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Ariane Web: Conseil d'État 391876, lecture du 2 mai 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:391876.20180502

Décision n° 391876
2 mai 2018
Conseil d'État

N° 391876
ECLI:FR:CECHR:2018:391876.20180502
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Christian Fournier, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP GASCHIGNARD, avocats


Lecture du mercredi 2 mai 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'organisme de gestion de l'école Notre-Dame de Plestin-les-Grèves (OGEC) a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plestin-les-Grèves à lui verser la somme de 292 283 euros, assortie des intérêts, au titre des dépenses de fonctionnement des classes maternelle et élémentaires pour les années scolaires 1991-1992 à 2001-2002 en application du contrat d'association souscrit le 15 janvier 1982, ainsi que la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 061410 du 17 novembre 2009, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plestin-les-Grèves à verser à l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves la somme de 222 344,70 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre des dépenses de fonctionnement des classes maternelle et élémentaires pour les années scolaires 1991-1992 à 2001-2002, a mis à la charge de la commune les frais d'expertise et a rejeté le surplus de la demande de l'OGEC. Le tribunal administratif a, en outre, rejeté les conclusions de la commune de Plestin-les-Grèves tendant à la condamnation de l'Etat à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par un arrêt n° 10NT00069 du 1er juillet 2011, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la commune de Plestin-les-Grèves contre ce jugement.

Par une décision n° 352314 du 14 février 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Par un arrêt n° 14NT00579 du 21 mai 2015, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi, a condamné la commune de Plestin-les-Grèves à verser à l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves la somme de 135 989 euros au titre des dépenses de fonctionnement des classes maternelle et élémentaires pour les années scolaires 1991-1992 à 1995-1996, 2000-2001 et 2001-2002, assortie des intérêts au taux légal, réformé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 novembre 2009 en ce qu'il avait de contraire à son arrêt et rejeté le surplus des conclusions d'appel de la commune.

Procédure devant le Conseil d'Etat

1° Sous le n° 391876, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 juillet et 16 octobre 2015 et le 4 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Plestin-les-Grèves demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 14NT00579 du 21 mai 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° Sous le n° 391966, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet et 23 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'organisme de gestion de l'école Notre-Dame de Plestin-les-Grèves (OGEC) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 14NT00579 du 21 mai 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par la commune de Plestin-les-Grèves ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plestin-les-Grèves une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;
- le décret n°60-389 du 22 avril 1960 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Plestin-les-Grèves, à la SCP Gaschignard, avocat de l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Plestin-les-Grèves participe aux dépenses de fonctionnement de l'école privée Notre-Dame qui y est établie depuis que l'organisme de gestion de cette école (OGEC) a conclu avec l'Etat un contrat d'association le 15 janvier 1982. Après avoir engagé devant la chambre régionale des comptes de Bretagne, en application de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, une procédure d'inscription d'office au budget de la commune de dépenses de fonctionnement des classes maternelles et élémentaires au titre des années scolaires 1991-1992 à 1995-1996, cet OGEC a demandé à la commune, par lettre du 19 décembre 2002, de lui verser une somme de 292 283 euros en réparation du préjudice financier résultant, au titre des années scolaires 1991-1992 à 2001-2002, d'une part, de l'insuffisance des montants perçus par élève au regard du principe de parité avec l'enseignement public garanti par les dispositions du troisième alinéa de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés, reprises à l'article L. 442-5 du code de l'éducation et, d'autre part, de la fin de la prise en charge financière des élèves de maternelle à la suite d'une délibération du 22 juillet 1993 revenant sur une délibération du 28 novembre 1981 qui avait accepté cette prise en charge. Après avoir sollicité et obtenu du juge de référés du tribunal administratif de Rennes une expertise sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative pour déterminer le montant de son préjudice financier, l'OGEC a saisi ce tribunal d'une demande tendant à sa réparation ainsi qu'à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par un jugement du 17 novembre 2009, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune à payer à l'OGEC la somme de 222 344,70 euros au titre de son préjudice financier et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'OGEC, ainsi que les conclusions de la commune tendant à la condamnation de l'Etat à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre. Par un arrêt du 1er juillet 2011, la cour administrative de Nantes a rejeté l'appel de la commune contre ce jugement. Toutefois, par une décision du 14 février 2014, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour. Par un arrêt du 21 mai 2015, celle-ci a condamné la commune à verser à l'OGEC la somme de 135 989 euros en estimant que la prescription était acquise au titre des années scolaires 1996-1997 à 1999-2000, a réformé le jugement du tribunal administratif de Rennes en ce qu'il avait de contraire à son arrêt et a rejeté le surplus des conclusions d'appel. La commune et l'OGEC se pourvoient en cassation contre cet arrêt en ce qu'il leur est défavorable. Il y a lieu de joindre leurs pourvois pour statuer par une seule décision.

