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Ariane Web: Conseil d'État 406843, lecture du 26 avril 2018, ECLI:FR:CECHS:2018:406843.20180426

Décision n° 406843
26 avril 2018
Conseil d'État

N° 406843
ECLI:FR:CECHS:2018:406843.20180426
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Marie Sirinelli, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public


Lecture du jeudi 26 avril 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 janvier et 19 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 novembre 2016 relatif à la valorisation des activités médicales programmées réalisées en première partie de soirée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 84-135 du 24 février 1984 ;
- le décret n° 90-92 du 24 janvier 1990 ;
- le décret n° 95-569 du 6 mai 1995 ;
- l'arrêté du 30 avril 2003 modifié relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 novembre 2016 relatif à la valorisation des activités médicales programmées réalisées en première partie de soirée, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, le ministre de l'économie et des finances, le ministre des affaires sociales et de la santé et le secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics ont prévu qu'afin de mieux répondre aux besoins des patients et d'optimiser l'utilisation des plateaux techniques dans les établissements publics de santé, certaines activités médicales programmées puissent être organisées sur des périodes qui s'achèvent après le début du service de permanence et de continuité des soins organisé pour la nuit et ont précisé les modalités de comptabilisation et d'indemnisation du temps de travail réalisé durant ces périodes par le personnel enseignant et hospitalier, les praticiens hospitaliers à temps plein, les praticiens hospitaliers à temps partiel, les assistants des hôpitaux, les assistants associés, les praticiens attachés, les praticiens attachés associés, les praticiens contractuels et les praticiens adjoints contractuels. Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

Sur la compétence des auteurs de l'arrêté attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le personnel des établissements publics de santé comprend, outre les agents relevant de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et les personnels enseignants et hospitaliers mentionnés à l'article L. 952-21 du code de l'éducation : / 1° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens dont le statut (...) est établi par voie réglementaire ; / 2° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens recrutés par contrat dans des conditions déterminées par voie réglementaire (...) ; / 3° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens recrutés par contrat sur des emplois présentant une difficulté particulière à être pourvus ; / 4° Des praticiens contractuels associés, exerçant sous la responsabilité directe d'un médecin, d'un odontologiste ou d'un pharmacien et qui participent à l'activité de médecine, d'odontologie ou de pharmacie ". L'article L. 6152-6 du même code dispose que : " Sont déterminées par décret en Conseil d'Etat les mesures réglementaires prévues aux articles L. 6152-1, L. 6152-4 et, en tant que de besoin, les modalités d'application des autres dispositions du présent chapitre et de l'article L. 6152-1-1 ".

3. D'une part, les dispositions statutaires concernant les praticiens hospitaliers à temps plein, résultant de l'article R. 6152-27 du code de la santé publique et applicables au personnel enseignant et hospitalier en vertu des articles 2 des décrets du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires et du 24 janvier 1990 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres de soins, d'enseignement et de recherche dentaires des centres hospitaliers et universitaires, prévoient que : " Le service hebdomadaire est fixé à dix demi-journées, sans que la durée de travail puisse excéder quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée en moyenne sur une période de quatre mois. Lorsqu'il est effectué la nuit, celle-ci est comptée pour deux demi-journées. / Lorsque l'activité médicale est organisée en temps continu, l'obligation de service hebdomadaire du praticien est, par dérogation au premier alinéa, calculée en heures, en moyenne sur une période de quatre mois, et ne peut dépasser quarante-huit heures. / Le praticien peut accomplir, sur la base du volontariat au-delà de ses obligations de service hebdomadaires, un temps de travail additionnel donnant lieu soit à récupération, soit au versement d'indemnités de participation à la continuité des soins et, le cas échéant, d'indemnités de temps de travail additionnel. / Il bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives par période de vingt-quatre heures. (...) ". La même comptabilisation du temps de travail par demi-journée, le jour ou la nuit, est prévue par les dispositions du code de la santé publique applicables aux praticiens hospitaliers à temps partiel, aux assistants des hôpitaux, aux praticiens attachés, aux praticiens contractuels, ainsi que, pour les praticiens adjoints contractuels, par l'article 11 du décret du 6 mai 1995 relatif aux médecins, aux pharmaciens et aux chirurgiens-dentistes recrutés par les établissements publics de santé, les établissements de santé privés habilités à assurer le service public hospitalier et l'Etablissement français du sang.

4. D'autre part, aux termes du dernier alinéa de l'article 30 du décret du 24 février 1984, qui prévoit notamment le versement d'indemnités de participation à la permanence des soins pour les praticiens hospitaliers universitaires : " Le montant, les conditions d'attribution et les modalités de versement des indemnités mentionnées au présent article sont fixés par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur, de la santé et du budget ". En vertu des articles D. 6152-23-1, D. 6152-220-1 et D. 6152-417 du code de la santé publique, le montant, les conditions d'attribution et les modalités de versement des indemnités de participation à la permanence des soins ou de réalisation de périodes de travail au-delà des obligations de service hebdomadaires, prévues au bénéfice respectivement des praticiens hospitaliers à temps plein, des praticiens des hôpitaux à temps partiel et des praticiens contractuels, sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget et de la santé. Enfin, en vertu des articles D. 6152-514-1, D. 6152-539-4, D. 6152-612-1 et D. 6152-633-1 du même code et de l'article 23 du décret du 6 mai 1995, le montant et les modalités de versement des mêmes indemnités ou des indemnités de sujétion et des indemnités forfaitaires, prévues au bénéfice respectivement des assistants des hôpitaux, des assistants associés, des praticiens attachés, des praticiens attachés associés et des praticiens adjoints contractuels, sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale.

