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Ariane Web: Conseil d'État 401731, lecture du 20 février 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:401731.20180220

Décision n° 401731
20 février 2018
Conseil d'État

N° 401731
ECLI:FR:CECHR:2018:401731.20180220
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. François Monteagle, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP LE GRIEL ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET, avocats


Lecture du mardi 20 février 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, en premier lieu, d'annuler l'arrêté en date du 20 janvier 2012 par lequel le président de la communauté de communes du Val d'Albret (Lot-et-Garonne) l'a maintenu en disponibilité à compter du 23 novembre 2011 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté, en deuxième lieu, d'enjoindre à la communauté de communes du Val d'Albret de le réintégrer rétroactivement au 23 novembre 2011 dans son emploi de directeur territorial faisant office de directeur général de cette communauté ou, à défaut, de le placer en surnombre pendant un an et, en troisième lieu, de condamner la communauté de communes à lui payer une indemnité d'un montant provisoirement arrêté, au 30 juin 2012, à 8 400 euros à parfaire.

Par un jugement n° 1202110 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14BX03341 du 23 mai 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel de M. B...contre ce jugement ainsi que de diverses conclusions aux fins d'annulation présentées pour la première fois en appel.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 juillet et 24 octobre 2016 et le 21 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté son appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Val d'Albret la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du travail ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de M. B...et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la communauté de communes du Val d'Albret (CCVA) ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., qui était directeur territorial de la communauté de communes du Val d'Albret (CCVA) depuis 2001, a été placé en disponibilité pour convenance personnelle du 3 mars au 31 mai 2008 durant la campagne des élections municipales. Cette disponibilité a été renouvelée, à compter du 1er juin 2008, " pour la durée de son mandat local ", à la suite de son élection comme conseiller municipal de la commune de Nérac et comme conseiller communautaire, président de la CCVA. Après démission de ce dernier mandat, M. B...a demandé, le 22 novembre 2011, sa réintégration au sein de la CCVA. Par arrêté du 20 janvier 2012, le nouveau président de cette communauté de communes a rejeté sa demande au motif que l'intérêt du service, en particulier l'organisation des équipes de direction et d'encadrement, ne permettait pas de procéder à cette réintégration. Par un jugement du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. B...tendant, notamment, à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 23 mai 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement ainsi que diverses conclusions aux fins d'annulation présentées pour la première fois en appel. L'intéressé se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté son appel.

2. Aux termes de l'article L. 3142-60 du code du travail, devenu l'article L. 3142-83 du même code : " Le contrat de travail d'un salarié membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat est, sur sa demande, suspendu jusqu'à l'expiration de son mandat, s'il justifie d'une ancienneté minimale d'une année chez l'employeur à la date de son entrée en fonction ". Aux termes de l'article L. 3142-61 du même code, devenu l'article L. 3142-84 : " A l'expiration de son mandat, le salarié retrouve son précédent emploi, ou un emploi analogue assorti d'une rémunération équivalente, dans les deux mois suivant la date à laquelle il a avisé son employeur de son intention de reprendre cet emploi. / Il bénéficie de tous les avantages acquis par les salariés de sa catégorie durant l'exercice de son mandat (...) ". Aux termes de l'article L. 3142-64 du même code, devenu l'article L. 3142-87 : " Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ainsi qu'aux personnels des entreprises publiques, sauf s'ils bénéficient de dispositions plus favorables ". En vertu des dispositions combinées des articles L. 2123-9 et L. 5214-8 du code général des collectivités territoriales, les maires, les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins et les membres du conseil d'une communauté de communes qui, pour l'exercice de leur mandat, ont cessé d'exercer leur activité professionnelle de fonctionnaires territoriaux, peuvent bénéficier des dispositions des articles L. 3142-83 à L. 3142-87 du code du travail, en l'absence d'autres dispositions qui leur seraient plus favorables.

3. La circonstance que la période d'exercice effectif du mandat diffère de sa durée théorique ou de celle, qu'éventuellement, le fonctionnaire ou l'administration ont pu déterminer à l'occasion de la demande de suspension de l'activité professionnelle, notamment dans les cas où la cessation du mandat résulte de la démission de son titulaire, est sans incidence sur le droit du fonctionnaire à retrouver son précédent emploi dans les conditions désormais prévues à l'article L. 3142-84 du code du travail. En outre, lorsque le bénéficiaire de la suspension d'activité professionnelle exerce plusieurs mandats lui ouvrant droit à une telle suspension, la cessation d'un seul de ces mandats permet au fonctionnaire de retrouver son précédent emploi dans les conditions désormais prévues à l'article L. 3142-84 du code du travail.

4. Pour juger que M. B...ne pouvait retrouver son précédent emploi dans les conditions prévues à l'article L. 3142-84 du code du travail, qui lui étaient applicables en l'absence de dispositions plus favorables, la cour a relevé que l'intéressé, qui avait démissionné de son mandat de président de la communauté de communes, avait demandé sa réintégration avant le terme envisagé par l'arrêté procédant à sa mise en disponibilité et conservait, par ailleurs, un mandat de conseiller municipal. En statuant ainsi, alors que ces deux circonstances étaient sans incidence sur le droit de M. B...à retrouver son précédent emploi dans les conditions prévues à cet article et qu'au demeurant, aucune disposition du code général des collectivités territoriales ni du code du travail n'ouvre le bénéfice des articles L. 3142-83 et L. 3142-84 de ce code aux titulaires d'un mandat de conseiller municipal, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCVA la somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 23 mai 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté l'appel formé par M.B....
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La CCVA versera une somme de 3 000 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la CCVA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la communauté de communes du Val d'Albret.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'action et des comptes publics.


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