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Ariane Web: Conseil d'État 397054, lecture du 4 décembre 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:397054.20171204

Décision n° 397054
4 décembre 2017
Conseil d'État

N° 397054
ECLI:FR:CECHS:2017:397054.20171204
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Laurent Cytermann, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du lundi 4 décembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Basse-Terre de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1999 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 0900431 du 27 juin 2013, le tribunal administratif de Basse-Terre a partiellement fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 13BX02565 du 17 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. B...contre l'article 2 de ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 février et 17 mai 2016 et le 15 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. B...;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les établissements François Le Métayer ont fait l'objet en 2002 d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1999 et 2000. A la suite de ce contrôle, l'administration a assujetti M. B...à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 1999. M. B... a demandé la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes devant le tribunal administratif de Basse-Terre qui, par un jugement en date du 27 juin 2013, n'a que partiellement fait droit à sa demande. La cour administrative d'appel de Bordeaux, par un arrêt en date du 17 novembre 2015, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 de ce jugement. Il se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure antérieure à la modification intervenue en 2005 : " La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient: /1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial (...) ou du chiffre d'affaires (...) ; / 2° Lorsqu'il s'agit de différends portant sur l'application (...) du 5 de l'article 39 du (...) code ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la vérification de comptabilité, l'administration a réintégré dans les bénéfices de l'entreprise de M. B... deux provisions au motif que les créances correspondantes n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de l'entreprise. M. B...a sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, afin de lui soumettre le différend l'opposant à l'administration fiscale sur le refus de prise en compte de ces provisions constituées en raison, d'une part, du solde d'un compte client de la société anonyme François Le Métayer figurant dans les écritures de l'entreprise et, d'autre part, de la dépréciation de créances correspondant à des avances faites à la SCAM Bravo. M. B...avait soutenu dans ses observations en réponse à la proposition de rectification et dans sa demande de saisine de la commission que les créances à l'origine des provisions qu'il avait constatées correspondaient à l'intérêt de l'entreprise et appuyait sa contestation de différents éléments. L'administration a refusé de faire droit à cette demande au motif que le différend portait sur le principe même de la constitution et de la déduction des provisions et non sur le montant ou le mode de calcul de celles-ci.

4. Si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, qui ne relevait pas de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à la date de la procédure d'imposition en cause dans le litige, le différend au titre duquel le contribuable avait demandé la saisine de cet organisme relevait d'une appréciation de fait de la compétence de la commission, dès lors qu'il portait sur l'intérêt pour l'entreprise de consentir une créance ou d'accorder des avances de trésorerie à d'autres sociétés, alors même que cette appréciation concourait à la qualification d'acte anormal de gestion.

5. Par suite, en jugeant que le litige opposant M. B...et l'administration fiscale portait sur la remise en cause de la déduction de provisions pour dépréciation de créances sur la société François Le Métayer et la société SCAM Bravo ainsi que sur la qualification de ces créances en acte anormal de gestion, et qu'il ne portait ni sur le montant du résultat ou du chiffre d'affaires au sens de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et, en conséquence, commis une erreur de droit.

6. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la procédure d'imposition conduite à l'égard de M. B...a été irrégulière. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le requérant est, dès lors, fondé à demander la décharge des impositions restant en litige.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 17 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et l'article 2 du jugement du 27 juin 2013 du tribunal administratif de Basse-Terre sont annulés.

Article 2 : Il est accordé à M. B...la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant en litige au titre de l'année 1999 et des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 500 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.