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Ariane Web: Conseil d'État 404870, lecture du 18 décembre 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:404870.20171218

Décision n° 404870
18 décembre 2017
Conseil d'État

N° 404870
ECLI:FR:CECHR:2017:404870.20171218
Inédit au recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
Mme Laure Durand-Viel, rapporteur
Mme Julie Burguburu, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE, avocats


Lecture du lundi 18 décembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 novembre 2016, 3 février 2017 et 23 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des ascenseurs demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite née du silence gardé par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, sur sa demande en date du 5 juillet 2016 tendant au retrait de l'article 1er du décret n° 2016-550 du 3 mai 2016 relatif à la mise sur le marché des ascenseurs et des composants de sécurité pour ascenseurs en tant qu'il introduit dans le code de la construction et de l'habitation les articles R. 125-2-15 6°, 8° et 9°, R. 125-2-16 6°, 8° et 9° et R. 125-2-18 8° ensemble ces dispositions ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2014/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de la Fédération des ascenseurs.



1. Considérant que le décret du 3 mai 2016 relatif à la mise sur le marché des ascenseurs et des composants de sécurité pour ascenseurs assure la transposition de la directive 2014/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à l'harmonisation des législations des Etats membres concernant les ascenseurs et les composants de sécurité pour ascenseurs et abrogeant la directive n° 95/16/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 1995 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux ascenseurs ; que ce décret a notamment introduit dans le code de la construction et de l'habitation dans la section I du chapitre V du titre II de livre Ier une sous-section IV intitulée " mise sur le marché des ascenseurs et des composants de sécurité pour ascenseurs " comprenant les articles R. 125-2-9 à R. 125-2-41 ; que les dispositions du 6° des articles R. 125-2-15 et R. 125-2-16 imposent, respectivement, aux installateurs d'ascenseurs et aux fabricants de composants de sécurité pour ascenseurs d'indiquer sur ces équipements, outre leur raison sociale ou leur marque ainsi que leur adresse postale, leur numéro de téléphone; que les dispositions des articles R. 125-2-15 9°, R. 125-2-16 9° et R. 125-2-18 8° imposent notamment, respectivement, aux installateurs d'ascenseurs, aux fabricants de composants de sécurité pour ascenseurs et aux importateurs de ces composants d'informer, lorsque ces produits présentent un risque, outre le ministre chargé de la construction, le propriétaire de l'ascenseur ; que les dispositions des articles R. 125-2-15 8° et R. 125-2-16 8° imposent, respectivement, aux installateurs d'ascenseurs et aux fabricants de composants de sécurité pour ascenseurs d'adresser au ministre chargé de la construction toutes les informations permettant de démontrer la conformité de l'ascenseur à la directive sur requête de cette autorité ; que les dispositions de l'article R. 125-2-15 8° imposent aux distributeurs de composants de sécurité de communiquer au ministre chargé de la construction toutes les informations permettant de démontrer la conformité de ces produits ; que, par un recours gracieux en date du 5 juillet 2016, formé dans le délai du recours contentieux, la fédération requérante a demandé le retrait du décret, en tant qu'il a introduit ces dispositions dans le code de la construction et de l'habitation, au Premier ministre dont le silence sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet ; que le décret n'étant pas devenu définitif à la date d'enregistrement de la requête, ses conclusions doivent être regardées comme tendant à l'annulation du décret en tant qu'il a introduit les dispositions contestées dans le code de la construction et de l'habitation ;

2. Considérant qu'il ressort clairement de l'intitulé et de l'économie du texte de la directive 2014/33/UE du 26 février 2014 relative à l'harmonisation des législations des Etats membres concernant les ascenseurs et les composants de sécurité pour ascenseurs, dont l'objectif est de " garantir que les ascenseurs et les composants de sécurité pour ascenseurs se trouvant sur le marché européen soient conformes aux exigences garantissant un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité, tout en assurant le bon fonctionnement du marché intérieur " et dont l'article 3 prévoit que " Les États membres s'abstiennent d'interdire, de restreindre ou d'entraver la mise sur le marché et la mise en service d'ascenseurs ou la mise à disposition sur le marché de composants de sécurité pour ascenseurs sur leur territoire lorsque ceux-ci satisfont à la présente directive ", qu'elle vise à assurer une harmonisation complète de la réglementation concernant les ascenseurs et les composants de sécurité pour ascenseurs ; qu'il en résulte que la liste des mentions qui doivent figurer sur ces produits, telle qu'elle figure dans la directive, est exhaustive ;

