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Ariane Web: Conseil d'État 406355, lecture du 20 juin 2018, ECLI:FR:Code Inconnu:2018:406355.20180620

Décision n° 406355
20 juin 2018
Conseil d'État

N° 406355
ECLI:FR:CECHR:2018:406355.20180620
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère et 4ème chambres réunies
M. Frédéric Pacoud, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ODENT, POULET, avocats


Lecture du mercredi 20 juin 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite de rejet opposée par le président de la région Poitou-Charentes à sa demande du 6 avril 2010 tendant au versement d'allocations d'assurance chômage à compter du 1er février 2010. Par un jugement n° 1001647 du 23 janvier 2013, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision en tant que le bénéfice des allocations d'assurance chômage lui a été refusé pour la période du 1er au 3 février 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 13BX01652 du 11 mars 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux, à la demande de MmeB..., a annulé ce jugement du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'intégralité de la décision du président de la région Poitou-Charentes, ainsi que cette décision, et a enjoint au président de la région de lui verser les allocations d'assurance chômage auxquelles elle a droit, pour la période du 1er février au 31 août 2010.

Par une décision n° 380116 du 24 février 2016, le Conseil d'Etat, sur le pourvoi de la région Poitou-Charentes, a annulé cet arrêt.

Par un arrêt n° 16BX00795 du 27 octobre 2016, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé la décision du président de la région Poitou-Charentes en tant que le bénéfice des allocations d'assurance chômage a été refusé à Mme B...pour la période du 1er au 8 février 2010, enjoint à la région Nouvelle-Aquitaine de verser à Mme B...les indemnités de chômage pour la période allant du 4 février au 8 février 2010, réformé le jugement du tribunal administratif de Poitiers en ce qu'il avait de contraire à son arrêt et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 décembre 2016, 27 mars 2017 et 9 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 27 octobre 2016 en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de son appel ;

2°) réglant l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de faire droit au surplus de ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la région Nouvelle-Aquitaine la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du travail ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le décret n° 90-126 du 9 février 1990 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme B...et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la région Nouvelle-Aquitaine ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeB..., ingénieur territorial principal de la région Poitou-Charentes, placée en disponibilité pour convenances personnelles, pour une durée de deux ans et six mois à compter du 1er août 2007, a sollicité sa réintégration à compter du 1er février 2010. Alors qu'elle était maintenue d'office en disponibilité dans l'attente de sa réintégration, le président de la région Poitou-Charentes a refusé de faire droit à sa demande du 6 avril 2010 tendant au bénéfice des allocations d'assurance chômage. Par jugement du 23 janvier 2013, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision en tant qu'elle avait refusé à Mme B...le bénéfice des allocations d'assurance chômage pour la période du 1er février au 3 février 2010. Par l'arrêt attaqué du 27 octobre 2016, la cour a annulé partiellement ce jugement et a annulé cette décision en tant qu'elle portait sur la période allant jusqu'au 8 février 2010, date à laquelle la cour a estimé que Mme B...avait refusé une offre d'emploi correspondant à son grade.

2. D'une part, il résulte des dispositions des articles 72 et 97 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale que le fonctionnaire territorial qui demande sa réintégration après avoir été placé en disponibilité pour convenances personnelles pendant une durée n'ayant pas excédé trois années, doit se voir proposer une des trois premières vacances d'emploi dans sa collectivité d'origine et que, s'il refuse successivement trois postes correspondant à son grade qui lui sont proposés, le cas échéant par le Centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion, dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de cette réintégration, il peut être licencié.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 5421-1 du code du travail : " En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi, (...) aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre ". Aux termes de l'article L. 5424-1 du même code : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 : / 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un fonctionnaire territorial qui, à l'expiration de la période pendant laquelle il a été placé, sur sa demande, en disponibilité, est maintenu d'office dans cette position, ne peut prétendre au bénéfice des allocations d'assurance chômage que si ce maintien résulte de motifs indépendants de sa volonté. Tel n'est pas le cas du fonctionnaire qui a refusé un emploi, répondant aux conditions définies par les dispositions statutaires applicables, qui lui a été proposé par la collectivité à la suite de sa demande de réintégration.

