que devant le Conseil d'État, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'arrêt du 24 mai 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'appel formé par M. B...contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 octobre 2014 est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par La Poste au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à La Poste et à M. A...B....


Voir aussi