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Ariane Web: Conseil d'État 392498, lecture du 2 mai 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:392498.20180502

Décision n° 392498
2 mai 2018
Conseil d'État

N° 392498
ECLI:FR:CECHR:2018:392498.20180502
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Laurent-Xavier Simonel, rapporteur
M. Vincent Daumas, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE, avocats


Lecture du mercredi 2 mai 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Le 27 octobre 2012, le préfet de la Haute-Loire a déféré au tribunal administratif de Clermont-Ferrand les trois délibérations du 10 août 2012 par lesquelles le conseil municipal de la commune de Chanaleilles a décidé de répartir entre les titulaires du droit d'affouage des sections de commune de Chanaleilles, de Madrières et du Pin le reliquat du produit des ventes des coupes de bois réalisées au titre des années 2009 et 2010 sur le territoire de chacune de ces sections.

Par trois jugements n° 1201849, 1201892 et 1201893 du 3 décembre 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces délibérations.

Par trois arrêts n° 14LY00372, 14LY00368 et 14LY00367 du 9 juin 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté les appels formés par la commune de Chanaleilles contre ces jugements.

Procédures devant le Conseil d'Etat :

1° Sous le n° 392498, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 10 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Chanaleilles demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 14LY00372 de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 juin 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le n° 392501, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 10 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Chanaleilles demande, par le même moyen que sous le n° 392498, au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 14LY00367 de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 juin 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................


3° Sous le n° 392503, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 10 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Chanaleilles demande, par le même moyen que sous le n° 392498, au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 14LY00368 de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 juin 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code forestier ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de la commune de Chanaleilles ;



Considérant ce qui suit :

1. Les trois pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par trois délibérations du 10 août 2012, le conseil municipal de Chanaleilles a décidé de répartir entre les titulaires du droit d'affouage des sections de Chanaleilles, Madrières et du Pin le reliquat du produit des ventes de coupes de bois effectuées pour les années 2009 et 2010 sur le territoire de ces sections. La commune de Chanaleilles se pourvoit en cassation contre les trois arrêts du 9 juin 2015 par lesquels la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté ses appels contre les jugements du 3 décembre 2013 par lesquels le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces délibérations.

3. Aux termes de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable aux litiges délibérations attaquées : " Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. / La section de commune a la personnalité juridique ". Aux termes de l'article L. 2411-10 du même code, dans sa rédaction applicable aux délibérations attaquées : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature. (...) Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale ".

4. L'article L. 243-1 du code forestier dispose : " Pour chaque coupe des bois et forêts appartenant à des communes et sections de commune, le conseil municipal (...) peut décider d'affecter tout ou partie du produit de la coupe au partage en nature entre les bénéficiaires de l'affouage pour la satisfaction de leur consommation rurale et domestique. Ces bénéficiaires ne peuvent pas vendre les bois qui leur ont été délivrés en nature. / L'Office national des forêts délivre les bois au vu d'une délibération du conseil municipal déterminant le mode de partage choisi en application de l'article L. 243-2 ainsi que les délais et les modalités d'exécution et de financement de l'exploitation. / Les bois sont délivrés lorsqu'ils sont en état d'être livrés aux bénéficiaires soit sur pied lorsque la totalité des bois issus de la coupe est destinée au partage en nature, soit, dans les autres cas, après identification des bois abattus non destinés au partage. (...) ". Aux termes de l'article L. 243-2 du même code : " Sauf s'il existe des titres contraires, le partage de l'affouage, qu'il s'agisse des bois de chauffage ou des bois de construction, se fait de l'une des trois manières suivantes : / 1° ou bien par foyer dont le chef de famille a son domicile réel et fixe dans la commune avant la date de publication du rôle de l'affouage ; / 2° ou bien moitié par foyer et moitié par habitant remplissant les mêmes conditions de domicile. Les ascendants vivant avec leurs enfants ont droit à l'affouage sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils ont la charge effective d'une famille ; / 3° ou bien par habitant ayant son domicile réel et fixe dans la commune avant la date mentionnée au 1°. (...) ". Le dernier alinéa de l'article L. 243-3 du même code ajoute : " Le conseil municipal peut aussi décider la vente de tout ou partie de l'affouage au profit du budget communal ou des titulaires du droit d'affouage. Dans ce dernier cas, la vente a lieu dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent titre, par les soins de l'Office national des forêts ". Sous le même chapitre relatif aux coupes délivrées pour l'affouage, l'article R. 243-1 du même code prévoit que : " La quotité annuelle de l'affouage, toutes les fois qu'elle ne consiste pas en une délivrance fixe, et le revenu annuel de tous droits d'usage en bois, autres que le droit d'usage en bois de construction, sont déterminés par des moyennes calculées sur le plus grand nombre d'années possible " et le premier alinéa de l'article R. 243-2 du même code dispose : " Les communes font connaître à l'Office national des forêts, dans le délai qu'il leur indique, la quantité de bois qui leur est nécessaire tant pour le chauffage que pour la construction et les réparations ".

5. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées aux points 3 et 4 qu'une section de commune est une personne morale de droit public possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune et que, si les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou ces droits. Les revenus en espèces, qui doivent être affectés en priorité à la prise en charge des dépenses relatives à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements correspondants, doivent être employés dans l'intérêt exclusif de cette personne publique qui ne peut, en principe, les redistribuer entre ses ayants droit. Toutefois, un conseil municipal peut décider de ne pas partager en nature une coupe de bois d'affouage entre les titulaires du droit d'affouage mais d'en vendre tout ou partie, soit au profit du budget communal pour un emploi dans l'intérêt de la section, soit à titre dérogatoire au profit des membres de la section titulaires du droit d'affouage. A cette fin et quels qu'aient pu être les facteurs naturels à l'origine de la décision de coupe, le conseil municipal doit préalablement, d'une part, affecter à l'affouage la coupe dont il envisage la vente en fonction de la quantité de bois propre à satisfaire la consommation rurale et domestique des titulaires du droit d'affouage et selon un mode de partage déterminé et, d'autre part, arrêter les délais et les modalités d'exécution et de financement de l'exploitation de cette coupe. Il doit, également, préciser les motifs pour lesquels, le cas échéant, il ne destine pas tout ou partie du produit de la vente au budget communal mais le réserve aux membres de la section titulaires du droit d'affouage.

6. Il résulte de ce qui précède que, en jugeant que les coupes de bois litigieuses n'avaient été ni affectées à l'affouage ni délivrées sous ce régime, dès lors que le conseil municipal n'avait pas préalablement déterminé les quantités de bois qu'il destinait à l'affouage et le mode de partage retenu, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

7. Les pourvois de la commune de Chanaleilles doivent donc être rejetés, y compris en leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Les pourvois de la commune de Chanaleilles sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Chanaleilles, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Voir aussi