Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 406761, lecture du 9 mai 2018, ECLI:FR:CECHS:2018:406761.20180509

Décision n° 406761
9 mai 2018
Conseil d'État

N° 406761
ECLI:FR:CECHS:2018:406761.20180509
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Florence Marguerite, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mercredi 9 mai 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 7 961,58 et 1 500 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2013 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis respectivement du fait, d'une part, de l'illégalité de la décision du 13 juin 2008 par laquelle le maire de la commune de Velanne (Isère) lui a accordé un permis de construire assorti de la prescription de raccordement au réseau électrique et d'enfouissement de ce raccordement et, d'autre part, de la fourniture d'informations erronées par les services de la préfecture de l'Isère. Par un jugement n° 1305437 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à M. A...en réparation du préjudice résultant de la fourniture d'informations erronées et a rejeté le surplus de sa demande.

Par une ordonnance n° 16LY02364 du 4 janvier 2017, enregistrée le 9 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 12 juillet 2016 au greffe de cette cour, formé par M.A.... Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juillet 2017 et 23 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 mai 2016 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 mars 2018, présentée pour M.A... ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B...A....



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 13 juin 2008, le maire de Velanne, agissant au nom de l'Etat, a accordé à M. A...un permis de construire en vue de la réhabilitation et de l'extension d'une maison individuelle en prévoyant que le branchement sur les réseaux publics de téléphone et d'électricité s'effectuerait en souterrain. M. A...ayant versé 12 937,57 euros à la société ERDF pour assurer ce raccordement dans les conditions prescrites par le permis de construire, il a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 7 961,58 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de l'obligation d'enfouissement et de financement du raccordement électrique prévue par le permis de construire du 13 juin 2008 et une somme de 1 500 euros au titre d'une information erronée par les services de l'Etat qui l'avait conduit à engager vainement une action en responsabilité contre la commune. Par un jugement du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande de réparation au titre de l'information erronée et a rejeté le surplus de ses conclusions. M. A...se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation au titre de l'illégalité fautive de la prescription prévue par le permis de construire du 13 juin 2008.

2. Il résulte de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme que les bénéficiaires d'autorisations de construire peuvent être tenus de réaliser les équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15 du même code. Aux termes de cet article L. 332-15, dans sa rédaction applicable à la date du permis de construire litigieux : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. / Les obligations imposées par l'alinéa ci-dessus s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes. / L'autorisation peut également, avec l'accord du demandeur et dans les conditions définies par l'autorité organisatrice du service public de l'eau ou de l'électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n'excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d'autres constructions existantes ou futures. (...) ". Aux termes de l'article L. 332-30 du même code : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées (...) ". Il résulte, d'une part, de ces dispositions que l'action en répétition ainsi prévue est exclusive de toute autre action fondée sur l'illégalité des participations visées par ces dispositions et, d'autre part, que l'action en répétition de l'indu doit être exercée contre la personne bénéficiaire des contributions aux dépenses d'équipements publics imposées aux constructeurs sous la forme de participations financières ou de réalisation de travaux, qui peut notamment être l'autorité concédante d'un service public.

3. Dès lors, la demande formée par M.A..., qui tendait à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice résultant du versement de sommes sujettes à restitution par le bénéficiaire des contributions en application de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, était irrecevable. Il y a lieu de substituer ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait et qui justifie sur ce point l'article 3 du dispositif du jugement attaqué, aux motifs retenus par le tribunal pour rejeter la demande du requérant d'indemnisation au titre de l'illégalité fautive de la prescription prévue par le permis de construire du 13 juin 2008, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens qu'il soulève à l'encontre de ces motifs. Il appartiendra au requérant, s'il s'y croit fondé, d'exercer à l'encontre du bénéficiaire des contributions aux dépenses d'équipements publics l'action en répétition de l'indu prévue à l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme.

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et au ministre de la cohésion des territoires.