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Ariane Web: Conseil d'État 415740, lecture du 1 décembre 2017, ECLI:FR:CEORD:2017:415740.20171201

Décision n° 415740
1 décembre 2017
Conseil d'État

N° 415740
ECLI:FR:CEORD:2017:415740.20171201
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés


Lecture du vendredi 1 décembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. I...A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 31 octobre 2017 par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, sur le fondement de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, lui a fait obligation pour une durée de trois mois de ne pas se déplacer en dehors du territoire des communes de Toulouse et Portet-sur-Garonne (Haute-Garonne), de se présenter tous les jours de la semaine une fois par jour à 9h00 au commissariat central de police de Toulouse et de déclarer tout changement de lieu d'habitation. Par une ordonnance n° 1705075 du 7 novembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté litigieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Il soutient que :
- la condition d'urgence est présumée remplie ;
- la condition d'atteinte grave à la liberté d'aller et venir ainsi qu'au droit à une vie privée et familiale fondamentale est pareillement satisfaite ;
- l'arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale auxdites libertés fondamentales dès lors que le maintien d'une assignation à résidence au delà d'une durée de douze mois doit être renouvelée exceptionnellement sur la base d'éléments nouveaux conformément à la décision QPC n° 2017-624 du 16 mars 2017 alors que le ministre de l'intérieur, d'une part, ne justifie pas du caractère actuel de la menace pour l'ordre public qu'il représenterait, d'autre part, ne fait état d'aucun élément nouveau ou complémentaire depuis son assignation à résidence dès lors que la loi relative à la sécurité intérieure n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 ne comporte aucune disposition encadrant la transition entre une assignation de longue durée et l'application de la loi nouvelle ;
- il a soulevé par un mémoire distinct une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les dispositions des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, qui méconnaissent la liberté d'aller et venir ainsi que le droit à la vie privée ;
- l'arrêté contesté est entachée d'une insuffisance de motivation dès lors que l'administration se borne pour fonder sa mesure à faire référence à des faits datant pour les plus récents de 2010 sans justifier du caractère actuel de la menace à l'ordre public qu'il représenterait ;
- la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance est en tout état de cause disproportionnée, compte tenu de la durée globale de la restriction apportée à sa liberté d'aller et venir depuis son assignation à résidence et de la superposition des obligations dont la mesure est assortie avec les obligations de pointage imposées par l'autorité judiciaire.

Par un mémoire distinct, enregistré le 16 novembre 2017, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure. Il soutient que cet article est applicable au litige et n'a jamais été déclaré conforme à la Constitution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par des observations en défense, enregistrées le 24 novembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, fait valoir que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...B...ne présente pas de caractère sérieux.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... B..., d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 29 novembre 2017 à 12 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- le représentant de M. A...B... ;

- M. A...B... ;

- la représentante du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;



1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;

2. Considérant que M. A...B...relève appel de l'ordonnance du 7 novembre 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à la suspension des effets de la mesure de contrôle administratif et de surveillance dont il fait l'objet en application d'un arrêté du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur du 31 octobre 2017 ;

Sur les dispositions applicables :

3. Considérant que la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, publiée au Journal officiel le 31 octobre, a complété le code de la sécurité intérieure, notamment pour y introduire, par les articles L. 228-1 et suivants, des dispositions relatives aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance pouvant être prises à l'égard de certaines personnes ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 228-1 de ce code : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre " ; que l'article L. 228-2 du même code prévoit que " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; /2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; /3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. /Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites. / Toute décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article est notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. Si la personne concernée saisit le juge administratif d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande./ La personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision ou à compter de la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative. " ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, dans la rédaction que lui a donnée la loi organique du 10 décembre 2009 : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ; que l'article 23-3 de cette ordonnance prévoit qu'une juridiction saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité " peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires " et qu'elle peut statuer " sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence " ;

6. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions organiques avec celles du livre V du code de justice administrative qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés statuant, en première instance ou en appel, sur le fondement de l'article L. 521-2 de ce code ; que le juge des référés peut en toute hypothèse, y compris lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui, rejeter une requête qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence ; que s'il ne rejette pas les conclusions qui lui sont soumises pour l'un de ces motifs, il lui appartient de se prononcer, en l'état de l'instruction, sur la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité ou, pour le juge des référés du Conseil d'Etat, sur le renvoi de la question au Conseil constitutionnel ; que même s'il décide de renvoyer la question, il peut, s'il estime que les conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires, compte tenu tant de l'urgence que du délai qui lui est imparti pour statuer, en faisant usage de l'ensemble des pouvoirs que cet article lui confère ;

