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Ariane Web: Conseil d'État 412820, lecture du 9 mai 2018, ECLI:FR:CECHS:2018:412820.20180509

Décision n° 412820
9 mai 2018
Conseil d'État

N° 412820
ECLI:FR:CECHS:2018:412820.20180509
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Dorothée Pradines, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP GOUZ-FITOUSSI, RIDOUX ; SCP MONOD, COLIN, STOCLET, avocats


Lecture du mercredi 9 mai 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 1er février 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune de Félines-Termenès (Aude) a décidé de préempter les parcelles cadastrées section B n°s 1291 à 1294. Par un jugement n° 1301527 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M.A....

Par un arrêt n° 15MA03199 du 6 juin 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M.A..., annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 juin 2015 et la délibération du conseil municipal de Félines-Termenès du 1er février 2013.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 juillet et 24 octobre 2017 et le 22 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Félines-Termenès demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Félines-Termenès, et à la SCP Gouz-Fitoussi, Ridoux, avocat de M. A...;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 1er février 2013, le conseil municipal de la commune de Félines-Termenès a décidé de préempter quatre parcelles situées au lieu-dit " Le Village ", propriété de M. et Mme B..., que M. A...souhaitait acquérir. Par un jugement du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de M. A...dirigée contre cette délibération. La commune de Félines-Termenès se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 juin 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et cette délibération, au motif qu'elle ne satisfaisait pas à l'exigence de motivation posée par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 2121-11 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " L'affichage du compte rendu de la séance, prévu à l'article L. 2121-25, a lieu, par extraits, à la porte de la mairie ". Il résulte de ces dispositions que le compte-rendu de la séance du conseil municipal affiché à la porte de la mairie ne comporte que des extraits faisant apparaître la nature de l'ensemble des questions abordées au cours de la séance correspondante du conseil municipal et n'a pas à reprendre, lorsque celui-ci a décidé de faire usage du droit de préemption, la motivation exigée par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., qui soutenait en appel que la délibération du 1er février 2013 n'était pas motivée, a produit, tant devant le tribunal que devant la cour, une simple photo du compte-rendu sommaire de la séance du conseil municipal de Félines-Termenès du 1er février 2013, affiché à la porte de la mairie, faisant mention de la délibération donnant pouvoir au maire pour exercer le droit de préemption urbain sur les quatre parcelles en litige, ainsi que le courrier du maire de la commune du 11 février suivant, l'informant de la décision d'exercer le droit de préemption. En défense, la commune de Félines-Termenès énumérait les mentions que comportait, selon elle, la délibération litigieuse, sans toutefois la joindre à ses écritures. En jugeant, sans inviter les parties à la produire, que la délibération litigieuse du 1er février 2013, " formalisée par le seul compte-rendu non contesté de la séance du conseil municipal ", était insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, la cour a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier.

4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Félines-Termenès, qui peut utilement soulever ces moyens en cassation, est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille. Ces moyens suffisant à entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi de la commune.

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...la somme que la commune de Félines-Termenès demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Félines-Termenès, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 juin 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Félines-Termenès et de M. A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Félines-Termenès et à M. C... A....
Copie en sera adressée à Mme D...B....