Sur le pourvoi de la commune :

2. Aux termes de l'article 2 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dont les dispositions ont été reprises puis complétées par l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement (...) ".

3. A l'appui de ses conclusions indemnitaires, l'OGEC soutenait devant les juges du fond que ni la délibération précitée du 22 juillet 1993 refusant la prise en charge financière des élèves de maternelle ni les délibérations qui ont fixé, chaque année, le montant de la participation par élève versée par la commune ne lui avaient été notifiées, de sorte que ces délibérations n'étaient pas exécutoires et que la commune avait commis une faute en les lui appliquant. Après avoir jugé que ces délibérations devaient être notifiées et non seulement affichées en mairie comme elles l'avaient été, la cour a estimé que la commune ne pouvait utilement soutenir que l'OGEC aurait eu connaissance de certaines d'entre elles à l'occasion de différents échanges, notamment avec le préfet, dès lors que cette circonstance n'aurait d'effet que sur les délais de recours. En s'abstenant de répondre à l'argumentaire circonstancié de la commune selon lequel l'OGEC avait pris connaissance des délibérations en cause au cours de ces échanges et devait être regardé, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme en ayant reçu notification, la cour a insuffisamment motivé son arrêt. Dès lors, la commune est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il lui est défavorable.

Sur le pourvoi de l'OGEC :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. ". En vertu de l'article 2 de la même loi, la prescription est notamment interrompue par " toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la lettre du 19 décembre 2002, reçue le 26 décembre 2002, par laquelle l'OGEC a demandé à la commune de lui verser la somme de 292 283 euros en réparation de son préjudice financier doit être regardée comme une réclamation ayant trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance au sens des dispositions précitées. Par suite, en jugeant que les créances relatives aux dépenses de fonctionnement invoquées par l'OGEC au titre des années scolaires 1997-1998 à 1999-2000 étaient atteintes par la prescription quadriennale au motif qu'elles n'avaient fait l'objet d'aucune réclamation antérieure au 16 juin 2005, date de la saisine du juge des référé du tribunal administratif de Rennes tendant à la désignation d'un expert, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. En outre, la cour n'a pas répondu au moyen soulevé en défense devant les juges du fond et tiré de ce que, pour l'année scolaire 1996-1997, la prescription avait été interrompue par l'envoi par l'OGEC à la commune d'une lettre du 28 mai 1998 réclamant notamment le paiement des sommes qui auraient alors dû être perçues. Dès lors, l'OGEC est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il lui est défavorable.

6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

7. En premier lieu, il ressort en tout état de cause des statuts de l'OGEC, tels qu'ils ont été modifiés le 21 décembre 1995, d'une part, qu'il a pour objet d'assurer la gestion de l'école Notre-Dame de Plestin-les-Grèves et, d'autre part, que ses ressources se composent notamment des participations versées par les collectivités territoriales. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la commune, l'OGEC avait qualité à agir pour engager l'action indemnitaire introduite devant le tribunal administratif de Rennes.

8. En second lieu, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

9. Par ailleurs, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.

10. Les délibérations annuelles fixant la participation d'une commune au fonctionnement des classes des écoles privées sous contrat d'association présentent le caractère de décisions individuelles dont l'objet est purement pécuniaire et non de mesures réglementaires relatives à l'organisation du service public de l'enseignement.