7. Considérant que, à l'appui de l'appel qu'il a formé contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, M. A... B...demande au Conseil d'Etat que soit renvoyée au Conseil constitutionnel, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de la loi du 30 octobre 2017 ayant créé les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ; que la décision litigieuse a été prise sur le fondement de ces dispositions qui sont, par suite, applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; que ces dispositions n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

8. Considérant que M. A... B...fait valoir qu'en ne prévoyant pas de dispositions particulières pour l'application éventuelle des mesures prévues aux articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure aux personnes ayant fait l'objet, sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, dans le cadre de l'état d'urgence décrété le 14 novembre 2015 et prorogé à plusieurs reprises par le législateur, de décisions d'assignation à résidence renouvelées pour une durée totale d'au moins douze mois, le législateur serait resté en deçà de sa compétence et que cette incompétence négative affecterait par elle-même les droits et libertés garantis par la Constitution, en particulier la liberté d'aller et venir ; que la question ainsi soulevée, présente un caractère sérieux ; qu'il y a lieu, par suite, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

9. Considérant néanmoins, ainsi qu'il a été dit au point 6, qu'il appartient au Conseil d'Etat, sans attendre la décision du Conseil constitutionnel, d'examiner la requête dont il est saisi contre l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, afin d'apprécier, le cas échéant, s'il y a lieu de prendre immédiatement, compte tenu de l'urgence et en l'état de l'instruction, des mesures de sauvegarde sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que la demande en référé doit être examinée par le Conseil d'Etat au regard et compte tenu des dispositions du code de la sécurité intérieure en vigueur à la date de la présente décision ;

Sur le litige en référé :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. I...A...B...est né en 1985 à Bruxelles de parents tunisiens, et possède les deux nationalités, belge et tunisienne ; qu'il a été assigné à résidence le 17 novembre 2015, en application des dispositions du décret du 14 novembre 2015 déclarant l'état d'urgence, cette mesure d'assignation, avec obligation de se présenter plusieurs fois par jour au commissariat de police, ayant été régulièrement renouvelée, sur le fondement de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence et des prorogations décidées par le législateur jusqu'au 1er novembre 2017 ; que M. A...B...a été condamné le 21 mars 2016 à une peine de trois mois d'emprisonnement ferme et incarcéré à... ; qu'assigné à résidence dans la ville de Toulouse (Haute-Garonne), puis dans la commune de Brienne-le-Château (Aube) en raison du risque particulièrement élevé d'une action terroriste dans la ville de Toulouse pendant le championnat d'Europe des nations de football et le Tour de France cycliste, et de nouveau à Toulouse, à partir d'août 2016, l'intéressé, qui n'avait pas contesté les premières décisions d'assignation, a sollicité en vain la suspension sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative des arrêtés des 22 juillet 2016 modifiés en août 2016 et 20 mars 2017 ; que la mesure de contrôle et de surveillance prise sur le fondement des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure et notifiée le 1er novembre lui interdit, pour une durée de trois mois, de se déplacer en dehors des communes de Toulouse et de Portet-sur-Garonne et lui fait obligation de se présenter une fois par jour au commissariat central de Toulouse, de déclarer son lieu d'habitation et tout changement de celui-ci ;

En ce qui concerne la condition d'urgence :

11. Considérant que, eu égard à son objet et à ses effets, notamment aux restrictions apportées à la liberté d'aller et venir, une décision prise par l'autorité administrative en application des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, porte, en principe et par elle-même, sauf à ce que l'administration fasse valoir des circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de cette personne, de nature à créer une situation d'urgence justifiant que le juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, puisse prononcer dans de très brefs délais, si les autres conditions posées par cet article sont remplies, une mesure provisoire et conservatoire de sauvegarde ; qu'aucun des éléments que le ministre de l'intérieur a fait valoir, dans ses écritures et au cours de l'audience publique, ne conduit à remettre en cause, au cas d'espèce, l'existence d'une situation d'urgence caractérisée de nature à justifier l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne la condition tenant à l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur s'est fondé, pour prendre la décision litigieuse, d'une part, sur les faits et activités de M. A...B...depuis son séjour en Egypte et dans la bande de Gaza entre 2007 et 2009, d'autre part, sur les relations entretenues par l'intéressé avec la mouvance jihadiste toulousaine et régionale depuis 2015 ; qu'il a ainsi estimé qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. A...B...constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et que celui-ci entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme et que, dès lors, les conditions exigées par l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure pour prendre une mesure de contrôle et de surveillance prévue par l'article L. 228-2 du même code était réunies ;

