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Ariane Web: Conseil d'État 414303, lecture du 8 décembre 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:414303.20171208

Décision n° 414303
8 décembre 2017
Conseil d'État

N° 414303
ECLI:FR:CECHR:2017:414303.20171208
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public


Lecture du vendredi 8 décembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les commentaires administratifs publiés le 18 juin 2015 au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) - Impôts sous la référence BOI-CF-INF-40-10-10-50, en tant qu'ils portent sur l'application de l'article 1745 du code général des impôts ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. M. A...demande l'annulation pour excès de pouvoir des commentaires administratifs, publiés le 18 juin 2015 au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) sous la référence BOI-CF-INF-40-10-10-50, par lesquels l'administration commente les règles relatives aux peines applicables au délit de fraude fiscale prévu par l'article 1741 du code général des impôts en indiquant, notamment, qu'en vertu de l'article 1745 du même code, tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 du code peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales correspondantes.

2. Au soutien de sa requête, M. A... soulève un unique moyen, présenté dans un mémoire distinct, tiré de ce que l'article 1745 du code général des impôts méconnait l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors que l'application combinée de la solidarité prévue par cet article et des sanctions pénales prévues par l'article 1741 du code général des impôts permet, à l'encontre de la même personne et en raison des mêmes faits, un cumul de sanctions, qui ne pourrait être conforme à la Constitution que si l'article 1745 ne pouvait être appliqué qu'aux cas les plus graves.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. L'article 1745 du code général des impôts est applicable au litige et n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, ni pris isolément, ni en combinaison avec l'article 1741 du même code.

5. La solidarité prévue par l'article 1745 du code général des impôts, qui constitue seulement une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public, ne revêt pas le caractère d'une punition entrant dans le champ de l'article 8 de la Déclaration de 1789, dès lors que celui qui s'est acquitté du paiement des impôts fraudés et des pénalités correspondantes dispose d'une action récursoire contre le débiteur principal et, le cas échéant, contre les codébiteurs solidaires. En outre, M. A... ne peut en tout état de cause se prévaloir utilement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la règle dite communément " non bis in idem ", dès lors que les sanctions pénales prévues à l'article 1741 du code général des impôts et la solidarité prévue à l'article 1745 du même code ne relèvent pas de procédures juridictionnelles distinctes. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête de M.A..., qui ne comporte pas d'autre moyen, doit être rejetée.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.A....

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


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