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Ariane Web: Conseil d'État 413806, lecture du 13 juin 2018, ECLI:FR:CECHS:2018:413806.20180613

Décision n° 413806
13 juin 2018
Conseil d'État

N° 413806
ECLI:FR:CECHS:2018:413806.20180613
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
M. Thibaut Félix, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD ; OCCHIPINTI, avocats


Lecture du mercredi 13 juin 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Pierre et Caro a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 20 novembre 2015 par lequel le maire de Bayonne a délivré à la société civile immobilière GVI Bastiat Bayonne un permis de construire autorisant la démolition d'un bâtiment et la construction d'un hôtel sur un terrain situé 9, rue Frédéric Bastiat à Bayonne, et celle de l'arrêté du 17 mars 2017 modifiant l'arrêté du 20 novembre 2015. Par une ordonnance n° 1701500 du 14 août 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu l'exécution de ces décisions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 13 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Bayonne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Pierre et Caro la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la commune de Bayonne.



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Pau que, par un arrêté du 20 novembre 2015, le maire de Bayonne a délivré un permis de construire à la SCI GVI Bastiat Bayonne en vue de la réalisation d'un hôtel, puis par un arrêté du 17 mars 2017, lui a délivré un permis de construire portant modification de l'arrêté du 20 novembre 2015. Toutefois, à la demande de la SCI Pierre et Caro, propriétaire d'un immeuble voisin, le juge des référés, par une ordonnance du 14 août 2017, a suspendu l'exécution de ces arrêtés sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, au motif que le moyen, relevé d'office, tiré de l'incompétence du maire pour prendre, au nom de la commune, de tels arrêtés, valant autorisation de travaux conduisant à la création d'un établissement recevant du public, était propre à créer un doute sérieux quant à leur légalité. La commune de Bayonne se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Aux termes de l'article L. 425-3 du même code : " Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions (...) ". Ni ces dispositions, ni celles de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme qui précisent, par exception au a de l'article L. 422-1, les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative de l'Etat est compétente, ni aucune autre disposition n'apportent toutefois, pour de tels permis de construire tenant lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme, d'exception à la compétence du maire, agissant au nom de la commune, prévue par l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 111-19-13 du même code : " L'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant le public prévue à l'article L. 111-8 est délivrée au nom de l'Etat par : / a) Le préfet, lorsque celui-ci est compétent pour délivrer le permis de construire ou lorsque le projet porte sur un immeuble de grande hauteur ; / b) Le maire, dans les autres cas ".

5. Il résulte de ces dispositions que lorsque le maire a compétence, en vertu du a de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, pour délivrer un permis de construire et que celui-ci porte sur un établissement recevant du public, il ne peut être accordé qu'avec l'accord de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme, laquelle est le maire, agissant au nom de l'Etat, sauf pour les immeubles de grande hauteur. La circonstance que cet accord soit donné au nom de l'Etat est sans incidence sur la compétence du maire, agissant au nom de la commune, pour délivrer le permis de construire considéré. Il suit de là que le juge des référés a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de ce que les arrêtés avaient été pris par le maire agissant au nom de la commune était propre à créer un doute sérieux quant à leur légalité.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bayonne est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la SCI Pierre et Caro, à verser à la commune de Bayonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la SCI GVI Bastiat Bayonne, qui ne s'est pas pourvue dans le délai du pourvoi en cassation et n'a été appelée en la cause que pour produire des observations.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Pau du 14 août 2017 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au juge des référés du tribunal administratif de Pau.
Article 3 : La SCI Pierre et Caro versera à la commune de Bayonne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la SCI GVI Bastiat Bayonne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bayonne, à la SCI Pierre et Caro et à la SCI GVI Bastiat Bayonne.