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Ariane Web: Conseil d'État 408650, lecture du 14 février 2018, ECLI:FR:CECHS:2018:408650.20180214

Décision n° 408650
14 février 2018
Conseil d'État

N° 408650
ECLI:FR:CECHS:2018:408650.20180214
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Dorothée Pradines, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats


Lecture du mercredi 14 février 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les titres de perception n°s 012676, 012677 et 012681 du 17 mai 2013 par lesquels le président du conseil général des Hauts-de-Seine a mis en recouvrement des créances de montants de 2 000,35 euros, 4 550,73 euros et 6 329,95 euros résultant, pour la première, d'un indu de revenu minimum d'insertion et, pour les deux autres, d'indus d'allocation de revenu de solidarité active. Par un jugement n° 1400833 du 19 janvier 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 mars, 2 juin et 21 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 3 500 euros à verser à son avocat, la SCP Marlange, de La Burgade, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de MmeA..., et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Hauts-de-Seine.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B...A...a bénéficié du revenu minimum d'insertion puis du revenu de solidarité active jusqu'au 1er avril 2013. Par un courrier du 3 avril 2013, la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine lui a fait connaître sa décision de récupérer la somme de 15 545,62 euros d'indus de revenu minimum d'insertion et de revenu de solidarité active. Mme A...a formé, par une lettre du 22 avril 2013, un recours préalable devant le président du conseil général des Hauts-de-Seine, qui l'a rejeté par une décision du 27 mai 2013. Toutefois, dès le 17 mai 2013, le président du conseil général a mis en recouvrement les créances litigieuses en émettant trois titres exécutoires, l'un d'un montant de 2 000,35 euros correspondant à un trop-perçu de revenu minimum d'insertion pour la période de janvier à mai 2009 et les deux autres de montants de 4 550,73 euros et 6 329,95 euros correspondant à des trop-perçus de revenu de solidarité active pour les périodes de juin 2009 à avril 2010 et mai 2010 à mai 2011. Par un jugement du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le recours formé par Mme A... contre les titres émis à son encontre.

2. A l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des titres exécutoires du 17 mai 2017, Mme A... soutenait notamment que ces titres étaient irréguliers faute d'indiquer les bases de liquidation des sommes réclamées et que les créances correspondantes étaient prescrites. Le tribunal administratif a rejeté ses conclusions sans se prononcer sur ces moyens, qui n'étaient pas insusceptibles d'avoir une incidence sur le litige.

3. Par suite, Mme A...est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

4. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le titre émis pour la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion, soumises à tort au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, plutôt que de les renvoyer à la commission départementale d'aide sociale des Hauts-de-Seine.

5. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

6. Il résulte de l'instruction que, alors que la décision du 3 avril 2013 de récupération d'indu se bornait à faire mention d'un indu de 15 545,62 euros au titre du revenu minimum d'insertion et du revenu de solidarité active pour la période allant du 1er janvier 2009 au 28 février 2013, le titre exécutoire attaqué, qui ne se réfère à aucun autre document, comporte seulement la mention " trop-perçu RMI A...Stefania 01/09 à 05/09 ". Il ne peut, par suite, être regardé comme satisfaisant aux prescriptions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012.

7. Il suit de là que MmeA..., qui était recevable à soulever un tel moyen devant les juridictions de l'aide sociale après l'expiration du délai de recours, est fondée à demander l'annulation du titre exécutoire n° 12676 émis le 17 mai 2013 pour le recouvrement d'une somme de 2 000,35 euros qui lui était réclamée au titre du revenu minimum d'insertion.

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Marlange, de La Burgade, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine une somme de 2 000 euros à verser à cette SCP.


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : Le titre exécutoire n° 12676 émis par le président du conseil général des Hauts-de-Seine le 17 mai 2013 pour le recouvrement d'une somme de 2 000,35 euros réclamée au titre du revenu minimum d'insertion est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme A...est renvoyé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 4 : Le département des Hauts-de-Seine versera à la SCP Marlange, de La Burgade, avocat de MmeA..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au département des Hauts-de-Seine.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.