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Ariane Web: Conseil d'État 409664, lecture du 15 novembre 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:409664.20171115

Décision n° 409664
15 novembre 2017
Conseil d'État

N° 409664
ECLI:FR:CECHS:2017:409664.20171115
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Marie Sirinelli, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER ; RICARD, avocats


Lecture du mercredi 15 novembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'association Rêvons Cordemais, M. O...AJ..., M. AB...AA..., M. S...X..., M. Q...V..., M. et Mme AF...AC..., M. E...AQ..., M. AP... AE..., Mme K...AS..., M. AI...AV..., Mme AN...AT..., Mme AO...Y..., Mme F...AM..., Mme AX...T..., Mme AW...Z..., M. W...G..., M. AU...M..., M. AK...H..., M. AD... H..., M. N...AG..., M. B...I..., M. A...J..., M. R...C..., Mme L...D..., Mme AH...C..., M. W...U...et Mme AL...P...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des décisions du 12 décembre 2016 par lesquelles le maire de Cordemais a rejeté leurs recours gracieux formés contre l'arrêté du 30 septembre 2016 accordant à la Communauté de Communes Coeur d'Estuaire un permis de construire un " espace scénographique ", sis rue de la Loire. Par une ordonnance n° 1701905 du 22 mars 2017, le juge des référés de ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire rectificatif et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 avril, 25 avril, 26 avril et 10 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Rêvons Cordemais, M. AB... AA..., M. S... X..., M. AP... AE..., M. AI... Mikolajcyk, Mme AO...Y..., Mme F...AM..., Mme AW... Z..., M.W... G..., M. AU... M..., M. AK... H..., M. AD... H..., M. B... I..., M. R... C..., Mme L...D..., Mme AH...C..., M. W... U...et MmeAL... P... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cordemais la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de l'association Rêvons Cordemais et autres, et à Me Ricard, avocat de la commune de Cordemais et de la communauté de communes Estuaire et Sillon.



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, par une ordonnance du 22 mars 2017, rejeté la demande présentée par l'association Rêvons Cordemais et vingt-sept autres requérants, tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 30 septembre 2016 par lequel le maire de la commune de Cordemais a délivré à la Communauté de Communes Coeur d'Estuaire, devenue communauté de communes Estuaire et Sillon, le permis de construire un " espace scénographique ", dans le cadre du projet touristique et culturel dit " Loirestua ". L'association Rêvons Cordemais et dix-sept des requérants de première instance se pourvoient en cassation contre cette ordonnance.

3. L'article L. 5 du code de justice administrative dispose que : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. ". L'article L. 522-3 précise qu'il peut se prononcer sans audience ni instruction lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou qu'il est manifeste qu'elle est irrecevable ou mal fondée. Aux termes de l'article R. 522-8 du même code : " L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposées après l'audience et avant la clôture de l'instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la partie qui y procède, d'apporter au juge la preuve de ses diligences.(...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'obligation est faite au juge des référés, hors le cas où il est fait application de l'article L. 522-3, de communiquer aux parties avant la clôture de l'instruction, par tous moyens, notamment en les mettant à même d'en prendre connaissance à l'audience publique, les pièces et mémoires soumis au débat contradictoire qui servent de fondement à sa décision et qui comportent des éléments de fait ou de droit dont il n'a pas été antérieurement fait état au cours de la procédure. Lorsqu'il décide de communiquer, après la clôture de l'instruction, un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le juge des référés doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction et il lui appartient, en pareil cas, sauf à fixer une nouvelle audience, d'informer les parties de la date et, le cas échéant, de l'heure à laquelle l'instruction sera close. Il ne saurait, par suite, rendre son ordonnance tant que l'instruction est ainsi rouverte.

5. Il ressort des pièces du dossier du juge des référés qu'en dépit de l'ordonnance, prise après l'audience, portant clôture de l'instruction au 20 mars 2017 à 10 h, le mémoire de la commune et de la communauté de communes, enregistré le 20 mars 2017 à 9 h 05, a été communiqué aux requérants à 10 h 34. Par cette communication, le juge des référés doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Par suite, l'ordonnance qu'il a rendue le 22 mars 2017, sans avoir préalablement informé les parties de la nouvelle date de clôture de l'instruction, est entachée d'irrégularité. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, les requérants sont fondés, pour ce motif, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (...) que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

8. En premier lieu, aux termes de ses statuts, l'association Rêvons Cordemais a pour objet de " promouvoir l'intérêt général et être à l'écoute de tous, organiser et promouvoir des actions citoyennes sur la commune de Cordemais, les communes constituantes de la Communauté de Communes Coeur d'Estuaire et les communes environnantes (et) organiser des réunions publiques, de quartier afin d'instituer le dialogue avec les Cordemaisiens ". Un tel objet, qui présente un caractère très général, ne saurait lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les décisions individuelles prises dans le domaine de l'urbanisme, quelle que soit la nature de la construction projetée.

9. En second lieu, sur les vingt-sept autres requérants, personnes physiques, qui avaient également cosigné la demande de première instance, seuls MM. X...et AA...ont précisé leur situation au regard du terrain d'assiette du projet. S'ils ont ainsi fait valoir que le ballon captif enserré dans une résille métallique qui constitue l'une des composantes de ce projet sera visible depuis leurs maisons d'habitation, lesquelles en sont distantes de quelque 640 mètres, ils n'ont néanmoins fait état d'aucune atteinte " de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance " des biens qu'ils occupent au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, cette seule visibilité ne constituant pas, dans les circonstances de l'espèce, une telle atteinte.

10. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par l'association Rêvons Cordemais et l'ensemble des autres requérants est irrecevable et doit, par suite, être rejetée.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Cordemais qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association Rêvons Cordemais une somme de 750 euros à verser à la commune de Cordemais et une somme de 750 euros à verser à la communauté de communes Estuaire et Sillon au titre des mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 22 mars 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : La demande présentée par l'association Rêvons Cordemais et les autres requérants devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : L'association Rêvons à Cordemais versera à la commune de Cordemais et à la communauté de communes Estuaire et Sillon une somme de 750 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Rêvons Cordemais, première dénommée, pour l'ensemble des requérants, à la commune de Cordemais et à la communauté de communes Estuaire et Sillon.