11. Il résulte de l'instruction que les délibérations annuelles litigieuses fixant la participation de la commune de Plestin-les-Grèves aux dépenses de fonctionnement de l'école Notre-Dame n'ont pas été notifiées à l'OGEC en application des dispositions de l'article 2 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, désormais codifiées à l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales.

12. Si la commune soutient que l'OGEC avait eu connaissance de toutes les délibérations annuelles fixant sa participation au fonctionnement de l'école Notre-Dame au titre des années scolaires 1991-1992 à 2001-2002 plus d'un an avant le 29 mars 2006, date à laquelle il a saisi le juge administratif de sa demande tendant à la réparation des préjudices liés à leur illégalité, elle se borne à produire, en premier lieu, les délibérations relatives aux deux premières années scolaires en litige avec mention de leur affichage en mairie, en deuxième lieu, les extraits des comptes de gestion des années 1991 à 1993 correspondant aux sommes versées au cours des mêmes années scolaires ainsi que les bordereaux de mandats relatifs aux sommes versées sur l'ensemble de la période et, en troisième lieu, le compte-rendu d'une réunion de la commission de concertation de l'enseignement privé du 22 novembre 1995 faisant état de la délibération du 13 octobre 1994 relative à l'année scolaire 1993-1994.

13. Alors que l'OGEC reconnaît uniquement, dans le dernier état de ses écritures, avoir eu connaissance de la délibération du 13 octobre 1994, contre laquelle il a d'ailleurs formé un recours gracieux, et soutient, sans être contredit, avoir été dans l'incapacité de comprendre les modalités de calcul des autres participations qu'il a perçues, il ne peut être regardé comme ayant eu connaissance des délibérations autres que celle portant sur l'année scolaire 1993-1994.

14. S'agissant de la délibération du 13 octobre 1994, compte tenu des procédures auxquelles elle a donné lieu, d'une part, dès 1995, devant la commission de concertation de l'enseignement privé et, d'autre part, dès 1996 devant la chambre régionale des comptes de Bretagne, puis devant la juridiction administrative jusqu'à une décision du 21 mars 2007 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, qui confirme finalement l'avis rendu le 11 juillet 1996 par la chambre régionale des comptes de Bretagne, il y a lieu d'admettre, dans les circonstances particulières de l'espèce, que les conclusions tendant à réparer le préjudice résultant de l'illégalité dont elle pouvait être entachée, même si elles n'ont été présentées à la juridiction administrative que le 29 mars 2006, ne l'ont pas été au-delà d'un délai raisonnable après que l'OGEC a eu connaissance de la délibération.

15. Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par la commune doit être écartée pour l'ensemble des années scolaires en litige.

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le maire de la commune :

16. Il résulte de l'instruction que la prescription quadriennale a été interrompue, en premier lieu, s'agissant des délibérations annuelles relatives aux années scolaires 1991-1992 à 1995-1996, par la saisine de la chambre régionale des comptes de Bretagne intervenue le 5 juin 1996, en deuxième lieu, pour les délibérations relatives aux années scolaires 1997-1998 à 1999-2000, par la lettre du 19 décembre 2002 visée au point 5 et, en troisième lieu, pour les délibérations relatives aux années scolaires 2000-2001 et 2001-2002, par la saisine du juge des référés du tribunal administratif de Rennes intervenue le 16 juin 2005. En revanche, s'agissant de l'année scolaire 1996-1997, il ne résulte pas de l'instruction que l'OGEC ait adressé à la commune la lettre du 28 mai 1998 dont il se prévaut. La commune est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a refusé de faire droit à l'exception de prescription quadriennale opposée par son maire, pour cette seule année scolaire.

