Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 408147, lecture du 15 décembre 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:408147.20171215

Décision n° 408147
15 décembre 2017
Conseil d'État

N° 408147
ECLI:FR:CECHS:2017:408147.20171215
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Dorothée Pradines, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public


Lecture du vendredi 15 décembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 février 2017, l'association FAMIDAC demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe XIV de l'article 1er du décret n° 2016-1785 du 19 décembre 2016 relatif à l'agrément des accueillants familiaux.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article L. 442-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, prévoit que toute personne accueillie au domicile d'un accueillant familial ou, s'il y a lieu, son représentant légal passe avec cet accueillant un contrat écrit. Aux termes des quatrième à neuvième alinéas de cet article : " Ce contrat précise la nature ainsi que les conditions matérielles et financières de l'accueil. Il prévoit notamment : / 1° Une rémunération journalière des services rendus ainsi qu'une indemnité de congé calculée conformément aux dispositions de l'article L. 223-11 du code du travail ; / 2° Le cas échéant, une indemnité en cas de sujétions particulières ; / 3° Une indemnité représentative des frais d'entretien courant de la personne accueillie ; / 4° Une indemnité représentative de mise à disposition de la ou des pièces réservées à la personne accueillie. / La rémunération ainsi que les indemnités visées aux 1° et 2° obéissent au même régime fiscal et de cotisations sociales obligatoires que celui des salaires. Cette rémunération, qui ne peut être inférieure à un minimum fixé par décret et évolue comme le salaire minimum de croissance prévu à l'article L. 141-2 du code du travail, donne lieu au versement d'un minimum de cotisations permettant la validation des périodes considérées pour la détermination du droit à pension conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale. Les indemnités mentionnées respectivement aux 2° et 3° sont comprises entre un minimum et un maximum fixés par décret. L'indemnité mentionnée au même 2° est revalorisée conformément à l'évolution du salaire minimum mentionné à l'article L. 3231-2 du code du travail. L'indemnité mentionnée au même 3° est revalorisée conformément à l'évolution de l'indice national des prix à la consommation ". L'association FAMIDAC demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du sixième alinéa de cet article, prévoyant que l'accueillant familial perçoit une indemnité en cas de sujétions particulières, et de son neuvième alinéa, précisant le régime de la rémunération journalière des services, de l'indemnité de congé, de l'indemnité en cas de sujétions particulières et de l'indemnité représentative des frais d'entretien courant de la personne accueillie.

3. En premier lieu, l'association requérante soutient que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi et le droit au repos reconnu par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu'elles prévoient la prise en considération de la seule rémunération journalière des services, et non de l'indemnité pour sujétions particulières, dans le calcul de l'indemnité de congé à laquelle a droit l'accueillant familial. Toutefois, les dispositions critiquées de l'article L. 442-1 du code de l'action sociale et des familles sont dépourvues d'incidence sur le mode de calcul de l'indemnité de congé. Par suite, l'argumentation de l'association requérante est inopérante.

4. En second lieu, les dispositions critiquées, qui sont claires et suffisamment précises, ne méconnaissent pas, en tout état de cause, l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

5. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les sixième et neuvième alinéas de l'article L. 442-1 du code de l'action sociale et des familles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur les autres moyens de la requête :

6. Le paragraphe XIV de l'article 1er du décret du 19 décembre 2016 relatif à l'agrément des accueillants familiaux, dont l'association requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir, modifie l'article D. 442-2 du code de l'action sociale et des familles pour, d'une part, prévoir que les montants minimum et maximum de l'indemnité journalière pour sujétions particulières, mentionnée au 2° de l'article L. 442-1 de ce code, sont respectivement égaux non plus à 1 et 4 fois le minimum garanti déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 141-8 du code du travail mais à 0,37 et 1,46 fois la valeur horaire du salaire minimum de croissance et pour, d'autre part, actualiser les références faites à plusieurs articles du code du travail, afin de tirer les conséquences de la recodification de ce code par l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail.

7. En premier lieu, l'association requérante soutient que, faute de prévoir la prise en considération de l'indemnité journalière pour sujétions particulières dans le calcul de l'indemnité de congés payés, ces dispositions méconnaissent l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 7 de la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et le II de l'article L. 3141-24 du code du travail. Toutefois, les dispositions dont elle demande l'annulation pour excès de pouvoir sont sans incidence sur le mode de calcul de l'indemnité de congés payés. Par suite, les moyens ainsi soulevés sont inopérants.

8. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, les dispositions critiquées ont pour seul objet, d'une part, de tirer les conséquences de la modification de l'article L. 442-1 du code de l'action sociale et des familles par la loi du 28 décembre 2015 pour prévoir que l'indemnité versée en cas de sujétions particulières est revalorisée conformément à l'évolution du salaire minimum mentionné à l'article L. 3231-2 du code du travail et, d'autre part, d'actualiser certaines références au code du travail. L'association requérante ne peut ainsi soutenir qu'elles auraient dû également prévoir le mode de détermination des heures d'aide assurées par l'accueillant familial et le mode de calcul de l'indemnité de congés payés. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elles méconnaîtraient pour ce motif l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'association FAMIDAC n'est pas fondée à demander l'annulation du paragraphe XIV de l'article 1er du décret du 19 décembre 2016 relatif à l'agrément des accueillants familiaux.


D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association FAMIDAC.
Article 2 : La requête de l'association FAMIDAC est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association FAMIDAC, au Premier ministre et à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.