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Ariane Web: Conseil d'État 412502, lecture du 25 mai 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:412502.20180525

Décision n° 412502
25 mai 2018
Conseil d'État

N° 412502
ECLI:FR:CECHR:2018:412502.20180525
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème et 6ème chambres réunies
M. Florian Roussel, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP GADIOU, CHEVALLIER ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL, avocats


Lecture du vendredi 25 mai 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) Marphi a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 13 février 2013 par laquelle la communauté urbaine de Lyon a prononcé le retrait et le reversement de la subvention qu'elle a perçue ainsi que la décision du 4 avril 2013 rejetant implicitement son recours gracieux contre cette décision, d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 58 573 euros émis par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) le 17 avril 2013, de la décharger de l'obligation de payer cette somme et d'enjoindre à la communauté urbaine de Lyon ou à l'ANAH de lui verser le solde de la subvention qui lui a été accordée. Par un jugement n° 1304551 du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite de rejet du recours gracieux de la SCI Marphi, enjoint à l'ANAH de réexaminer la situation de la société dans un délai de quatre mois et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 15LY03927 du 16 mai 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel que la SCI Marphi a formé contre ce jugement en tant qu'il rejetait le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet et 17 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Marphi demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'ANAH la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'arrêté du 2 février 2011 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la SCI Marphi et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de l'ANAH.



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Marphi a sollicité, le 22 janvier 2010, l'attribution d'une subvention auprès de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) concernant la réhabilitation de deux logements à Lyon ; que, par une décision du 15 juillet 2010, le président de la communauté urbaine de Lyon, agissant en qualité de délégataire de l'ANAH en vertu d'une convention du 27 avril 2009, lui a accordé une subvention de 97 105 euros au titre de l'ANAH ; que, le 15 mars 2011, un acompte de 56 321 euros a été versé à la SCI Marphi au titre de cette subvention ; que, par une décision du 13 février 2013, le président de la communauté urbaine de Lyon a prononcé, au nom de l'ANAH, le retrait de la subvention ainsi que le reversement de l'acompte déjà versé ; que, par un courrier du 4 avril 2013, la SCI Marphi a formé un recours gracieux contre cette décision ; que ce recours a été implicitement rejeté ; que, le 17 avril 2013, l'ANAH a émis un titre exécutoire d'un montant de 58 573 euros, correspondant au montant de l'acompte versé affecté d'une majoration ; que la SCI Marphi a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une requête tendant à l'annulation de la décision du 13 février 2013 et à la décharge de la somme dont le remboursement lui était demandé ; que, par un jugement du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite de la communauté urbaine rejetant le recours gracieux de la société et rejeté le surplus de ses conclusions ; que, par un arrêt du 16 mai 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la SCI Marphi contre ce jugement en tant qu'il rejetait le surplus de ses conclusions ; que la SCI Marphi se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sur la procédure mise en oeuvre par l'ANAH :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 321-10-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'une convention mentionnée à l'article L. 321-1-1 a été signée, le président, selon le cas, du conseil général ou de l'établissement public de coopération intercommunale:/ (...) 3° Décide du reversement et du retrait des subventions en application de l'article R. 321-21, après avis de la commission mentionnée au II de l'article R. 321-10 (...) " ;

3. Considérant qu'en jugeant que la décision du 13 février 2013 prononçant le retrait de la subvention accordée à la SCI Marphi et le reversement de l'acompte déjà versé avait été prise après avis de la commission locale pour l'amélioration de l'habitat, ainsi que cela ressortait du procès-verbal de séance de cette commission, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

