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Ariane Web: Conseil d'État 409356, lecture du 14 février 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:409356.20180214

Décision n° 409356
14 février 2018
Conseil d'État

N° 409356
ECLI:FR:CECHR:2018:409356.20180214
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème et 6ème chambres réunies
M. Florian Roussel, rapporteur
Mme Laurence Marion, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du mercredi 14 février 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2012 par lequel le préfet de la Moselle l'a mis en demeure de mettre un terme à la mise à disposition à fin d'habitation des sous-sols situés 14, rue de Peltre à Chesny. Par un jugement n° 1301134 du 30 septembre 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15NC02382 du 31 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 27 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du préfet de la Moselle n° 2004-796 du 14 octobre 2004 portant règlement sanitaire départemental ;

- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M.B....



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 31 décembre 2012, le préfet de la Moselle a mis en demeure M. B...de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation de locaux situés dans l'immeuble sis 14 rue de Peltre à Chesny (57245) dont il est propriétaire, qu'il a qualifiés de sous-sols ; que, par un jugement du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté ; que M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 janvier 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. (...). / La personne qui a mis les locaux à disposition est tenue d'assurer le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables " ;

3. Considérant que, pour juger que les locaux litigieux devaient être regardés comme des locaux par nature impropres à l'habitation, au sens des dispositions précitées, la cour a relevé que leur hauteur sous plafond était inférieure au minimum de 2,20 mètres prévu par le règlement sanitaire départemental ; que s'il lui appartenait de prendre en compte toutes les caractéristiques des locaux litigieux, notamment celles qui caractérisaient une méconnaissance de la réglementation applicable, telle qu'elle est en particulier prévue par le règlement sanitaire départemental, elle ne pouvait, sans erreur de droit, juger que toute méconnaissance de ce règlement, qui n'a pas pour objet de définir les modalités d'application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, justifie la qualification de local impropre par nature à l'habitation ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les locaux litigieux, dont le plancher n'est situé qu'à 80 cm au-dessous du sol du terrain sur lequel l'immeuble est implanté, ont été spécialement aménagés en vue de leur habitation, notamment par leur équipement en eau et électricité et par la mise en place d'un dispositif d'aération suffisant, qu'ils disposent de grandes ouvertures sur l'extérieur et bénéficient d'un éclairage naturel suffisant ; que, si elle est inférieure à la hauteur minimale de 2, 20 m prévue par le règlement sanitaire départemental, la hauteur sous plafond est comprise entre 2,11 et 2,15 mètres ; qu'eu égard à l'ensemble de leurs caractéristiques, ces locaux ne peuvent être regardés ni comme des sous-sols ni comme étant au nombre des autres locaux par nature impropres à l'habitation mentionnés par les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, qu'en mettant en demeure M. B...de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation de ces locaux, le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique ; que, par suite, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 31 décembre 2012 ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à M. B...pour les frais exposés par lui tant en première instance qu'en appel et en cassation et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 31 janvier 2017, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 septembre 2015 et l'arrêté du préfet de la Moselle du 31 décembre 2012 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la ministre des solidarités et de la santé.


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