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Ariane Web: Conseil d'État 414489, lecture du 11 avril 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:414489.20180411

Décision n° 414489
11 avril 2018
Conseil d'État

N° 414489
ECLI:FR:CECHR:2018:414489.20180411
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats


Lecture du mercredi 11 avril 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

1° La société Foncière Europe Logistique, aux droits de laquelle est venue la société anonyme Foncière des régions, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de déclarer que le montant des déficits fiscaux relevant de son secteur taxable s'élève à 44 814 500 euros au 31 décembre 2008 après imputation d'un montant de 18 778 602 euros correspondant à des plus-values relevant du régime de l'article 208 C ter du code général des impôts et d'ordonner la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, pour des montants de 774 617 euros en droits et 34 083 euros d'intérêts de retard, assorties des intérêts moratoires. Par un jugement n° 1308350 du 3 décembre 2015, le tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 16VE00301 du 20 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a accordé à la société Foncière des régions la restitution des impositions en litige et fixé le montant de son déficit reportable au 31 décembre 2008 à 23 487 170,50 euros.

Sous le n° 414489, par un pourvoi enregistré le 21 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de cet arrêt.


2° La société Foncière Europe Logistique, aux droits de laquelle est venue la société anonyme Foncière des régions, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de lui accorder la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, pour des montants de 3 248 452 euros en droits et 272 870 euros d'intérêts de retard. Par un jugement n° 1500255 du 30 juin 2016, le tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 16VE02435 du 20 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et accordé à la société la restitution des impositions en litige.

Sous le n° 414493, par un pourvoi enregistré le 21 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de cet arrêt.


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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes ;

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Foncière des régions.


Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois du ministre de l'action et des comptes publics présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Foncière Europe Logistique, aux droits de laquelle est venue la société Foncière des régions, a opté pour le régime des sociétés d'investissements immobiliers cotées prévu à l'article 208 C du code général des impôts. Elle a absorbé diverses sociétés au cours des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et fait application des dispositions prévues à l'article 208 C ter du même code. Dans ce cadre, elle a imputé, sur le bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés constitué des plus-values latentes sur les actifs des sociétés absorbées, le déficit de son secteur d'activité imposable. A l'issue de vérifications de comptabilité, l'administration a remis en cause cette imputation au motif que ces plus-values latentes devaient faire l'objet d'une imposition séparée. Elle a en conséquence assujetti la société à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos, d'une part, en 2008, d'autre part, en 2010 et 2011. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre les arrêts du 20 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Versailles, en tant qu'ils ont accordé à la société Foncière des régions la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de ces redressements.

3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Aux termes du II de l'article 208 C du même code : " Les sociétés d'investissements immobiliers cotées visées au I (...) peuvent opter pour l'exonération d'impôt sur les sociétés pour la fraction de leur bénéfice provenant de la location des immeubles, de la sous-location des immeubles pris en crédit-bail (...) et des plus-values sur la cession à des personnes non liées au sens du 12 de l'article 39 d'immeubles, de droits réels énumérés au sixième alinéa, de droits afférents à un contrat de crédit-bail portant sur un immeuble et de participations dans des personnes visées à l'article 8 ou dans des filiales soumises au présent régime (...) ". Aux termes de l'article 208 C ter du même code : " Lorsque, postérieurement à l'exercice de l'option prévue au premier alinéa du II de l'article 208 C, des immeubles, des droits réels mentionnés au sixième alinéa du II de ce même article, des droits afférents à un contrat de crédit-bail portant sur un immeuble (...) ou des participations dans des personnes visées à l'article 8 deviennent éligibles à l'exonération mentionnée à cet alinéa, la société doit réintégrer à son résultat fiscal soumis à l'impôt sur les sociétés une somme correspondant à la plus-value calculée par différence entre la valeur réelle de ces biens à cette date et leur valeur fiscale. Cette réintégration est effectuée par parts égales sur une période de quatre ans (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 218 du même code : " Sous réserve des dispositions des a à f du I de l'article 219, l'impôt sur les sociétés est établi sous une cote unique au nom de la personne morale ou association pour l'ensemble de ses activités imposables en France ". En vertu du IV de l'article 219 du même code, le taux de l'impôt sur les sociétés est fixé, en ce qui concerne les plus-values imposables en application de l'article 208 C ter, à 16,5 % au titre de l'année 2008 et à 19 % au titre des années 2010 et 2011.

4. Il résulte des dispositions de l'article 218 du code général des impôts que, sous réserve de l'application des dispositions des a à f du I de l'article 219 du même code, qui prévoient en particulier l'imposition séparée des plus-values à long terme, l'impôt sur les sociétés est établi sous une cote unique. En application de l'article 38 du même code, l'assiette de cet impôt est déterminée en tenant compte des résultats d'ensemble de l'exploitation. Ces dispositions sont applicables pour l'imposition des plus-values latentes mentionnées à l'article 208 C ter, dès lors qu'aucune disposition du code général des impôts ne prévoit leur imposition séparée, l'article 208 C ter prévoyant explicitement qu'elles sont réintégrées au résultat fiscal de la société. Enfin, les dispositions du IV de l'article 219 du code général des impôts, qui concernent le taux de l'impôt sur les sociétés applicable notamment, à ces plus-values latentes, n'ont ni pour objet, ni pour effet de déroger aux règles, rappelées ci-dessus, qui déterminent l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

5. La cour administrative d'appel a jugé que les plus-values latentes en litige ne devaient pas faire l'objet d'une imposition séparée et qu'aucun principe de non-fongibilité des charges et produits soumis à des taux d'impôt sur les sociétés différents ne faisait obstacle à ce que ces plus-values soient compensées par des déficits du secteur imposable. Il résulte de ce qui est dit au point 4 qu'en statuant ainsi, la cour n'a ni omis de tenir compte des dispositions du IV de l'article 219 du code général des impôts, ni méconnu ces dispositions ou celles de l'article 208 C ter du même code. Par suite, le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque, en tant qu'ils ont fait droit aux conclusions de la société Foncière des régions.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Foncière des régions de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois du ministre de l'action et des comptes publics sont rejetés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Foncière des régions la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société anonyme Foncière des régions.