Sur la réparation du préjudice dont se prévaut l'OGEC au titre des années scolaires non prescrites :

17. Aux termes du troisième alinéa de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés, dont les dispositions ont été codifiées à l'article L. 442-5 du code de l'éducation : " Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 22 avril 1960 relatif au contrat d'association à l'enseignement public passé par les établissements d'enseignement privés, dont les dispositions ont été modifiées par le décret du 12 juillet 1985 et ont été codifiées à l'article R. 442-44 du code de l'éducation : " En ce qui concerne les classes élémentaires, les communes de résidence sont tenues d'assumer, pour les élèves domiciliés sur leur territoire et dans les mêmes conditions que pour les classes élémentaires publiques, les dépenses de fonctionnement (matériel) des classes sous contrat, sous réserve des charges afférentes aux personnels enseignants rémunérés directement par l'Etat./ En ce qui concerne les classes maternelles ou enfantines, la commune siège de l'établissement, si elle a donné son accord à la conclusion du contrat, est tenue d'assumer, pour les élèves domiciliés dans la commune et dans les mêmes conditions que pour les classes maternelles ou enfantines publiques, les dépenses de fonctionnement (matériel) des classes sous contrat, sous réserve des charges afférentes aux personnels enseignants rémunérés directement par l'Etat. (...) ".

En ce qui concerne la délibération du 22 juillet 1993 :

18. Pour les écoles privées ayant conclu avec l'Etat un contrat d'association pour une durée déterminée avec tacite reconduction, les communes qui ne souhaitent pas renouveler leur accord de prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles doivent prendre une délibération en ce sens et la notifier à la personne morale responsable de l'école avant la reconduction tacite du contrat. En cas de contrat d'association à durée indéterminée, la délibération peut être prise à tout moment. Sous réserve de sa transmission à l'Etat au titre du contrôle de légalité, elle devient exécutoire, en dépit des stipulations contraires qui seraient maintenues dans le contrat d'association, dès qu'elle a été notifiée à son destinataire. Elle ne peut, toutefois, produire d'effet au cours de l'année scolaire au cours de laquelle elle est ainsi notifiée.

19. Il résulte de l'instruction que, par une délibération du 22 juillet 1993, la commune de Plestin-les-Grèves a, d'une part, dénoncé l'accord qu'elle avait donné à la prise en charge financière des dépenses de fonctionnement des classes maternelles de l'école Notre-Dame située sur son territoire par une délibération du 28 novembre 1981 antérieure au contrat d'association conclu le 15 janvier 1982 par l'Etat pour une durée indéterminée et a, d'autre part, demandé au préfet de résilier le contrat sur ce point. Si le directeur diocésain de l'enseignement catholique qui exerce la tutelle sur l'organisme de gestion de cette école a été rendu destinataire par le préfet, dès le 5 octobre 1993, d'un avenant au contrat d'association destiné à tirer les conséquences de la délibération, ni lui-même ni l'OGEC n'ont été rendu destinataires, au cours des échanges qui ont suivi, de cette délibération, qui a simplement été transmise à l'Etat au titre du contrôle de légalité et affichée en mairie.

20. Toutefois, il résulte de l'instruction que, dans les circonstances particulières de l'espèce, et eu égard, notamment, au fait que, au cours d'une réunion de la commission de concertation de l'enseignement privé du 22 novembre 1995, le contenu de la délibération du 22 juillet 1993 a été très précisément exposé aux représentants de l'OGEC, celui-ci doit être regardé comme en ayant reçu notification à la date du 22 novembre 1995. Cette délibération a, dès lors, pu légalement produire ses effets à compter de l'année scolaire 1996-1997.

21. Si l'OGEC soutient qu'après la délibération du 13 octobre 1994 qui a, pour la première fois, tiré les conséquences de l'absence de prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles au titre de l'année scolaire 1993-1994, la délibération du 18 janvier 1996 relative à l'année scolaire 1994-1995 et les suivantes ne lui auraient pas été notifiées, cette circonstance, à la supposer établie, est sans lien de causalité avec le préjudice qu'il invoque et qui résulte, selon lui, de ce que à compter de la délibération du 22 juillet 1993, les délibérations annuelles de la commune ne prévoient plus aucune participation au fonctionnement des classes maternelles.

22. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Rennes, l'OGEC, auquel la commune ne saurait de son côté utilement opposer le fait que, faute d'avoir été notifiée, la délibération du 28 novembre 1981 ne lui serait pas opposable, peut seulement prétendre à la réparation du préjudice né de l'absence de prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles pour l'année 1995-1996 et les années scolaires antérieures.