13. Considérant que, selon des éléments précis et circonstanciés d'une note blanche des services de renseignement soumise au débat contradictoire, M. A...B...a été hébergé, au cours d'un voyage en Egypte, en 2007, par les frères Fabien et Jean-Michel Clain, ressortissants français qui ont eux-mêmes été mis en cause dans le démantèlement d'une filière d'acheminement de combattants pour le jihad en Irak et sont partis combattre en Syrie pour le compte de l'organisation dite " Etat islamique " ; que M. A...B...s'est rendu en 2008 dans la bande de Gaza où il a reçu une formation au maniement des armes et des explosifs, intégré deux organisations liées à Al Qaida et administré un site internet francophone faisant l'apologie du jihad ; qu'il continue d'entretenir des relations suivies avec des membres de la mouvance islamiste radicale, notamment à Toulouse où il s'est installé en 2015 à la suite de son mariage ; qu'ainsi, il fréquente la librairie islamique " NissaShop", regardée comme un lieu de rencontre de la communauté salafiste toulousaine la plus radicale, ainsi que son gérant, Karim Moqran ; que plusieurs compagnes d'islamistes radicaux étaient présentes à la fête donnée en juin 2015 à la suite de son mariage, notamment l'épouse H...aujourd'hui partie en Syrie dans la zone contrôlée par l'Etat islamique ; que, selon les affirmations de MM. C... F...et J...A...G...rapportées par la note blanche, M. A... B...aurait eu des contacts au cours du second semestre 2016 avec ces personnes, interrogées dans le cadre d'une procédure diligentée pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise à caractère terroriste et aujourd'hui incarcérés, ainsi qu'avec M. E...D..., également incarcéré pour les mêmes faits ;

14. Considérant que M. A...B...conteste une grande partie des faits ou éléments sur lesquels s'est appuyé le ministre pour prononcer la mesure litigieuse, en soulignant au surplus pour beaucoup leur caractère ancien ; qu'il soutient en outre que la durée totale des mesures d'assignation à résidence dont il a fait l'objet depuis novembre 2015, dans le cadre de l'état d'urgence, sur le fondement de la loi du 3 avril 1955, comme l'absence d'éléments nouveaux sur son comportement depuis quelques années, interdisent de regarder les conditions posées par l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure comme remplies ; que toutefois, M. A... B..., qui connaissait les frères Clain avant même son départ pour l'Egypte en 2007, admet avoir adhéré à des associations et administré un site internet appelant les musulmans au jihad ; que si la mise en examen dont il a fait l'objet en France après son expulsion d'Egypte s'agissant de la préparation d'un acte terroriste en France s'est conclue par un non-lieu en septembre 2012, il demeure mis en examen pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes terroristes et placé sous contrôle judiciaire au titre de son action de propagande en faveur du jihad ; qu'il ne conteste pas avoir fréquenté régulièrement la librairie islamique " NissaShop " et son gérant Karim Moqran, librairie fréquentée par des islamistes radicaux dont certains sont partis en Syrie combattre pour le compte de l'Etat islamique ou ont fait l'objet de condamnations ou d'assignations à résidence ; qu'il ne conteste pas plus la présence de compagnes d'islamistes radicaux lors de la fête de juin 2015, affirmant seulement qu'il n'était pas présent à cette fête, organisée par son épouse ; qu'il reconnaît également avoir rencontré l'une des trois personnes incarcérées pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise à caractère terroriste ;

15. Considérant que dans ces conditions, il n'apparaît pas qu'en estimant qu'étaient réunies les conditions posées par l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure pour que soit prescrite la mesure de contrôle administratif et de surveillance litigieuse, qui permet à l'intéressé de se déplacer dans la ville de Toulouse et la commune limitrophe de Portet-sur-Garonne, d'y travailler et d'y mener une vie privée et familiale, et qui est limitée à trois mois et avec laquelle se confondent les obligations de son contrôle judiciaire, le ministre aurait commis une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu pour le Conseil d'Etat statuant en référé, dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par la présente ordonnance, de prendre, en l'état de l'instruction, des mesures de sauvegarde sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;



O R D O N N E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure en tant qu'elles ne prévoient pas de régime particulier pour les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance susceptibles d'être prises à l'égard de personnes ayant fait l'objet de mesures d'assignation à résidence de longue durée sur le fondement de la loi du 3 avril 1955 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il n'y a pas lieu, en l'état, d'ordonner des mesures conservatoires de sauvegarde.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur le surplus de la requête de M. A... B....
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. I... A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.