Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 403508, lecture du 16 février 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:403508.20180216

Décision n° 403508
16 février 2018
Conseil d'État

N° 403508
ECLI:FR:CECHR:2018:403508.20180216
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Louise Bréhier, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP SEVAUX, MATHONNET, avocats


Lecture du vendredi 16 février 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 septembre 2016 et 15 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) du 13 avril 2016 relative à la transmission d'informations par les entreprises ferroviaires de voyageurs et de marchandises et les autres candidats, et la décision du 13 juillet 2016 par laquelle le président de l'ARAFER a rejeté son recours gracieux tendant au retrait de cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'ARAFER le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 ;
- le code des transports ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de l'Union des transports publics et ferroviaires, et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières ;




1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2131-1 du code des transports : " L'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières concourt au suivi et au bon fonctionnement, dans ses dimensions techniques, économiques et financières, du système de transport ferroviaire national, notamment du service public et des activités concurrentielles, au bénéfice des usagers et clients des services de transport ferroviaire. (...) Sans préjudice des compétences de l'Autorité de la concurrence, elle assure le suivi de la situation de la concurrence sur les marchés des services ferroviaires et dispose à cette fin du droit d'accès aux informations économiques, financières et sociales nécessaires que lui reconnaît l'article L. 1264-2 " ; qu'aux termes de l'article L. 2132-7 du même code : " L'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières peut recueillir des données, procéder à des expertises et mener des études et toutes actions d'information nécessaires dans le secteur ferroviaire. Elle peut notamment, par une décision motivée, prévoir la transmission régulière d'informations par les gestionnaires d'infrastructure, les exploitants d'infrastructures de service, les entreprises ferroviaires et la SNCF. / Les gestionnaires d'infrastructure, les exploitants d'infrastructures de service, les entreprises ferroviaires et la SNCF sont tenus de lui fournir les informations statistiques concernant l'utilisation des infrastructures, la consistance et les caractéristiques de l'offre de transport proposée, la fréquentation des services, ainsi que toute information relative aux résultats économiques et financiers correspondants " ; que, par une décision du 13 avril 2016, l'ARAFER a demandé aux entreprises ferroviaires de transport de voyageurs et de marchandises et aux autres candidats de lui transmettre de manière régulière certaines informations ; que l'Union des transports publics et ferroviaires demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision réglementaire ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'une loi nouvelle entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel, dans les conditions fixées à l'article 1er du code civil, sauf si elle en dispose autrement ou si son application est manifestement impossible en l'absence de dispositions réglementaires en précisant les modalités ; qu'en l'absence de disposition contraire et alors que l'application de ces dispositions législatives, suffisamment précises, n'est pas tributaire de l'intervention de dispositions réglementaires d'exécution, l'article L. 2132-7 du code des transports est entré en vigueur le lendemain de la publication au Journal officiel de la République Française de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, de laquelle il est issu ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article L. 2132-7 du code des transports n'aurait pas été applicable à la date de la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1264-2 du code des transports : " Pour l'accomplissement de ses missions, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières dispose d'un droit d'accès à la comptabilité des gestionnaires d'infrastructure, des exploitants d'installations de service, des entreprises ferroviaires et des autres candidats, au sens du livre Ier de la deuxième partie, de la SNCF, des entreprises de transport public routier de personnes, des exploitants des aménagements relevant de l'article L. 3114-1, de tout fournisseur de services à destination des entreprises de transport public routier dans ces aménagements et des concessionnaires d'autoroutes, ainsi qu'aux informations économiques, financières et sociales nécessaires (...) " ; que les dispositions citées au point 1 de l'article L. 2132 -7 du code des transports organisent le recueil régulier d'informations par l'ARAFER dans le secteur du transport ferroviaire et n'ont pas le même objet que celles de l'article L. 1264-2 qui, pour la surveillance de l'ensemble des secteurs dont elle est chargée, confèrent à l'Autorité un droit d'accès à la comptabilité et aux informations économiques, financières et sociales nécessaires à l'accomplissement de ses missions de contrôle et d'enquête ; que si la décision attaquée mentionne l'article L. 1264-2, les obligations qu'elle instaure sont prises sur le fondement de l'article L. 2132-7 du code et non sur celui de son article L. 1264-2 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'ARAFER ne pouvait fonder la décision attaquée sur l'article L. 1264-2 du code des transports est sans incidence sur la légalité de cette décision ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des dispositions de l'article L. 2132-7 du code des transports, éclairées par les travaux parlementaires de la loi de laquelle elles sont issues, que l'ARAFER peut demander la transmission régulière d'informations relatives à l'activité des gestionnaires d'infrastructure, des exploitants d'infrastructures de service, des entreprises ferroviaires et de la SNCF ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait ces dispositions au motif que les informations demandées ne seraient pas seulement d'ordre statistique ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions de l'article L. 2132-7 du code des transports, qui assurent la transposition du 8 de l'article 56 de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil, permettent à l'autorité de régulation, sous le contrôle du juge, de demander la transmission des informations qu'elle estime utiles à l'exercice de ses missions en ne faisant pas peser une charge excessive sur les opérateurs ; que l'UTP n'apporte pas d'élément de nature à établir que la collecte et la transmission des informations que prévoit la décision attaquée feraient peser une charge excessive sur les opérateurs ; qu'il ressort au demeurant des termes de cette décision que les informations dont elle prévoit la transmission, qui sont utiles à l'accomplissement des missions de l'ARAFER, sont en nombre raisonnable, simples à renseigner pour les entreprises concernées et exigées selon une fréquence trimestrielle ou annuelle ; que le moyen tiré du caractère disproportionné des informations dont la transmission est requise au regard des missions de l'ARAFER ne peut par suite qu'être écarté ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que l'ARAFER aurait exigé la production d'informations pour l'accomplissement de missions dont elle n'est pas investie par la loi ;

