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Ariane Web: Conseil d'État 410192, lecture du 18 décembre 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:410192.20171218

Décision n° 410192
18 décembre 2017
Conseil d'État

N° 410192
ECLI:FR:CECHS:2017:410192.20171218
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
M. Frédéric Puigserver, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL, avocats


Lecture du lundi 18 décembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 avril et 12 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 1700410 du 31 mars 2017 par laquelle le tribunal administratif de Nice, statuant en formation administrative, a refusé de l'autoriser à exercer une action en justice au nom de la commune de Châteauneuf-de-Grasse (Alpes-Maritimes) en vue de saisir le tribunal de grande instance de Nice, sur le fondement de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, pour lui demander d'ordonner la démolition des constructions édifiées sans autorisation sur la parcelle cadastrée BL 48 appartenant à M. B...A...et la remise en état des constructions édifiées sur cette parcelle en conformité avec les autorisations d'urbanisme délivrées sur le terrain ;

2°) de l'autoriser à engager cette action au nom de la commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-de-Grasse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M.A....



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales : " Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer ". Il appartient au tribunal administratif, statuant comme autorité administrative, et au Conseil d'Etat, saisi d'un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu'ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt matériel suffisant pour la commune et qu'elle a une chance de succès.

2. Il résulte de l'instruction que M. C...A..., contribuable de la commune de Châteauneuf-de-Grasse, a demandé au tribunal administratif de Nice l'autorisation d'exercer pour le compte de cette commune l'action prévue par l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme en vue de la démolition d'une piscine, construite sans autorisation et en méconnaissance du plan local d'urbanisme, et de constructions édifiées en méconnaissance des permis de construire délivrés par le maire de la commune, sur une parcelle voisine de sa propriété. Par une décision du 31 mars 2017, le tribunal administratif de Nice a refusé cette autorisation à M. A...au motif qu'une telle action ne présentait pas un intérêt matériel suffisant pour la commune.

Sur la régularité de la décision attaquée :

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la décision du tribunal administratif de Nice du 31 mars 2017 comporte la signature des membres de ce tribunal ayant statué. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance, sur ce point, des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration manque en fait, peu important la circonstance que l'ampliation de la décision attaquée, seule notifiée à M.A..., ne comportait pas ces signatures.

4. En deuxième lieu, la circonstance que la décision attaquée comporte, en dépit de son caractère administratif et non juridictionnel, la mention " Au nom du peuple français ", par laquelle débutent, en vertu de l'article R. 741-3 du code de justice administrative, les jugements des tribunaux administratifs, est par elle-même sans incidence sur sa régularité.

5. En troisième lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision par laquelle le tribunal administratif de Nice a refusé l'autorisation sollicitée est inopérant dès lors que le Conseil d'Etat confirme, par la présente décision motivée, dans le cadre de ses pouvoirs de plein contentieux, la décision du tribunal administratif.

Sur la demande d'autorisation :

6. Aux termes de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme : " La commune (...) peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux ".

7. A l'appui de sa demande d'autorisation, M. A...fait valoir que l'action envisagée présente un intérêt pour la commune au regard des frais qu'elle a engagés pour élaborer le plan local d'urbanisme, de la circonstance que la construction d'une piscine est interdite en zone agricole et du caractère délibéré de la poursuite des constructions, alors que le maire de la commune avait pris un arrêté prescrivant l'interruption des travaux.

8. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la démolition des constructions litigieuses, édifiées sur une parcelle appartenant à une personne privée, même classée en zone agricole, présenterait un intérêt matériel pour la commune.

9. Il résulte de ce qui précède que sa demande ne satisfait pas à l'une au moins des conditions auxquelles est subordonnée l'autorisation d'agir en justice en lieu et place de la commune. Par suite, M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Châteauneuf-de-Grasse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...A...et à la commune de Châteauneuf-de-Grasse.