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Ariane Web: Conseil d'État 405598, lecture du 4 décembre 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:405598.20171204

Décision n° 405598
4 décembre 2017
Conseil d'État

N° 405598
ECLI:FR:CECHR:2017:405598.20171204
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 4ème chambres réunies
M. Olivier Rousselle, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP ODENT, POULET, avocats


Lecture du lundi 4 décembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La commune de Sainte-Croix-en-Plaine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 avril 2013 par lequel le préfet du Haut-Rhin a réquisitionné une partie du terrain militaire dit Rittplatz en vue de la mise en place d'une aire pour l'accueil de grands passages de gens du voyage du 10 mai au 30 septembre 2013. Par un jugement n° 1304553 du 1er juillet 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15NC01809 du 6 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la commune de Sainte-Croix-en-Plaine contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 décembre 2016 et 13 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Sainte-Croix-en-Plaine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret du 22 décembre 1789 ;

- la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

- la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 ;

-le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- la décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la Commune de Sainte-Croix-en-Plaine.



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 26 avril 2013, le préfet du Haut-Rhin a réquisitionné, du 10 mai au 30 septembre 2013, une partie du terrain militaire appartenant à l'Etat situé sur le territoire des communes de Sainte-Croix-en-Plaine et de Sundhoffen au lieu-dit Rittplatz, en vue d'y installer des groupes de gens du voyage dans le cadre de l'accueil des " grands passages " prévus à partir du mois de mai 2013 en se fondant sur les dispositions de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ; que le préfet ayant rejeté le 13 juin 2013 le recours gracieux formé par le maire de la commune de Sainte-Croix-en-Plaine, celle-ci a saisi le tribunal administratif de Strasbourg qui, par un jugement du 1er juillet 2015, a rejeté sa demande ; que la commune se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 octobre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel formé contre ce jugement ;

2. Considérant que les dispositions de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, qui permettent au préfet, en sa qualité d'autorité de police dans le département, de " réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées " ne sont, en vertu de l'article L. 2542-1 du même code, pas applicables aux communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ; que, si l'article L. 2542-4 du même code, applicable à ces départements, renvoie, s'agissant des attributions du représentant de l'Etat, à un décret qui a été abrogé par le IV de l'article 58 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, le représentant de l'Etat dans l'un de ces départements demeure, toutefois, compétent, en vertu de l'article 11 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, pour prendre des mesures de police afin de prévenir ou faire cesser les troubles à l'ordre public ; que ce pouvoir de police permet au préfet de prendre aux mêmes fins, sous le contrôle du juge, des mesures de réquisition ; qu'il en résulte qu'en jugeant que le préfet du Haut-Rhin avait pu légalement faire usage de son pouvoir de réquisition pour prévenir les risques de troubles à l'ordre public pouvant résulter de l'absence d'aire d'accueil lors des " grands passages " de gens du voyage dans le département, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

3. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier la nécessité de prendre des mesures de police au vu des risques de troubles à l'ordre public dont elle a connaissance et de veiller à ce que ces mesures soient proportionnées à ces risques ; que la cour, qui a estimé que la mesure de réquisition litigieuse était justifiée et proportionnée à la nécessité d'accueillir rapidement et dans de bonnes conditions de sécurité un grand nombre de gens du voyage dont la venue était annoncée et imminente, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance, alléguée par la commune, que l'absence d'aire d'accueil était connue de l'Etat et résultait en partie de son inaction était sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

4. Considérant qu'en estimant que la commune ne produisait aucun élément probant de nature à établir la réalité du danger que représenterait la présence alléguée d'engins pyrotechniques enfouis dans le terrain militaire objet de la réquisition, la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ; qu'en en déduisant que le danger allégué par la commune n'était pas de nature à remettre en cause le caractère justifié et proportionné de la décision attaquée, elle n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'en jugeant que l'arrêté litigieux, à supposer qu'il requière la réalisation de travaux, devrait être regardé comme prévoyant la réalisation d'un équipement public d'infrastructures au sens des dispositions du plan local d'urbanisme, la cour a exactement qualifié les faits de l'espèce ; qu'en en déduisant que de tels travaux seraient conformes à la réglementation applicable dans la zone où est situé le terrain, elle n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la commune de Sainte-Croix-en-Plaine doit être rejeté ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la commune de Sainte-Croix-en-Plaine demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Sainte-Croix-en-Plaine est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Sainte-Croix-en-Plaine et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.




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