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Ariane Web: Conseil d'État 405870, lecture du 6 avril 2018, ECLI:FR:Code Inconnu:2018:405870.20180406

Décision n° 405870
6 avril 2018
Conseil d'État

N° 405870
ECLI:FR:CECHR:2018:405870.20180406
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère et 4ème chambres réunies
Mme Dorothée Pradines, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats


Lecture du vendredi 6 avril 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les décisions des 20 mars 2014 et 9 avril 2015 par lesquelles le président du conseil général de l'Eure a rejeté son recours portant sur la cessation du bénéfice du revenu de solidarité active à compter de janvier 2014 et sur la décision de récupération d'indu prise par la caisse d'allocations familiales de l'Eure au titre de la période de mai 2013 à janvier 2014, d'un montant 5 548,86 euros, ainsi que sa demande de remise gracieuse de cette dette. Par un jugement n° 1501758 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 décembre 2016, les 13 mars et 29 septembre 2017 et le 7 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Eure la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme B...A...et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat du département de l'Eure.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la caisse d'allocations familiales de l'Eure a mis fin, à compter de janvier 2014, au versement du revenu de solidarité active dont bénéficiait Mme A...et décidé la récupération d'un indu d'un montant 5 548,86 euros, correspondant aux allocations perçues de mai 2013 à janvier 2014, au motif que devait être inclus dans ses ressources, à titre d'aides et de secours financiers réguliers, le montant du loyer et des charges courantes de la maison qu'elle occupe. Par un jugement du 19 mai 2016, contre lequel Mme A...se pourvoit en cassation, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté son recours contre les décisions des 20 mars 2014 et 9 avril 2015 par lesquelles le président du conseil général de l'Eure a rejeté son recours administratif contre les décisions de la caisse d'allocations familiales ainsi que sa demande de remise gracieuse de dette.

2. Aux termes de l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles : " (...) L'ensemble des ressources du foyer (...) est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment : / (...) 2° Les modalités d'évaluation des ressources, y compris les avantages en nature. L'avantage en nature lié à la disposition d'un logement à titre gratuit est déterminé de manière forfaitaire (...) ". Aux termes de l'article R. 262-9 de ce code : " Les avantages en nature procurés par un logement occupé soit par son propriétaire ne bénéficiant pas d'aide personnelle au logement, soit, à titre gratuit, par les membres du foyer, sont évalués mensuellement et de manière forfaitaire (...) ".

3. Il résulte des dispositions de l'article R. 262-9 du code de l'action sociale et des familles que l'allocataire qui, grâce à l'intervention d'un tiers, est logé sans être lui-même redevable d'un loyer doit bénéficier de l'évaluation forfaitaire de cet avantage en nature.

4. Par suite, le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l'aide dont la requérante bénéficiait, par la mise à disposition d'un logement loué par un tiers, ne pouvait être qualifiée d'avantage en nature procurée par un logement occupé à titre gratuit au sens de l'article R. 262-9 du code l'action sociale et des familles, au motif que ce logement n'était pas mis à sa disposition directement par le bailleur.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner l'autre moyen de son pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Eure une somme de 3 000 euros à verser à MmeA..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, par ailleurs, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par le département de l'Eure.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 19 mai 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Rouen.
Article 3 : Le département de l'Eure versera à Mme A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du département de l'Eure présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au département de l'Eure.



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