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Ariane Web: Conseil d'État 415342, lecture du 11 juillet 2018, ECLI:FR:CECHS:2018:415342.20180711

Décision n° 415342
11 juillet 2018
Conseil d'État

N° 415342
ECLI:FR:CECHS:2018:415342.20180711
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Laurent Domingo, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
BALAT ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du mercredi 11 juillet 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte a demandé au tribunal administratif de Versailles de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la délibération du conseil municipal de la commune de Maisons-Laffitte du 26 juin 2017 portant désaffectation et déclassement de la parcelle cadastrée AM 132P et autorisant sa cession au profit de la SCI Cap Gallieni. Par une ordonnance n° 1706116 du 12 octobre 2017, le juge des référés de ce tribunal a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 octobre et 13 novembre 2017, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Maisons-Laffitte demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de l'association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte ;

3°) de mettre à la charge de l'association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de la commune de Maisons Laffitte et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l'association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que le conseil municipal de la commune de Maisons-Laffitte a, par délibération du 26 juin 2017, décidé de procéder à la désaffectation de la parcelle communale AM132P, située 22 rue du Maréchal Gallieni, d'une contenance de 3 748 m² et qui constitue une partie du parking du marché, dans un délai de 3 mois à compter de la date à laquelle cette délibération sera devenue définitive, de prononcer le déclassement de cette parcelle, d'approuver la substitution de la société Cap 78 Construction Aménagement Promotion par la SCI Cap Gallieni, titulaire du permis de construire du 21 novembre 2013 qui lui a été transféré par un arrêté du 14 septembre 2016, d'approuver la cession de la parcelle au profit de la SCI Cap Gallieni au prix de 3 millions d'euros, et d'autoriser le maire ou son représentant à poursuivre la procédure de cession et signer les actes nécessaires à sa réalisation. L'Association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte a formé un recours pour excès de pouvoir contre cette délibération et a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles d'en suspendre l'exécution en application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. La commune de Maisons-Laffitte se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 12 octobre 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande de suspension.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

4. Il ressort des termes mêmes de la délibération attaquée que la désaffectation de la parcelle communale AM132P ne pourra intervenir, ainsi que par voie de conséquence l'exécution des autres décisions contenues dans la délibération en litige, que dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle cette délibération deviendra définitive. En jugeant, après avoir relevé que l'entrée en vigueur de la délibération était conditionnée par son caractère définitif, que cette circonstance avait " pour effet de priver les justiciables de la voie de droit du référé suspension " et en jugeant que, pour des motifs tirés du principe de sécurité juridique, il y avait lieu de fixer cette entrée en vigueur au 26 septembre 2017, pour en déduire que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative était satisfaite, alors qu'eu égard aux modalités de mise en oeuvre de la délibération retenues par le conseil municipal, aucune atteinte immédiate aux intérêts de l'association requérante, qui n'a pas été privée de son droit à un recours juridictionnel, n'était caractérisée, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. La commune de Maisons-Laffitte est par suite fondée à en demander l'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la délibération contestée prévoit que la désaffectation de la parcelle en litige ne pourra intervenir qu'après qu'elle sera devenue définitive. Dès lors que la délibération ne fait pas application des dispositions de l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques, qui permettent que le déclassement d'un immeuble appartenant au domaine public artificiel des personnes publiques et affecté à un service public ou à l'usage direct du public soit prononcé dès que sa désaffectation a été décidée alors même que les nécessités du service public ou de l'usage direct du public justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l'acte de déclassement, cette désaffectation est le préalable nécessaire au déclassement et à la cession de la parcelle. Il en résulte que ce déclassement et cette cession ne pourront intervenir avant que le tribunal administratif ait statué sur le recours pour excès de pouvoir dont il a été saisi contre la délibération. Il en résulte que la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne se trouve pas remplie. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée par la commune de Maisons-Laffitte, la demande de suspension présentée par l'association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte ne peut qu'être rejetée.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Maisons-Laffitte, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Maisons-Laffitte à ce titre.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 12 octobre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 2 : La demande de suspension présentée par l'Association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : L'Association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte versera une somme de 2 000 euros à la commune de Maisons-Laffitte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Maisons-Laffitte et à l'Association de défense et de développement du quartier du marché de Maisons-Laffitte.