Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 402896, lecture du 27 juin 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:402896.20180627

Décision n° 402896
27 juin 2018
Conseil d'État

N° 402896
ECLI:FR:CECHR:2018:402896.20180627
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Louise Bréhier, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP MONOD, COLIN, STOCLET, avocats


Lecture du mercredi 27 juin 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La commune de Bollène a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le permis de construire délivré tacitement le 21 septembre 2012 à la communauté de communes Rhône-Lez-Provence pour la réalisation, sur le territoire de la commune de Bollène, d'un ensemble de trois bâtiments à destination de bureaux pour la communauté de communes et de bureaux et logements pour la gendarmerie nationale. Par un jugement n° 1203090 du 11 avril 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14MA02535 du 1er juillet 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et, après évocation, rejeté la demande de la commune de Bollène.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 30 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Bollène demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Rhône-Lez-Provence une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;





Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la commune de Bollène, et à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la communauté de communes ;





1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 27 janvier 2012, la communauté de communes Rhône-Lez-Provence a déposé une demande de permis de construire pour la réalisation, sur le territoire de la commune de Bollène, d'un ensemble de trois bâtiments à destination de bureaux pour son usage propre et de bureaux et logements destinés à la gendarmerie nationale ; que, le 21 septembre 2012, un permis de construire a été tacitement délivré à la communauté de communes Rhône-Lez-Provence ; que la commune de Bollène a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de ce permis de construire ; que par un jugement du 11 avril 2014, le tribunal administratif a rejeté cette demande ; que, sur appel de la commune, par un arrêt du 1er juillet 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement pour irrégularité et, après évocation, rejeté la demande de la commune ; que la commune de Bollène se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire " ; qu'aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Le permis de construire ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la construction d'un ensemble immobilier unique, même composé de plusieurs éléments, doit en principe faire l'objet d'une seule autorisation de construire, sauf à ce que l'ampleur et la complexité du projet justifient que des éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l'objet de permis distincts, sous réserve que l'autorité administrative soit en mesure de vérifier, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés ; qu'en revanche, des constructions distinctes, ne comportant pas de liens physiques ou fonctionnels entre elles, n'ont pas à faire l'objet d'un permis unique, mais peuvent faire l'objet d'autorisations distinctes, dont la conformité aux règles d'urbanisme est appréciée par l'autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-1 du code l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 422-2 du même code : " Par exception aux dispositions du a de l'article L. 422-1, l'autorité administrative de l'Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur : / a) Les travaux, constructions et installations réalisés pour le compte d'Etats étrangers ou d'organisations internationales, de l'Etat, de ses établissements publics et concessionnaires (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 422-2 du même code : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable dans les communes visées au b de l'article L. 422-1 et dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : / a) Pour les projets réalisés pour le compte d'Etats étrangers ou d'organisations internationales, de l'Etat, de ses établissements publics et concessionnaires ; " qu'il résulte des dispositions combinées du a) de l'article L. 422-2 et du a) de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme que, par dérogation à la compétence de principe du maire prévue par le a) de l'article L. 422-1, le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire lorsque celui-ci porte sur un projet réalisé pour le compte de l'Etat ; que ces dispositions ont pour objet de faire obstacle à ce qu'une commune puisse s'opposer à l'accomplissement d'un tel projet en raison des buts d'intérêt général poursuivis par l'Etat ; qu'il s'ensuit que le préfet doit être reconnu compétent pour délivrer le permis de construire sollicité même lorsque celui-ci porte sur un ensemble immobilier unique dont une partie seulement est réalisée pour le compte de l'Etat ;

5. Considérant, d'une part, qu'en relevant que les bâtiments du projet en litige comportaient des liens fonctionnels, dont une voirie interne, et que le réseau d'évacuation des eaux pluviales ainsi que l'intégration paysagère des bâtiments avaient fait l'objet d'une étude globale, pour juger que le projet devait être regardé comme constituant un ensemble immobilier unique, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il soit réalisé pour le compte de deux personnes publiques différentes, la cour a souverainement apprécié les faits de l'espèce et n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits et les pièces du dossier ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'aucune décision n'a été notifiée à la communauté de communes Rhône-Lez-Provence à la suite du dépôt de sa demande ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le permis de construire qui lui a été délivré tacitement, en ce qu'il autorise notamment la construction de bureaux et logements réalisés pour le compte de l'Etat, doit être regardé comme ayant été octroyé par le préfet de Vaucluse pour l'ensemble du projet ; que ce motif, qui répond à un moyen d'incompétence soulevé devant les juges du fond et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la cour aurait, en répondant à ce moyen, insuffisamment motivé sa décision, entaché son arrêt de contradiction de motifs et commis une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que, parmi les 111 places de stationnement projetées, moins de 53 seraient dévolues aux bâtiments de bureaux, en méconnaissance de l'article UC 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bollène, qui n'est pas d'ordre public, n'a pas été soulevé par la requérante devant la cour administrative d'appel de Marseille ; que, par suite, la requérante ne peut utilement invoquer ce moyen pour contester le bien-fondé de l'arrêt qu'elle attaque ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'en jugeant, pour apprécier la conformité du projet aux dispositions de l'article UC 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bollène, aux termes desquelles " (...) Sous réserve d'un impact visuel limité et d'une bonne intégration dans le site, sont admis / - les ensembles d'émission ou de réception des signaux radioélectriques (...) ", que les caractéristiques de l'antenne radioélectrique, qui est implantée sur la toiture du bâtiment destiné à accueillir les bureaux de la gendarmerie et dont la base est protégée par un brise-soleil en aluminium, n'empêcheraient pas sa bonne intégration dans le site, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bollène n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté de communes Rhône-Lez-Provence qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la communauté de communes ;



D E C I D E :
--------------

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Bollène est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté de communes Rhône-Lez-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Bollène, à la communauté de communes Rhône-Lez-Provence et au ministre de la cohésion des territoires.