En ce qui concerne l'insuffisante prise en charge des dépenses de fonctionnement :

23. La circonstance que les délibérations annuelles de la commune fixant le montant de sa participation n'aient pas été notifiées à l'OGEC, à la supposer établie, est sans lien de causalité avec le préjudice que celui-ci invoque, qui est tiré du caractère insuffisant des sommes qu'il a effectivement perçues.

24. Il résulte de tout ce qui précède qu'au regard du principe de parité rappelé au point 17 de la présente décision, l'OGEC a droit à être indemnisé par la commune, au titre des deux premières années scolaires 1991-1992 et 1992-1993, à hauteur de l'insuffisance de prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles et élémentaires, au titre des trois années scolaires suivantes 1993-1994 à 1995-1996, à hauteur de l'absence de prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles et de l'insuffisance de leur prise en charge pour les classes élémentaires et, enfin, au titre des cinq dernières années scolaires 1997-1998 à 2001-2002, à hauteur de l'insuffisance de prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes élémentaires.

En ce qui concerne le montant de la réparation due à l'OGEC :

25. Le montant de la réparation due à l'OGEC correspond, pour chacune de ces années scolaires, à la différence entre le produit du nombre d'élèves à prendre en compte par un forfait individuel par élève calculé au regard des dépenses de fonctionnement des écoles publiques et les montants reçus par l'OGEC, telle qu'elle figure à l'annexe 12 de l'expertise ordonnée en référé.

26. Si la commune conteste la méthode proposée par l'expert pour le calcul des charges non affectées, ainsi que le coût des fournitures de vêtements, des fournitures administratives, des frais d'affranchissement, le montant des charges d'assurance et le coût des services de paie et de comptabilité, elle ne propose aucune autre méthode plus précise et n'apporte pas d'éléments de nature à établir que les chiffres retenus par l'expert seraient erronés. En revanche, il y a lieu, pour l'année scolaire 1997-1998, de déduire des coûts de fonctionnement des classes élémentaires publiques, une somme de 18 307 francs correspondant, en réalité, à une charge d'investissement et de tirer les conséquences de cette déduction pour les quatre années scolaires suivantes dès lors que les évaluations de l'expert relatives aux dépenses de fonctionnement ont été calculées à partir d'une simple actualisation d'année en année.

27. Il y a lieu, dès lors, de fixer à 117 914 euros la somme arrondie qui doit être versée par la commune à l'OGEC, avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2002 et capitalisation de ces derniers à compter du 26 mars 2006, date à laquelle elle a été demandée au tribunal administratif alors que les intérêts étaient dus au moins pour une année entière, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur l'appel en garantie contre l'Etat :

28. Si la commune soutient qu'il appartenait au préfet de modifier le contrat d'association du 15 janvier 1982 et, au besoin, de le résilier, et qu'en s'abstenant de le faire il a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, elle est seule responsable du délai dans lequel sa délibération du 22 juillet 1993 a été prise et a pu produire des effets. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions d'appel en garantie.

29. Il résulte de ce qui précède que la commune de Plestin-les-Grèves n'est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à indemniser l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves que dans la limite de la réduction prononcée au point 27 ci-dessus et qu'il y a seulement lieu de réformer ce jugement dans ce qu'il a de contraire.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves le versement à la commune de Plestin-les-Grèves de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 21 mai 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : La commune de Plestin-les-Grèves est condamnée à verser à l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves à la somme de 117 914 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2002 et les intérêts seront capitalisés à compter du 26 mars 2006 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 novembre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'organisme de gestion de l'Ecole Notre-Dame de Plestin-les-Grèves versera à la commune de Plestin-les-Grèves une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la commune de Plestin-les-Grèves est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de l'organisme de gestion de l'Ecole Notre-Dame de Plestin-les-Grèves présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la commune de Plestin-les-Grèves et à l'organisme de gestion de l'école Notre-Dame de Plestin-les-Grèves.


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