5. En premier lieu, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit, au regard des dispositions précitées, en jugeant que le refus par Mme B...de l'emploi que lui proposait la région Poitou-Charentes auprès de l'Institut atlantique d'aménagement du territoire, qui, bien que constitué à la date de la décision litigieuse sous la forme d'une régie dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière, était chargé de l'exploitation d'un service public administratif de la région et rattaché à celle-ci, pouvait être pris en considération pour rechercher si l'intéressée devait être regardée comme involontairement privée d'emploi, alors même que cet emploi aurait été occupé par le biais d'une mise à disposition ou d'un détachement, au sens des articles 61 et 64 de la loi du 26 janvier 1984.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 9 février 1990 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux, alors applicable : " Les ingénieurs territoriaux exercent leurs fonctions dans tous les domaines à caractère scientifique et technique entrant dans les compétences d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public territorial, notamment dans les domaines de l'ingénierie, de la gestion technique et de l'architecture, des infrastructures et des réseaux, de la prévention et de la gestion des risques, de l'urbanisme, de l'aménagement et des paysages, de l'informatique et des systèmes d'information ". L'article 4 du même décret précise que : " Les fonctionnaires ayant le grade d'ingénieur principal exercent leurs fonctions dans les régions, les départements, les communes de plus de 2 000 habitants (...). Ils exercent également leurs fonctions dans les établissements publics locaux assimilés à une commune de plus de 2 000 habitants dans les conditions fixées par le décret n° 2000-954 du 22 septembre 2000 relatif aux règles d'assimilation des établissements publics locaux aux collectivités territoriales pour la création de certains grades de fonctionnaires territoriaux. / Dans les collectivités et les établissements mentionnés à l'alinéa précédent, les ingénieurs principaux sont placés à la tête d'un service technique, d'un laboratoire d'analyses chimiques ou d'analyses des eaux, ou d'un groupe de services techniques dont ils coordonnent l'activité et assurent le contrôle. (...) ".

7. Ces dispositions n'imposent pas que les ingénieurs territoriaux se voient exclusivement confier des missions techniques et scientifiques, mais se bornent à prévoir qu'ils exercent leurs fonctions dans tous les domaines à caractère scientifique et technique entrant dans les compétences d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public territorial. En jugeant que l'emploi de responsable du pôle " analyse et prospective territoriale " de l'Institut atlantique d'aménagement du territoire, qui, s'il revêtait un caractère administratif, s'exerçait toutefois dans un domaine à caractère scientifique et technique, était de ceux que peut occuper un ingénieur territorial principal, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a souverainement apprécié les pièces du dossier sans les dénaturer et n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions précitées du décret du 9 février 1990.

8. En dernier lieu, si, en vertu des articles 23 et 41 de la loi du 26 janvier 1984, les centres de gestion de la fonction publique territoriale assurent la publicité des créations et vacances d'emplois, la cour n'a ni commis une erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la circonstance que l'offre faite à Mme B...par courriel du 8 février 2010 ne figurait pas sur l'arrêté pris quelques jours plus tard, le 16 février, par le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Vienne, recensant les déclarations de créations et de vacances d'emploi transmises par les collectivités territoriales et leurs établissements, ne suffisait pas à établir que cet emploi n'existait pas ou n'était pas effectivement vacant. Enfin, la cour, qui n'était pas tenue de répondre à l'argument de la requérante, à l'appui de sa contestation de l'existence ou de la vacance de cet emploi, tenant à ce que le courriel qui lui avait été adressé ne faisait pas mention des conditions de rémunération, n'a pas davantage entaché son arrêt d'insuffisance de motivation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la région Nouvelle-Aquitaine qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...une somme de 1 000 euros à verser à la région Nouvelle-Aquitaine au titre des mêmes dispositions.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B...est rejeté.
Article 2 : Mme B...versera à la région Nouvelle-Aquitaine la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à la région Nouvelle-Aquitaine.
Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.


Voir aussi