3. Considérant, en premier lieu, que le point 6 de l'article 7 de la directive du 26 février 2014 prévoit que " Les installateurs indiquent sur l'ascenseur leur nom, leur raison sociale ou leur marque déposée et l'adresse postale à laquelle ils peuvent être contactés. L'adresse précise un lieu unique où l'installateur peut être contacté. Les coordonnées sont indiquées dans une langue aisément compréhensible par les utilisateurs finals et les autorités de surveillance du marché. " ; que le point 6 de son article 8 impose aux fabricants de composants de sécurité d'apposer les mêmes mentions sur les composants de sécurité ; qu'en imposant au fabricant et à l'installateur de mentionner en outre, sur les produits concernés, leur numéro de téléphone, le 6° des articles R. 125-2-15 et R. 125-2-16 ont mis à la charge de ces opérateurs une obligation supplémentaire qui n'était pas prévue par la directive ; que la fédération requérante est donc fondée à soutenir que, dans cette mesure, les dispositions précitées méconnaissent les dispositions de la directive du 26 février 2014 précitée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le point 8 de l'article 7 de la directive du 26 février 2014 prévoit que " Les installateurs qui considèrent ou ont des raisons de croire qu'un ascenseur qu'ils ont mis sur le marché n'est pas conforme à la présente directive prennent sans tarder les mesures correctives nécessaires pour le mettre en conformité. En outre, si l'ascenseur présente un risque, les installateurs en informent immédiatement les autorités nationales compétentes des Etats membres dans lesquels ils ont mis cet ascenseur sur le marché en fournissant des précisions, notamment, sur la non-conformité et toute mesure corrective adoptées " ; que le point 8 de son article 8 impose les mêmes obligations aux fabricants de composants et le point 7 de son article 10 aux importateurs ; que le 9° des articles R. 125-2-15 et R. 152-2-16 et le 8° de l'article R. 125-2-18 en imposant, respectivement, aux fabricants de composants, aux installateurs, qui, aux termes de la directive, assument " la responsabilité de la conception, de la fabrication, de l'installation et de la mise sur le marché " des ascenseurs, et aux importateurs d'informer, en cas de risque, outre le ministre chargé de la construction, le propriétaire de l'ascenseur concerné, les dispositions en cause ont mis à la charge de ces opérateurs une obligation supplémentaire qui n'était pas prévue par la directive sans que cette mesure apparaisse nécessaire pour assurer la sécurité des personnes ; que la fédération requérante est donc fondée à soutenir que, dans cette mesure, les dispositions précitées introduites dans le code de la construction par le décret contesté méconnaissent les dispositions de la directive du 26 février 2014 précitée ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les articles 7 et 8 de la directive du 26 février 2014 précitée prévoient, respectivement, que les installateurs d'ascenseurs et les fabricants de composants de sécurité communiquent, " sur requête motivée d'une autorité nationale compétente ", toutes les informations et tous les documents nécessaires pour démontrer la conformité de ces produits à la directive ; que le 8° de l'article R. 125-2-15 du code de la construction et de l'habitation et le 8° de l'article R. 125-2-16 du même code prévoient, s'agissant respectivement des installateurs d'ascenseurs et des fabricants de composants de sécurité, que " Sur requête du ministre chargé de la construction, ils lui communiquent toutes les informations et tous les documents nécessaires, en langue française clairement rédigée, pour démontrer la conformité " de ces produits " aux exigences essentielles de sécurité et de santé énoncées dans la présente sous-section. " ; que, pour les motifs exposés au point 3, la fédération requérante est fondée à soutenir que, dans la mesure où elles n'imposent pas au ministre chargé de la construction de motiver une telle requête, les dispositions précitées introduites dans le code de la construction par le décret contesté méconnaissent les dispositions de la directive du 26 février 2014 précitée ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la Fédération des ascenseurs est fondée à demander l'annulation des mots : " et le numéro de téléphone " figurant au 6° de l'article R. 125-2-15 et au 6° de l'article R. 125-2-16 du code de la construction et de l'habitation, des mots " le propriétaire de l'ascenseur concerné et " figurant au 9° de l'article R. 125-2-15 du même code, et des mots " le propriétaire de l'ascenseur dans lequel il a été incorporé et " figurant au 9° de l'article R. 125-2-16 et au 8° de l'article R. 125-2-18 du même code, ainsi que du 8° de l'article de l'article R. 125-2-15 et du 8° de l'article R. 125-2-16 en tant qu'ils ne prévoient pas que la requête du ministre chargé de la construction est motivée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Fédération des ascenseurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser ;






D E C I D E :
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Article 1er : Dans le code de la construction et de l'habitation, les mots : " et le numéro de téléphone " figurant au 6° de l'article R. 125-2-15 et au 6° de l'article R. 125-2-16, les mots " le propriétaire de l'ascenseur concerné et " figurant au 9° de l'article R. 125-2-15 et les mots " le propriétaire de l'ascenseur dans lequel il a été incorporé et " figurant au 9° de l'article R. 125-2-16 et au 8° de l'article R. 125-2-18 ainsi que les 8° des articles R. 125-2-15 et R. 125-2-16 en tant qu'ils ne prévoient pas que la requête du ministre chargé de la construction est motivée, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la Fédération des ascenseurs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des ascenseurs, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de la cohésion des territoires et au Premier ministre.