5. Si seul un décret en Conseil d'Etat, pris sur le fondement de l'article L. 6152-6 du code de la santé publique, pouvait prévoir des dispositions à caractère statutaire et, notamment, définir le temps de travail effectif et les repos auxquels ont droit les praticiens mentionnés au point 1, les dispositions de l'arrêté attaqué se bornent à prévoir, dans le cadre statutaire rappelé au point 3, les modalités d'organisation du service indissociables des conditions d'attribution des indemnités correspondantes, en cas de dépassement, par les activités médicales programmées, des bornes de la période de jour définies dans chaque établissement en application des dispositions de l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence au motif qu'il édicterait des mesures de nature statutaire.

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

6. L'article 5 de l'arrêté attaqué prévoit que le temps de travail médical réalisé au titre des activités programmées qui recouvre la période correspondant au service de permanence et de continuité des soins est comptabilisé comme du temps de travail relevant des obligations de service, inscrit dans les tableaux de service et intégré au service quotidien de jour et qu'il est décompté en heures. En outre, aux termes de son article 6 : " Le temps de travail comptabilisé dans ce cadre correspond au temps de travail réalisé entre la borne de la période de jour, telle qu'elle est fixée dans l'établissement, et l'heure de fin de l'activité concernée telle qu'elle a été arrêtée au niveau institutionnel. / Une durée de cinq heures cumulées est convertie en une demi-journée. / Par dérogation au précédent alinéa, lorsque le temps de travail effectué en continu atteint quatre heures consécutives, il est décompté à hauteur d'une demi-journée ".

7. En premier lieu, ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre l'emploi des praticiens hospitaliers dans des conditions méconnaissant la durée minimale de onze heures de repos quotidien ou la durée maximale de quarante-huit heures de travail hebdomadaire prévues par l'article R. 6152-27 du code de la santé publique cité au point 3 et, ainsi, d'en méconnaître les dispositions. Pour les mêmes motifs, elles ne sont pas davantage incompatibles avec les articles 3 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, que les dispositions de l'article R. 6152-27 transposent.

8. En deuxième lieu, les dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté attaqué organisent, de façon suffisamment claire et intelligible, la conversion en demi-journées des heures que les praticiens hospitaliers pourraient être amenés à réaliser en première partie de soirée au titre d'activités médicales programmées, afin que chacune de ces heures puisse, ainsi qu'elle le doit, être prise en compte au titre des obligations de service telles que définies par les dispositions statutaires citées au point 3. Par suite, le syndicat requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que l'arrêté attaqué ne permettrait pas d'assurer dans tous les cas le respect des dispositions de l'article R. 6152-27 du code de la santé publique fixant à dix demi-journées le service hebdomadaire des praticiens hospitaliers.

9. En troisième lieu, si l'article 1er de l'arrêté du 30 avril 2003 dispose que : " (...) L'organisation des activités médicales, pharmaceutiques et odontologiques comprend un service quotidien de jour et un service relatif à la permanence des soins, pour la nuit, le samedi après-midi, le dimanche et les jours fériés, sous forme de permanence sur place ou par astreinte à domicile. / Elle détermine la durée des deux périodes, sur 24 heures, correspondant au jour et à la nuit qui ne peuvent en aucun cas avoir une amplitude supérieure à 14 heures ", les dispositions de l'arrêté attaqué citées au point 6 se bornent à organiser la comptabilisation et l'indemnisation des heures de travail effectuées par les praticiens lors d'activités médicales programmées sur des périodes qui s'achèvent après le début du service de permanence et de continuité des soins et, en tout état de cause, ne dérogent aucunement, ainsi d'ailleurs que le soutient l'administration en défense, à ces dispositions de l'arrêté du 30 avril 2003 fixant à quatorze heures l'amplitude maximale de chacun des services quotidiens. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait ces dispositions ne peut, dès lors, qu'être écarté.

10. En dernier lieu, d'une part, les auteurs de l'arrêté attaqué ont pu, sans méconnaître les dispositions du code de la santé publique prévoyant des indemnités compensatrices pour le travail de nuit, notamment celles de l'article D. 6152-23-1, déterminer les conditions dans lesquelles des obligations de service accomplies, dans une mesure limitée et des hypothèses précises, au-delà de l'horaire habituellement retenu par un établissement public de santé pour définir la fin de la période de jour ne relèvent pas de la participation à la permanence des soins et ne donnent pas lieu au versement d'indemnités de sujétion à ce titre. D'autre part, le syndicat requérant ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de l'arrêté attaqué, des dispositions de l'arrêté du 30 avril 2003 relatives à la détermination des obligations de service la nuit.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2016 relatif à la valorisation des activités médicales programmées réalisées en première partie de soirée. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.


D E C I D E :
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Article 1er : La requête du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi, à la ministre des solidarités et de la santé et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.