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Ariane Web: Conseil d'État 408539, lecture du 6 juin 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:408539.20180606

Décision n° 408539
6 juin 2018
Conseil d'État

N° 408539
ECLI:FR:CECHR:2018:408539.20180606
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Laurent Domingo, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP BOUZIDI, BOUHANNA, avocats


Lecture du mercredi 6 juin 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté n° 07/2830 du 28 décembre 2007 par lequel le maire de la commune de Cannes a interdit l'usage de la cale de mise à l'eau du port du Mourré Rouge à tout engin nautique à moteur. Par un jugement n° 0801414 du 29 mars 2011, le tribunal administratif a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 11MA02186 du 7 février 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Cannes contre ce jugement.

Par une décision n° 377184 du 6 avril 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un arrêt n° 16MA01481 du 6 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Cannes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er mars et 11 avril 2017 et le 9 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Cannes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des ports maritimes ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Cannes et à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. B....

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 mai 2018, présentée par la commune de Cannes.


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la demande de M. B..., le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 28 décembre 2007 par lequel le maire de la commune de Cannes a interdit l'usage de la cale de mise à l'eau du port du Mourré Rouge à tout engin nautique à moteur. Par une décision du 6 avril 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 7 février 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la commune de Cannes tendant à l'annulation de ce jugement. La commune de Cannes se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 janvier 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, statuant après renvoi, a rejeté son appel.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ". Aux termes de l'article L. 302-5 du code des ports maritimes, créé par l'ordonnance du 2 août 2005 portant actualisation et adaptation des livres III et IV du code des ports maritimes (partie législative) et en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " L'autorité portuaire exerce la police de l'exploitation du port, qui comprend notamment l'attribution des postes à quai et l'occupation des terre-pleins. Elle exerce également la police de la conservation du domaine public portuaire ". L'autorité portuaire investie du pouvoir de police est, selon les dispositions de l'article L. 302-4 du même code alors en vigueur, l'exécutif de la collectivité territoriale pour les ports de plaisance maritimes relevant des collectivités territoriales.

3. Pour juger que le tribunal n'avait pas méconnu son office en ne recherchant pas si la mesure d'interdiction en litige pouvait être prise sur le fondement des pouvoirs de police spéciale du maire prévus par les dispositions alors en vigueur du code des ports maritimes, la cour s'est bornée à relever qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que l'arrêté en litige " pourrait trouver sa base légale dans les dispositions des articles L. 302-4 et suivants du code des ports maritimes, alors en vigueur " et n'a ainsi pas mis le juge de cassation à même d'exercer son contrôle. Elle a, dès lors, insuffisamment motivé son arrêt. La commune de Cannes est, par suite, fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de plusieurs courriers adressés en 2004, 2005 et 2007 au maire de la commune par des riverains du port du Mourré Rouge ainsi que des rapports du régisseur du port rédigés au cours de l'été 2007, que l'utilisation des engins nautiques à moteur à partir de la cale de mise à l'eau de ce port provoquait des nuisances sonores importantes, en journée et le soir, ainsi que des risques pour la sécurité des autres usagers du port. Ces troubles justifiaient que le maire prenne une mesure de police sur le fondement des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et du code des ports maritimes alors en vigueur, afin de réglementer les conditions d'utilisation des installations du port de Mourré Rouge.

6. Le maire de la commune de Cannes a décidé, par l'arrêté en litige modifiant l'arrêté municipal du 10 janvier 2005 réglementant l'usage de l'aire publique de carénage du Mourré Rouge et des rampes de mise à l'eau des ports du Mourré Rouge et de la Pointe Croisette, d'interdire l'utilisation de la cale de mise à l'eau du port du Mourré Rouge à tout engin nautique à moteur, au motif que le plan de balisage du plan d'eau de la commune dans la zone des trois cents mètres, adopté conjointement avec le préfet maritime par arrêté du 25 juin 2007, s'était révélé insuffisant pour remédier efficacement aux nuisances sonores et aux risques en matière de sécurité provoqués par les engins nautiques à moteur. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des plaintes des riverains reçues par le maire les 20 et 27 août 2007 et le 17 octobre 2007, que la persistance des troubles à l'ordre public résulte de la violation, par les utilisateurs d'engins nautiques à moteur, des règles fixées par le plan de balisage, non de l'inadéquation de ces règles. Le maire de la commune de Cannes, à qui il appartient de faire respecter ces règles, ne justifie pas de ce que l'interdiction générale et permanente prévue par l'arrêté en litige serait ainsi seule susceptible de prévenir les troubles et d'atteindre les objectifs de préservation de la tranquillité publique, de prévention des accidents et de parfaite conservation du domaine public portuaire. Dans ces conditions, et alors qu'aucune autre cale de mise à l'eau n'est ouverte au libre accès des engins nautiques à moteur sur le territoire de la commune de Cannes, en décidant une interdiction générale d'utilisation de la cale de mise à l'eau du port du Mourré Rouge par tout engin nautique à moteur, le maire de la commune de Cannes a pris une mesure disproportionnée qui est, pour ce motif, illégale.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cannes n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 28 décembre 2007.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, à ce titre, une somme à la charge de la commune de Cannes.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 janvier 2017 est annulé.

Article 2 : La requête de la commune de Cannes présentée devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Cannes et par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Cannes et à M. A... B....