Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 406385, lecture du 22 décembre 2017, ECLI:FR:CECHS:2017:406385.20171222

Décision n° 406385
22 décembre 2017
Conseil d'État

N° 406385
ECLI:FR:CECHS:2017:406385.20171222
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Jean-Yves Ollier, rapporteur
M. Olivier Henrard, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY, avocats


Lecture du vendredi 22 décembre 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. D...A..., Mme C...A...et Mme B...A...ont demandé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de suspendre l'exécution de la décision implicite de rejet résultant du silence conservé par la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur leur contestation de la décision de refus de visa opposée par les services de l'ambassade de France en Afghanistan, et d'enjoindre à l'administration de réexaminer leur demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte journalière de 50 euros.

Par une ordonnance n° 1609267 du 22 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 décembre 2016, 12 janvier et 21 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les consorts A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat des consortsA....


1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. D...A..., ressortissant afghan, a exercé, entre le 4 décembre 2010 et le 28 février 2011, les fonctions d'interprète auprès des forces armées françaises alors déployées en Afghanistan ; que les autorités françaises ont annoncé au mois de mai 2012 le retrait des forces françaises d'Afghanistan à partir du mois de juillet ; que M. A...a déposé le 7 septembre 2015 une demande de visa pour lui-même, pour son épouse Mme C...A...et pour sa fille majeure Mme B...A...auprès de l'ambassade de France en Afghanistan ; qu'un refus de visa lui ayant été opposé le 25 avril 2016, il a saisi le 13 juin 2016 la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; qu'en l'absence de décision explicite, il a demandé le 9 août 2016 la communication des motifs du rejet implicite de sa demande ; que les consorts A...ont formé un recours contre ce refus de visa devant le tribunal administratif de Nantes ; qu'ils ont parallèlement demandé au juge des référés de ce même tribunal, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'en suspendre l'exécution ; que, par une ordonnance du 22 novembre 2016, le juge des référés a rejeté cette demande de suspension, en estimant qu'aucun des moyens soulevés par les consorts A...ne paraissait de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que les consorts A...se pourvoient en cassation contre cette ordonnance ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'invocation des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à raison des menaces susceptibles d'être encourues ne saurait impliquer de droit à la délivrance d'un visa d'entrée en France ; que le juge des référés n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que le moyen tiré de la violation de ces stipulations n'était pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A...a servi, entre le 4 décembre 2010 et le 28 février 2011, en qualité d'interprète et de traducteur auprès des forces françaises au sein de l'Intelligence Training Center, école de renseignement, à Kaboul, dans le cadre de l'opération Epidote ; que son fils s'est engagé dans la légion étrangère le 12 décembre 2012 ; que les consorts A...affirment avoir fait l'objet d'une agression et de menaces ; que toutefois, le ministre fait valoir que les fonctions de M.A..., qui ont consisté à effectuer la traduction technique de cours pendant une période de trois mois, ne l'ont pas exposé à la vue du public ; que le ministre conteste l'existence et la gravité des menaces dont les requérants affirment faire l'objet ; qu'en jugeant, en l'état de l'instruction menée devant lui, que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale des requérants n'était pas propre à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision, le juge des référés s'est livré à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation ; qu'il n'a pas fait supporter aux requérants la charge de la preuve de l'existence de menaces, ni commis pour ce motif d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;


D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi des consorts A...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D...A..., à Mme C...A..., à Mme B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.