7. Considérant, en sixième lieu, que, par elle-même, la liste des informations demandées par l'ARAFER n'est pas de nature à porter atteinte au secret des affaires ; qu'au demeurant, aux termes de l'article L. 1261-2 du code des transports : " Les propositions, avis et décisions de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières sont motivés et rendus publics, sous réserve des secrets protégés par la loi. / Ses rapports sont également rendus publics, dans les mêmes conditions. " ; qu'aux termes de l'article L. 1261-3 du même code : " Les agents de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (...) sont tenus au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions. / Le non-respect du secret professionnel établi par une décision de justice entraîne la cessation d'office des fonctions au sein de l'autorité. " ; qu'aux termes du 2° de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas communicables : " Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : (...) h) ou sous réserve de l'article L. 124-4 du code de l'environnement, aux autres secrets protégés par la loi. " ; que ces dispositions, destinées à imposer le respect des secrets protégés par la loi, constituent des garanties suffisantes pour assurer la préservation du secret des affaires lors de la transmission régulière d'informations à l'ARAFER ;

8. Considérant, en septième lieu, d'une part, que la décision attaquée ne revêt aucun caractère rétroactif ; que, d'autre part, s'il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à l'objet et à la portée de la décision attaquée, que son application dans le délai de deux mois qu'elle prévoit serait de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts en cause ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de mesures transitoires ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Union des transports publics et ferroviaires n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque, qui est suffisamment motivée ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ARAFER qui n'est pas la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Union des transports publics et ferroviaires une somme de 3 000 euros à verser à l'ARAFER au même titre ;


D E C I D E :
--------------

Article 1er : La requête de l'Union des transports publics et ferroviaires est rejetée.

Article 2 : L'Union des transports publics et ferroviaires versera à l'ARAFER une somme de 3 000 euros.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union des transports publics et ferroviaires et à l'ARAFER. Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.


Voir aussi