Sur le bien-fondé du retrait de la subvention et de la demande de reversement :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 321-18 du code de la construction et de l'habitation : " Le règlement général de l'agence précise les renseignements et pièces qui doivent être fournis à l'appui de la demande, détermine les modalités permettant d'assurer la confidentialité des informations recueillies et fixe les règles d'instruction des dossiers, en particulier celles relatives à la réception et aux délais d'instruction des demandes ainsi qu'à la notification des décisions. (...) / La décision d'octroi de subvention mentionne les caractéristiques principales du projet, le montant de la subvention, les conditions de son versement et les dispositions relatives à son reversement éventuel ainsi que le comptable assignataire. (...) / La subvention est versée, sur déclaration d'achèvement de l'opération, après vérification de la conformité des opérations réalisées avec les caractéristiques du projet sur lesquelles la décision d'attribution a été fondée. La subvention est versée sur présentation des justificatifs précisés par le règlement général de l'agence, en particulier des factures des entreprises, sauf cas exceptionnels dus, notamment, à la défaillance de l'entreprise chargée des travaux " ; qu'aux termes du I de l'article R. 321-21 de ce code : " (...) Le retrait de l'aide versée par l'agence est prononcé et le reversement des sommes perçues exigé s'il s'avère que celle-ci a été obtenue à la suite de fausses déclarations ou de manoeuvres frauduleuses. Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, ou de toute autre convention liée au bénéfice des aides de l'agence, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence. (...) " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du règlement général de l'ANAH, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Intervention des entreprises (R. 321-18) - Les travaux doivent être exécutés par des entreprises professionnelles du bâtiment inscrites au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou légalement installées dans un pays membre de l'Union européenne ou par des entreprises d'insertion ou des centres d'aide par le travail dûment habilités par une autorité administrative. Ces entreprises doivent être soumises aux règles de garantie légale " ; qu'aux termes de l'article 18 de ce règlement : " Toute demande de paiement, qu'il s'agisse d'avance, d'acompte ou de solde, doit être effectuée par le bénéficiaire de l'aide ou son mandataire auprès du délégué de l'agence dans le département ou du délégataire à l'appui d'un formulaire spécifique accompagné des pièces justificatives mentionnées en annexe " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) Le délégué de l'agence dans le département atteste et certifie l'exactitude des éléments retenus pour cette liquidation : (...) la régularité et la conformité des factures produites ou autres documents produits prévus à l'annexe 1 avec le projet, objet de la décision attributive de subvention. (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 de ce règlement : " En cas de non-respect des prescriptions relatives aux aides de l'ANAH (articles R. 321-12 à R. 321-21 du CCH, engagements conventionnels, présent règlement général...), la décision de subvention sera retirée et tout ou partie des sommes perçues devra être reversé (...) " ;

6. Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel a entendu faire application des articles 18, 20 et 21 du règlement général de l'ANAH, dans leur rédaction issue de l'arrêté du 2 février 2011, visé par l'arrêt attaqué ; que la circonstance que, par suite d'une erreur de plume, la cour s'est référée à l'arrêté du " 21 février 2011 " n'est pas de nature à faire regarder son arrêt comme entaché d'erreur de droit ; qu'en faisant application des dispositions issues de l'arrêté du 2 février 2011, qui prévoient le retrait de la décision de subvention en cas de non-respect par le bénéficiaire des prescriptions relatives aux aides de l'ANAH, et en particulier de celles relatives à la production des justificatifs de réalisation des travaux, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision contestée, et non dans celle, au demeurant analogue, en vigueur à la date de la décision d'octroi de la subvention, la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que la grande majorité des justificatifs adressés par la SCI Marphi à l'ANAH pour justifier de la réalisation des travaux et de leur conformité avec les caractéristiques du projet au vu duquel la subvention avait été octroyée présentaient des anomalies de nature à mettre en doute leur authenticité, leur objet, l'identité du prestataire ou le montant facturé, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier ; qu'en estimant que des irrégularités portant sur une partie seulement des factures produites pouvaient, eu égard à leur nombre, leur nature et leur importance, priver l'ANAH de la possibilité de vérifier le coût des travaux et leur conformité aux caractéristiques du projet faisant l'objet de la subvention et justifier le retrait de celle-ci dans sa totalité, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en estimant qu'au regard de l'importance et de la gravité des anomalies relevées dans les justificatifs produits par la SCI Marphi, l'ANAH avait pu procéder à un retrait total de la subvention, la cour a souverainement apprécié les faits de l'espèce, sans les dénaturer ;

8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 241-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. / A l'ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Marphi n'a pas été en mesure de justifier, en réponse à la demande de l'ANAH, que l'une des entreprises intervenue sur le chantier disposait de l'attestation d'assurance requise par ces dispositions législatives, sans faire état d'aucun motif légitime justifiant cette carence ; que, dans les circonstances de l'espèce, et au regard en particulier de l'importance et de la gravité des anomalies relevées dans les factures produites et de la circonstance qu'un grand nombre des entreprises intervenues sur le chantier ont été mises en liquidation peu de temps après la fin de ce dernier, la cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit, que la société requérante n'avait pas mis l'ANAH en mesure de s'assurer du respect des dispositions de l'article 13 de son règlement général, selon lesquelles les entreprises chargées de l'exécution des travaux doivent être soumises aux règles de garantie légale ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI Marphi n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu'elle attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ANAH le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SCI Marphi et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Marphi le versement à l'ANAH d'une somme de 3 000 euros au titre de ces mêmes dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SCI Marphi est rejeté.
Article 2 : La SCI Marphi versera à l'ANAH une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Marphi et à l'Agence nationale de l'habitat.


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